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  Teen Titans #16 : Brûle, San Francisco ! (4) : Réunion
 

Histoire : Lex
Date de parution : Juillet 2007

Ils étaient là. Tous sans exception. Assis autour de cette table rectangulaire, ils se faisaient face, ne sachant pas encore pourquoi on les avait fait venir ici, ni qui était l’auteur de ce rendez-vous plus qu’étrange. En effet, tout ces hommes qui se jaugeaient agressivement étaient en guerre depuis bientôt trois semaines. Ces caïds contrôlant chacun une part de San Francisco se livraient bataille pour le titre suprême et tant convoité de baron du crime et ne s’embarrassaient guère de bons sentiments dans ce combat à mort. Le terrain de jeu ? San Francisco, même. La ville connaissait une vague de crimes sans précédents, une guerre des gangs incontrôlable dans laquelle personne n’était épargné, et surtout pas les civils, victimes favorites des représailles aveugles lancées ici et là. La police ? Que pouvait-elle faire dans cet enfer, surtout quand des politiciens véreux entravaient son action ? Non, la police ne pouvait et ne faisait rien. Bien sûr, elle tentait de faire bonne figure en médiatisant quelques « gros coups » sans envergures mais le bilan était là, la guerre continuait sans que personne ne l’en empêche.

Personne ? Pas tout à fait. Et c’était ça qui les plongeait tous dans une fureur noire. Des gamins s’amusaient à leur mettre des bâtons dans les roues. Des petits salopards jouaient avec leurs nerfs en permanence et c’était ça leur problème majeur aujourd’hui, en parallèle avec la course au pouvoir, bien entendu. Ce groupe que la presse surnommait les Titans était apparu récemment, il y avait à peine quelques mois, et ses membres faisaient maintenant figures de héros sans peurs et sans reproches, des justiciers protégeant la veuve et l’orphelin et combattant le crime tels des chevaliers au grand cœur. Un ramassis de conneries, certes, mais des conneries qui leur faisaient faire des cauchemars la nuit ! Chaque criminel ici présent avait un jour ou l’autre eut à faire à ces gamins costumés et en avait subit les conséquences. Ce n’était qu’une épine dans leur pied, certes, mais la gangrène menaçait toujours lorsqu’on s’y attendait le moins, surtout en cette période. Car il y aurait bon nombre de perdants qui risqueraient le tout pour le tout dans la lutte pour le pouvoir et que des gamins grignotent leurs empires déjà affaiblis, ça, ils ne pouvaient le tolérer plus longtemps.

Et c’était la raison pour laquelle ils avaient accepté de se rendre à ce mystérieux rendez-vous, bien qu’ils se retrouvent entre ennemis dans cet entretien à haut risque. Quelques heures plus tôt, ils avaient reçus les cartons d’invitations d’un obscur club privé qui soulignait l’importance d’une entrevue pour résoudre définitivement le problème des Titans. Méfiants, chaque gangster s’était rendu au lieu du rassemblement avec leurs meilleurs éléments, pour la plupart des garde du corps aux talents non négligeables.

Depuis la révélation de l’existence d’êtres dotés de pouvoirs défiant l’imagination, les mutants, le marché du crime s’était étonnement diversifié et s’était ouvert à toute sorte de créatures plus ou moins humaines. A présent, pas un caïd digne de ce nom ne comptait au moins un de ces monstres génétiques dans ses rangs. Leurs pouvoirs incroyables étaient des outils que personne ne pouvait négliger, pas même les plus grands, surtout pas les plus grands. L’emploi de ces machines à tuer s’était généralisé à tout le pays et s’était transformé en un véritable commerce à la prospérité débordante. Si beaucoup redoutaient et méprisaient les mutants, les criminels, eux, les courtisaient de leur mieux. Ne correspondaient-ils pas aux soldat parfaits dont ils rêvaient pour asseoir leur autorité et étendre leur zones d’influence ?

Si jamais rixe il y avait et si ça tournait mal, ils pourraient faire face aux incidents à l’aide de leurs gardes du corps surhumains. Avec un peu de chance, quelques chefs ennemis périraient, laissant le champ libre aux conquêtes des autres. En tout cas, la guerre des gangs était loin d’être terminée. Il n’en resterait qu’un et chaque prétendant au trône n’était pas près de lâcher le morceau. Fixit avait fait sa loi pendant trop longtemps, beaucoup trop longtemps. Enfin débarrassé du joug russe, ils s’accapareraient son héritage.

Mais pour l’heure, ils attendaient nerveusement l’arrivée de l’initiateur de ce rendez-vous, redoutant un piège mais espérant un moyen efficace de se débarrasser des Titans une bonne fois pour toute. Si quelqu’un avait une solution réelle à ce problème, ils devaient la connaître, même s’il y avait un risque énorme. Qui ne tente rien n’a rien comme disait le proverbe et la prise de risques faisait partie du métier. Ils réussiraient à laisser leurs différents de côtés, au moins jusqu’à la fin de la réunion, pour prendre connaissance de la chose. Ils restaient tous ennemis mais une menace commune leur obtempérait de laisser leurs armes où elles étaient pour le moment.

Le bruit significatif d’une porte qui s’ouvre attira l’attention de chacun. Les visages des rois du crime convergèrent vers la même direction, le haut des marches qui menaient au club, juste au dessus de leurs têtes. D’étranges silhouettes se dessinèrent sur les murs en velours qui bordaient l’escalier tandis qu’un rire à glacer le sang se faisait entendre. Qu’est-ce que c’était que ça ? Instinctivement, les gangsters posèrent une main sur leur arme cachée sous leurs vêtements. Tout cela sentait le piège à plein nez. Est-ce qu’ils n’avaient pas eu tord de se rendre à ce rendez-vous ? On avait peut être utilisé leur haine vis à vis des Titans pour les manipuler. Mais c’était trop tard pour reculer à présent. Autant savoir ce qu’on leur voulait, on aviserait ensuite.

Lentement, émergèrent de l’ombre deux colosses en costars blancs armés de mitraillettes qui descendirent les marches en fusillant du regard les gangsters et leurs gardes du corps. De quel droit ces types se permettaient-ils de les menacer ainsi, eux, les maîtres de la ville ? Mais ils attendraient encore un peu avant de dégommer ces abrutis. Ils devaient savoir qui était leur patron et ce qu’il leur voulait.

-Bonsoir, messieurs.

La voix venait du haut de l’escalier, perçant l’obscurité qui masquait son propriétaire. Caché dans l’ombre, ce dernier observait l’assemblée. Frank Moretti, Leonid Kovar, Shimizu Gesshin, Monsieur Choo et Félix Sanchez. Ils étaient tous venus, comme il l’avait prévu. Parfait. A présent, il allait pouvoir passer aux choses sérieuses. Il sortit de l’ombre et descendit quelques marches puis observa la réaction de chacun.

Les regards filèrent vers l’apparition sortie de l’ombre. Vêtu d’une redingote en queue de pie et d’un pantalon de velours, accompagné de souliers blancs, l’homme devant eux ressemblait d’avantage à un joueur de claquettes des années vingt qu’au gangster qu’ils s’attendaient à découvrir. Le visage barré d’un sourire pervers, il les regardait comme on regarde des proies. Puis sa voix aigre et aiguë reprit :

-Enfin je vous rencontre tous, au grand complet. Une vraie réunion de famille dirait-on. Huuu ! Je plaisante, bien sûr. J’emploierais plutôt le terme « associés ». Oui, c’est belle et bien une réunion de futurs associés que nous avons là, des associés sous mes ordres, évidemment.

La réaction ne se fit pas attendre. Que disait ce malade ? Qu’il était le nouveau patron ? Qu’il allait les diriger ? Non mais pour qui se prenait ce Fred Astaire du dimanche ? Ils s’étaient donc déplacés pour entendre pareilles ignominies et, qui plus est, de la bouche d’un farfelu inconnu dont la place aurait du être chez les fous. Ce fut Frank Moretti qui parla le premier tandis que le cinglé en redingote rejoignait ses hommes.

-Pour qui tu te prends, espèce de taré ? Tu crois qu’on va se laisser diriger par un abruti dans ton genre ? Je crois que t’as pas bien saisis la situation, petit père. Dans cette ville, c’est nous qui dirigeons. Moi, les deux chinks, ce foutu fils de pute de russe et Sanchez. Et tu vois, on est tous en guerre normalement - mais en trêve depuis dix minutes - et certainement pas tes lèches-culs. Tu te crois où, là ? Tu crois que tu peux te ramener tranquillement et nous dicter tes lois ? Si je suis venu ici, et je pense que c’est pareil pour les autres, c’est pour chopper des infos sur comment débarrasser San Francisco de ces têtes de nœuds de Titans. Soit tu nous dis ce que tu sais et on te laisse la vie sauve, soit tu persistes dans ta connerie et je pense qu’on décidera de te buter de la manière la plus lente et cruelle qui soit à l’unanimité. Tu piges, trou du cul ?

La prestation oratoire de Moretti fut applaudit par la majorité des convives, excepté Kovar qui, si les gardes du corps de Frank ne l’observeraient pas d’un mauvais œil, aurait aimé lui foutre une balle en pleine tête. L’italien avait raison sur toute la ligne. Personne ne leur avait jamais dicté leur conduite, à l’exception de ce salopard de Fixit, aujourd’hui disparu et ce n’était certainement pas ce malade mentale en puissance qui allait les diriger, ça non.

Le malade mentale en question avait écouté Frank en souriant, s’esclaffant même aux termes inventifs qu’on lui octroyait. Il semblait si sûr de lui que ça en devenait malsain. Oui, il était sûr de son coup malgré son apparente vulnérabilité. Chaque gangster était accompagné de deux ou trois de leurs meilleurs hommes, pour la plupart mutants. Ces êtres étaient capables de tuer un humain normal par le simple agissement de leur pensée ou à l’aide d’une force que la nature avait décuplée chez eux. Si les caïds décidaient d’un commun accord de l’attaquer, il n’aurait aucune chance de leur échapper. Et pourtant, il était confiant. Il répliqua :

-Permettez, cher Frank - vous permettez que je vous appelle Frank ? - d’exposer la situation qui s’offre à mes yeux. Voyez-vous, pendant que chacun d’entre vous vous amusiez à vous entretuer dans les rues de cette chère cité, moi, Neil Richards, je m’activais à prendre le contrôle de vos empires sans que vous vous en rendiez compte. Surprise ! (Il leva les mains en l’air en les secouant ridiculement). L’heure du réveil a sonné, mes agneaux !
-Qu’est-ce que tu racontes espèce de barjot ? S’exclama Moretti en sortant un revolver de sa ceinture.
-Frank, mon pauvre petite Frank. Vous ferriez mieux de vous calmer. C’est un conseil que vous devriez suivre pour une fois. Vous voulez peut être des preuves de ce que j’avance ? Je vais vous faire un bref exposé qui, je l’espère, vous éclairera d’avantage sur la situation présente. Prenons votre cas, Frank. Vous détenez soixante-seize pour cents des parts du marché de la drogue (cocaïne, héroïne, crack,…). Votre principal fournisseur en marchandise s’appelle Kim Jing-Ho, de nationalité coréenne, âgé de trente-huit ans, père de six enfants, qui achète cette même marchandise aux petits et gros exploitants thaïlandais avec qui vous travaillez depuis bientôt neuf ans. Votre buisness a pour principal pilier ce trafic de drogue, les autres secteurs d’activité s’étiolant diversement entre rackets, vols et autres. Mais voyez-vous, mon cher Frank, ce que vous ne saviez pas, c’était que Jing-Ho était un de mes vieux amis d’enfance. Et oui, ce cher Jing-Ho vous trahis depuis environ un an, à mon profit, bien sûr, avec la complicité de votre bras droit, ce bon vieux Joe. A l’heure qu’il est, le petit coup d’état a dû avoir lieux.
-Qu’est-ce que tu racontes ?
-Ah oui, j’oubliais que vous souhaitiez des preuves, cher Frank. Appelé Joe, pour voir. Faîtes, faîtes ! Ne prêtez pas attention à nous tous, nous serrons sage.

Le dénommé Neil Richards lui fit un clin d’œil complice. Frank, commençant à paniquer, sortit son téléphone portable et composa nerveusement le numéro de son acolyte. La sonnerie retentit puis ce fut la voix de Joe. Celui-ci, avant même que Frank est commencé à parler, déclara qu’il était désolé de l’avoir trahis mais qu’il préférait suivre les gagnants, pas les perdants.

-Houps ! S’écria Neil avec un sourire sadique en se plaquant théâtralement la main sur sa bouche. A partir d’aujourd’hui, je crois que Joe dirige la boutique. Triste, n’est-ce pas ? Et dire que vous vous connaissiez depuis l’enfance…
-Ferme là ! Hurla Moretti, totalement déboussolé par ce qui venait de se passer. Je vais te crever espèce d’enculé ! Sale fils de pute je…
-Assis, répliqua froidement Neil. Si vous tentez quoi que ce soit, votre fille mourra à l’instant. Vous ne voudriez pas qu’il arrive quelque chose à votre chère petite Toni, Frank ?
-Quoi ?
-Ho, suis-je sot ? J’ai omis de vous indiquer le rapt de votre douce enfant. Vous me pardonnez j’espère ?
-Qu’est-ce que ?
-Téléphone, coupa Richards en tendant sa main gantée, paume ouverte.

Un des colosse sortit un portable et le déposa dans la main de son patron. Ce dernier composa tranquillement un numéro puis présenta l’appareil à Frank. Celui-ci s’en saisit en tremblant puis approcha le combiné de son oreille. Une voix féminine se fit alors entendre :

-Papa ?
-To…Toni ? C’est toi, ma chérie ?
-Papa… Ho mon Dieu, papa… Pourquoi ces gens m’ont enlevé ? J’ai si peur… Papa ?
-Je… Je suis là, mon amour. Ca va aller, papa va venir te chercher. Tu ne fais rien avant que je sois arrivé d’accord ?
-Oui, papa. Je t’aime.
-Je t’aime aussi, mon cœur.

L’appel se termina sur ces mots. Frank Moretti était dévasté. Derrière lui, Neil le singeait, mimant un homme en pleurs. Puis il dit d’une voix faussement compatissante :

-Comme c’est émouvant. Je suis sincèrement navré de ce qui arrive, Frank.
-Rendez-moi ma fille, murmura ce dernier, les dents serrés, prêt à se jeter sur son nouvel ennemi.
-Ah non ! Ce ne serait plus drôle du tout ! Vous n’avez vraiment pas le sens de l’humour à ce que je vois, hein Frank ?
-Je vais vous tuer !
-Non, vous ne le ferrez pas. La raison en est simple : je détiens votre fille en otage. Soit vous m’obéissez, soit je lui fait subir moult sévices avant de la tuer, à petits feux bien sûr.
-Sale enculé…
-Vous n’êtes plus rien, Frank. Vous n’êtes qu’une loque, une - pardonnez-moi le terme quelque peu violent - merde. Oui, dès aujourd’hui, votre petit empire familial m’appartient. Bien sûr, vous restez le maître « officiel » de votre entreprise mais si vous vous comportez mal ou si vous refusez d’obéir, je tue votre fille. Clair ?
-Fils de pute…
-A la bonheur !

Frank se rassit, tremblant comme une feuille morte. Il venait de tout perdre en à peine deux minutes. Et par dessus tout, il était séparé de sa fille, sa fille chérie qu’il avait toujours protégé. Sa mère était morte, elle n’avait plus que lui et lui n’avait plus qu’elle. Et voilà qu’un type inconnu venait lui prendre son unique bonheur, son enfant chérie. Cet enculé avait bien joué son coup. Il avait tout prévu dans les moindres détails. Aussi ne fut-il pas étonné de le voir énoncer à chacun les moyens de pressions et les parts de leurs empires qu’il détenait. Il ne fut même pas surpris lorsqu’il apprit que Monsieur Choo, le mafieux chinois, était son allié depuis le début.

Tous acceptèrent donc de reconnaître la souveraineté de Neil Richards sur la pègre et se portèrent garant de la fin des hostilités dans les prochaines heures. Richards annonça qu’une épuration efficace qu’il superviserait devrait être mené dans chaque clan dès demain et des boucs émissaires devraient être désignés comme responsables de la guerre des gangs et livrés à la police dans la semaine qui suivrait. Puis il énonça les points majeurs de sa « politique » criminelle, axée sur des activités lucratives comme la prostitution, la vente de drogue, la vente d’armes ou les jeux. Il déclara également qu’il s’installerait dès ce soir à Japan Town qui serait son quartier général, sous les yeux ébahis de Shimizu Gesshin qui observa désespéramment le reste de l’assemblée. Réglant la question rapidement, Neil fit signe aux gardes du corps méta-humains du japonais de le tuer, ce qu’ils firent sans l’ombre d’une hésitation.

La séance fut terminée une heure plus tard. Richards souriait à pleine dents. Il avait remporté son pari haut la main et venait en une soirée de prendre le contrôle total de la pègre de San Francisco, sans rencontrer nuls ennuis. Il était le seul maître à bord, le roi incontesté, le puissant monarque du crime qui venait de remplacer Fixit, et pour longtemps.

Alors que les caïds de la ville commençaient à quitter la salle, la mine abattue, tout leurs espoirs et ambitions ayant fondus comme neige au soleil, Richards les interpella :

-Attendez ! J’ai oublié de vous signaler une dernière petite chose. Je vais ne faire qu’une bouchée des Titans et je compte sur votre aide.

Finalement, Neil avait tenu sa promesse. Il présentait bel et bien une solution pour éliminer les Titans. Ces derniers devraient profiter de leurs derniers instants de quiétude car bientôt, ils auraient à faire au plus dangereux des psychopathes et à son armée criminelle…

 
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