Histoire : Lex
Date de parution : Juillet 2008
Dick Grayson ferma les yeux lorsqu’il entendit un froissement de tissu derrière son dos. Il était finalement venu au rendez-vous indiqué, quittant sa tanière de Chicago pour revoir le seul homme qui connaissait son identité secrète, avec son majordome bien sûr. En quelque sorte, Bruce était redevable à Dick. Il avait failli le massacrer lors de cette nuit où le chevalier de la nuit avait pris le dessus sur Bruce Wayne. Les coups qui s’étaient mis à pleuvoir sur son visage, Dick s’en souviendrait toute sa vie. C’était si violent, si soudain. Si le justicier n’avait pas retrouvé la raison à temps, il ne serrait à cet instant plus que de la chair froide, six pieds sous terre.
Pour se faire pardonner et se racheter une conduite, Bruce avait révélé sa véritable identité au jeune homme. Un gage d’amitié solennel qui les unissaient étroitement dans une relation quasi paternelle. Dick avait découvert en cet homme, qui l’avait pourtant frappé ardemment, la figure d’un père qu’il n’avait que trop peu connu. Un mentor admiré, une légende à qui Dick rêvait de ressembler.
Se retournant, Dick put découvrir un individu entièrement drapé de noir, tapis dans l’ombre de la ruelle, ses yeux d’acier posés sur lui. Sachant la frayeur qui perçait dans le cœur de son jeune ami, Bruce quitta sa cachette et apparut sous la lumière d’un vieux lampadaire ayant survécu aux gangs et aux tremblements de terre, fréquents dans la région. Dick le rejoignit et la lueur jaunâtre éclaira un jeune homme ayant pour seule protection de son identité, un simple masque, cette fois-ci aussi bleu que la lune dans le ciel.
Dick avait troqué son ancien « costume », une veste militaire, des mitaines de cuir et un masque vert, pour un simple pull noir zébré d’un imposant V bleu qui s’étalait sur toute sa poitrine et qui masquait un gilet par balle. Un pantalon noir et uniforme remplaçait l’habituel treillis aux dégradés de vert et les rangers avaient disparu au profit de bottes légères, flexibles et adhérentes. Le masque bleu faisait ressortir les yeux bleus clairs du justicier, leur donnant une allure inquiétante.
Bruce, surpris du changement, esquissa un sourire presque invisible puis donna l’accolade à son allié.
-Il y a du changement dans l’air, on dirait.
Dick lui lança un regard étrangement dur et aiguisé comme la lame d’un rasoir. Cela surprit Bruce, soudain inquiet pour le jeune homme.
-Ca ne va pas ?
-Ils ont… ils ont tué Tara.
La mâchoire crispée, Dick avait lâché ces quelques mots, aigres dans sa bouche. Repenser à ça le tuait mais il devait en parler à Bruce. Celui-ci devait connaître les raisons de sa nouvelle attitude, de ses changements d’optique vis à vis des criminels et bien sûr, de la mission qui les attendait tout deux. Oui, il devait savoir pour qu’il puisse lui accorder son aide, chose indispensable. Car cette histoire allait le concerner puisqu’il s’agissait d’individus affrontés par le justicier de Chicago dans le passé dont il était question.
-Il y avait des rumeurs comme quoi vous auriez perdu un membre mais je ne pensais pas que…
Bruce s’interrompit quelques instants, lisant le désarroi dans le regard de Dick. Il reprit.
-Je suis désolé, Dick. Sincèrement désolé.
Batman posa une main rassurante sur l’épaule de son interlocuteur, prêt à éclater en sanglots. Comme il comprenait ce gamin. Même à son âge, lui n’avait pas vécu tant de malheurs. La vie ne lui avait pas fais de cadeaux, c’était certain. Il était la victime d’un destin des plus tragiques, comme Bruce en avait connu un, lui aussi. Tout deux partageaient cette même souffrance dans l’âme, qui restait, immuable, même avec le temps. La perte de leurs parents faisait parti de la croix qu’ils portaient tout deux depuis l’enfance. Un de leurs points communs qui faisait que les deux hommes se sentaient si proches l’un de l’autre.
-Quand est-ce que ça a eu lieu ?
Dick soupira, faisant un effort pour repenser aux derniers évènements qui avait fini de faire basculer les Titans dans le monde impitoyable des adultes et de leurs fourberies.
-Il y a une semaine ou plus, je ne sais plus. Tout se bouscule dans ma tête depuis que j’ai appris tout… tout ce que tu m’as dis. Bon sang, c’est un Architecte qui a provoqué cette mort !
Bruce fronça les sourcils.
-Tu as découvert son identité ?
Dick acquiesça faiblement.
-Joey Wilson. Il a remporté les élections pour le poste de maire ici, à San Francisco. Cette enflure a provoqué la guerre des gangs, tu comprends ? C’est lui qui a organisé tout ces meurtres, toute cette explosion xénophobe à Bayview. Il a fais plonger ma ville dans le chaos. Il a excité les mafieux et les gangs en les privant de Fixit et…oh, bon sang !
Dick était prêt à exploser. Il fulminait de rage en repensant à cet être qu’il haïssait le plus au monde. Celui qui avait quasiment détruit les Titans. Ce politicien vicieux. Ce monstre. Joey Wilson.
-Calme-toi. Qui t’as filé ces informations.
-Connor. C’est Connor Hawke, une sorte d’archer mercenaire que j’ai aidé et qui me doit sa vie. Il a infiltré l’organisation criminelle de Neil Richards…
-L’homme qui est mort, une flèche dans la tête ? J’ai lu ça dans les journaux…
Le regard de Bruce se fit plus sévère, essayant de déceler en Dick toute trace de mensonges ou de quelque chose qu’il tenterait de cacher.
-Connor l’a exécuté, répondit froidement Dick à la question implicite que Bruce se posait. C’était son idée et il n’avait pas besoin de mon approbation pour le faire.
-C’est un meurtre, Dick.
-C’était un malade ! Un pervers qui a fais tuer la fille de Frank Moretti ! Le pauvre vieux s’est fais sauter la cervelle quand il a appris ça ! Richards ne méritait pas moins que ce qu’il a eu.
-Dick, ce n’est pas la…
Dick l’arrêta immédiatement.
-Je n’ai pas besoin de leçon de morale, Bruce. Pas maintenant. Et tu n’es pas un exemple en ce qui concerne ce genre de… pratiques.
Bruce tilta puis soupira.
-Bien, poursuis ton histoire alors.
-Connor a soutiré des informations à Richards et a réussi à savoir qu’un mystérieux personnage dans l’ombre avait organisé le kidnapping de Fixit et l’avait engagé pour prendre le contrôle de la pègre. Je n’ai su le nom de cet homme que bien après, lorsque Tula me l’a révélé.
-Ta coéquipière ?
-Mon ex-coéquipière. Elle travaillait pour Wilson. C’est Connor qui l’a découvert en torturant l’autre fumier de Richards.
La voix de Dick devenait effrayante de haine. Une rage sourde le consumait et Bruce l’avait bien remarqué. Il était tant que Bruce s’occupe de l’avenir de ce môme.
-Qu’est-il advenue de Tula ?
-Tu veux savoir si je l’ai tué ? Non. Je l’ai laissé partir après qu’elle ait fait ses révélations.
-Comment sais-tu que Wilson est un architecte ?
-Ce vantard l’a révélé à Tula.
-Hum.
-Quoi ?
-Ca me paraît bizarre qu’il révèle ce genre de choses à une titan, même si c’est une espionne.
-Et bien il l’a fait, conclut Dick, sèchement.
Bruce sentait que la conversation s’envenimait. Dick était éprouvé par ce qu’il venait de vivre et c’était normal qu’il se lâche.
-Bien. Pourquoi m’as-tu fais venir ici, Dick ?
Cette fois, on rentrait bel et bien dans le vif du sujet.
-Et bien, j’aimerais… j’aimerais avoir ton aide et celle de la ligue pour arrêter Joey.
-Arrêter ?
-Arrêter par tout les moyens. Si tu veux tout savoir, j’espère qu’il crèvera.
Au moins, les choses étaient claires.
-La ligue, hein… Il faut déjà la réunir. Mais je pense que stopper un des Architectes serra un bon stimulant. Mais ça va prendre du temps.
-Je veux juste un appui. Les Titans sont capables de massacrer ce fumier mais… mais je veux pas qu’il y ait d’autres morts.
-C’est d’accord. Je vais voire ce que je peux faire.
Bruce se retourna, prêt à quitter les lieux du rendez-vous. Dick l’interpella.
-Bruce ! Merci.
*
Garfield observait l’océan qui s’étendait sous ses yeux, un horizon immense et lointain, attirant comme nulle autre chose. Assis dans le jardin de l’ancienne propriété de Loren Jupiter, aujourd’hui abandonnée, le jeune mutant restait seul, loin du groupe, loin de ses amis. Tant de choses avaient changé depuis leur première rencontre. La guerre des gangs, l’assassinat de Loren, les moines tueurs et bien sûr, la mort de Tara. Cette suite d’évènements tragiques martelaient son cœur avec la force d’un marteau et une tristesse profonde l’envahissait, rien que d’y penser. Les Titans avaient tant partagé, tant donné pour aider San Francisco. Et aujourd’hui. Aujourd’hui, la colère et la douleur avait succédé aux temps heureux. Garfield savait pertinemment que plus rien ne serrait jamais plus comme avant. Le parfum des roses n’aurait plus la même saveur. La brise marine qui caressait sa nuque ne le rafraîchirait plus. Le soleil et la mer ne le fascineraient plus comme avant.
Tout avait changé et un retour en arrière était impossible. A présent, Dick et Victor étaient prêt à se venger des Architectes et de Joey Wilson. Tula était partie et il savait qu’il ne la reverrait plus. Connor était prêt à suivre Dick et Victor dans leur vendetta sanglante. Et Lui. Lui avait envie de partir, de fuir pour toujours cet endroit, ce monde, qu’il ne reconnaissait plus. Pour Garfield, les Titans, c’était du passé. La page était tournée pour toujours. Plus rien ne serrait comme avant, oui. Plus rien.
-Je savais que je te trouverais là.
La voix de Raven le fit sursauter. Raven, sa meilleure amie, inestimable compagne qu’il avait protégé et aimé comme une sœur. Un léger sourire sur les lèvres, l’adolescente s’assit à côté de son ami. Fait encore plus contradictoire avec son attitude habituelle, elle passa un bras autour de ses épaules, un geste d’affection débordante qui toucha au plus profond de lui-même un Garfield déboussolé.
Des larmes coulaient le long de ses joues tandis que Raven commença tendrement à le bercer. Le vent jouait avec ses cheveux blonds et chantait une ballade triste, emplie de désespoir. Le récit de sa vie, une complainte qui s’adressait directement à lui.
-Raven, murmura-t-il en sanglots. Si tu savais comme j’en ai marre de tout ça.
-Je sais, oui, je sais.
Le ton de Raven était maternelle, douce comme la rosée du matin. Et ça lui faisait du bien. Oui, Garfield se sentait bien dans les bras de son amie. Et terriblement attirée par elle.
Lentement, Raven déposa ses lèvres sur les siennes. Garfield ferma les yeux, savourant cet instant d’étrange quiétude. Il l’aimait. A cet instant, il l’aimait plus que tout au monde. Mais il le comprenait, hélas, trop tard. Se dégageant, Garfield prit doucement la main de Raven.
-Je vais partir, tu sais. Je peux plus continuer à vivre ici, je ne veux pas suivre Victor, Connor et Dick. Ce qu’ils vont faire à Wilson, je… je ne veux pas y participer. Il y a déjà eu trop de morts et ça m’épuise, tout ça. Je suis fatigué de cette vie.
-Je sais.
-Est-ce que… est-ce que tu veux venir avec moi ?
-Non, Garfield. Je ne peux pas.
Garfield ferma les yeux. Il avait eu le mince espoir qu’elle accepterait, qu’ils auraient pu vivre ensemble, tout les deux. Un amour partagé quelque part sur une île, loin de tout. A l’abri du malheur, à l’abri des désastres que provoquaient la vanité des hommes.
Lorsqu’elle se leva, il sut que c’était terminé. Il sut que plus jamais les Titans ne serraient réuni. Plus jamais ils goûteraient tous ensemble au bonheur et à l’amitié qui les liaient. Tout avait changé, oui.
Et les Titans étaient morts.
Fin.
