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  Teen Titans #19 : Blood (2)
 

Histoire : Lex
Date de parution : Octobre 2007

Le destin nous joue de drôles de tours, parfois. Le procureur Hart venait d’en faire l’amère expérience en découvrant les photos qui composaient le dossier qu’on lui avait confié. Ce juriste intègre au visage sévère ne s’était jamais douté que cette histoire entre lui et ce qui n’était plus qu’un morceau de chair froide eusse fini ainsi. Il l’avait aimé, c’était certain. Plus que son épouse. Plus que son travail qui monopolisait sa vie privée et publique. Oui, il l’aimait. Et il continuait à ressentir cette sensation douloureuse qui lui pétrissait le cœur à la vue de cette silhouette restée si désirable malgré le temps passé. Même dans la mort, elle continuait à le fasciner et à l’envoûter.

Qu’est-ce qu’elle était belle dans cette petite robe rouge. La soie lui collait à la peau et faisait apparaître sans difficultés ses formes encore généreuses. Et ses boucles brunes qui ondulaient sur ses épaules et encadraient son visage livide qui continuait à l’attirer, inexorablement. Hart avait envie de croquer ces petites lèvres qui formaient un o de surprise. Et ses yeux… Ses yeux bleus qui le fixaient et perçaient son âme avec une facilité déconcertante…

Le procureur referma brusquement le dossier pour chasser ses fantasmes morbides et revenir à la réalité. Il ne devait pas craquer. C’était son devoir de serviteur de la justice de ne pas faire de ce crime une histoire personnelle. Il devait faire abstraction de ses sentiments et ne pas se laisser emporter par les tourbillons de la passion qui l’avait animé des années plus tôt, de la passion qui continuait à couler dans ses veines sans qu’il puisse lutter. C’était une bataille perdue d’avance que de résister à son cœur mais il devait y arriver coûte que coûte. Il devait faire parler ce cadavre et retrouver les ordures qui en étaient à l’origine.

Pour cela, il disposait d’un enregistrement vidéo dont il avait fait plusieurs copies montrant le crime dans son intégralité. Il l’avait visionné un nombre incalculable de fois depuis qu’on le lui avait remis et en venait toujours au mêmes conclusions. Des individus déguisés en moines avaient poignardé la victime en plein cœur alors que le parking où cela s’était déroulé était désert. Bien sûr, il ne fut pas difficile au procureur de faire le lien avec une précédente affaire qui avait tenu San Francisco en haleine pendant des jours et des jours. L’affaire des « moines fous » qui avait fait la une des journaux et propulser, disait-on, le capitaine Hall à son nouveau poste de commissaire, qu’il occupait depuis que Ross était partit à la retraite. C’était en effet une équipe sous ses ordres qui avait conduit à l’arrestation d’un groupe d’hommes armés vêtus de bures. C’était ces vêtements même qui étaient à l’origine du surnom qu’on leur prêtait. Pourtant, aucun lien avec une quelconque Église n’avait put être établi. L’interrogatoire des dix personnes arrêtées n’avait rien donné et sept d’entre elles s’étaient suicidées avant leur procès. Les trois survivants du groupe s’obstinèrent à ne rien révéler de leur intentions, avouant simplement leurs crimes. La thèse d’une tête pensante à cette milice de psychopathes armés avait été finalement écartée et l’affaire fut classée sans qu’on en donne suite.

Mais le dossier n’était guère resté bien longtemps dans le département des archives et avait rejoint le bureau du procureur Hart, en haut d’une pile de dossiers dont il avait la charge. Ne s’était pas rendu sur les lieux du drame, Hart n’avait pas reconnu immédiatement l’identité de la victime sur la bande vidéo et il fallut attendre les photos prises par les légistes pour qu’il s’en rende compte. Et maintenant qu’il les découvrait, il se sentait de moins en moins capable de mener à bien son enquête.

Attrapant son téléphone, Hart composa fébrilement le numéro du commissariat dont dépendaient les deux inspecteurs de police qu’il avait convoqué pour annuler le rendez-vous qu’il leur avait fixé. Mais à peine eut-il le temps de porter l’appareil à son oreille que sa secrétaire, une vieille femme ridée et morne, fit irruption pour le prévenir de l’arrivée des officiers de police. En soupirant, Hart lâcha :

-Faîte les entrer, Rita.

Quelques minutes plus tard, un homme blond au visage mangé par une barbe de quelques jours et une jeune femme brune apparurent. Après avoir salué le juriste, ils s’essayèrent en face de ce dernier qui les interrogea, recouvrant sa rigidité et son aplomb habituels :

-Vous êtes les inspecteurs Chase et Trayce ?
-Oui, monsieur, répondit la femme brune. Je suis Pat Trayce et voici l’inspecteur Adrian Chase.

Elle désigna son coéquipier qui répliqua par un sourire enjoué. Bien sûr, Hart connaissait les deux individus en face de lui et plus particulièrement Chase, dont il avait eu vent des divers blâmes qui l’accablaient, mais le protocole voulait des présentations. Une fois celles-ci faites, Hart reprit :

-Je tiens à vous signaler tout d’abord l’importance de cet entretien dans vos futures activités professionnelles. Habituellement, vous ne dépendez pas du ministère de la justice mais toute règle a son exception et j’ai décidé de faire appel à vos expériences et compétences pour une affaire dont j’ai la charge. Avant de vous en faire part, j’aimerais ajouter que toutes les enquêtes sur lesquelles vous travaillez se passeront de vous pendant la période nécessaire et encore indéterminée à la mise en œuvre de notre affaire. A partir d’aujourd’hui, vous êtes sous mes ordres. Des questions ?
-Mais, pourquoi nous, justement ? Demanda Chase avec un sourire ironique qui agaça le procureur au plus haut point. Il y a une assez bonne poignée de flics à San Francisco pour piocher dans les meilleurs.
-Je connais vos déboires judiciaires, inspecteur et je me serrai passé de vos services si l’enquête que je dois mener ne vous concernait pas.

Le ton du procureur était volontairement acerbe et se voulait ferme et sans répliques. Pourtant, Chase ne put s’empêcher d’ajouter :

-Qu’est-ce que j’ai fais encore ? Non attendez… Laissez moi deviner. J’ai été vu avec des mafiosi ? Non, mieux ! Avec Frank Moretti. Je suis désolé, on s’est juste croisés lorsque je suis allé aux putes, hier soir. C’est bizarre mais on à les mêmes goûts ! Des femmes avec des fouets et des…
-Cela suffit ! Tonna Hart, rouge de colère. Je n’apprécie guère vos plaisanteries de mauvais goût, Chase !
-Pardonnez-le, tempéra Pat, confuse du comportement irresponsable de son coéquipier. Nous avons eu une mauvaise semaine.
-Cela n’excuse rien !

Le procureur fulminait. Il n’appréciait décidément pas ce petit trouble fait en conflit permanent avec ses supérieurs hiérarchiques. C’était pourtant un bon policier et un excellent limier qui savait détecter les bonnes pistes comme personne. De plus il était rôdé au combat du rue et savait se montrer un ingénieux tacticien lorsqu’il y avait des incidents urbains. C’était un bon élément mais un rebelle qui se serait vu priver de sa plaque et de son arme de service depuis longtemps s’il n’était pas doté de ces qualités. Pour Hart, c’était un pur gâchis que cet inspecteur soit ainsi borné car sans ce caractère, il aurait pu faire une brillante carrière dans la police et gravir les échelons aisément. Après quelques secondes de silence, le procureur dit à l’adresse de Chase :

-Heureusement pour vous, je ne peux me passer de votre coopération pour le moment. Il s’agit d’une enquête que vous aviez menés tout deux en Octobre. L’affaire des « moines fous ». Je suppose que vous vous en souvenez ?
-Oui. Concéda Chase, surpris que le procureur ressorte ce dossier pourtant clos.
-Et bien j’ai bien peur que ces « moines fous » aient récidivés.
-Comment ? S’exclamèrent les deux inspecteurs en chœur.
-Cette nuit, une personne a été assassinée par deux individus en habit de moine.
-Où ça ? Interrogea Trayce.
-Dans un parking à Financial District. Au cent quarante-cinq de Jefferson Street.
-La victime était une adolescente ? Demanda Chase en fronçant les sourcils.
-Non. Elle était âgé de quarante-sept ans. Et ce n’est pas la seule disconcordance avec la précédente affaire.
-Ah oui ?
-Oui. On note l’absence du procédé habituel de scarification et de crucifixion. Apparemment, aucun rituel n’a été respecté cette fois-ci. La victime a été poignardé.
-Des imitateurs, conclut Chase en croisant les bras.
-Possible. Mais je reste tout de même persuadé du lien existant entre les deux affaires. Consultez le dossier.

Pat s’exécuta et attrapa la liasse de papiers que lui tendait Hart. Commença alors une minutieuse lecture de la part des deux inspecteurs. Relevé du médecin légiste, transcription de l’audition des témoins, photographies de la défunte, tout fut passer au crible par l’œil habitué des deux limiers de la police de San Francisco. Finalement, ce fut Chase qui rompit le silence qui s’était installé.

-La vidéo-surveillance du parking indique que la victime semblait connaître ses agresseurs. Elle a même discuté avec eux.
-C’est pour cela même que je crois en un lien avec l’affaire précédente. Nous n’avons rien tiré des personnes arrêtées à la suite de l’intervention de la police…
-L’intervention des Titans, rectifia Adrian.
-L’intervention du pape, de Dieu ou de qui vous voulez, ça m’est égal. Le fait est que nous n’avons rien pu savoir de la bouche de ces cinglés en bures mais vous, Chase, vous avez inscrit dans votre rapport qu’une, je cite, « personne au tempérament impulsif et violent a pris en otage le témoin oculaire d’un des meurtres. » Puis vous ajoutez que « l’individu n’a pu être appréhendé et s’est enfui en moto, avec l’aide d’une femme en combinaison noire moulante, portant un casque qui masquait son visage. Le véhicule en question n’était pas immatriculé et une poursuite nous fut impossible. »

Hart reposa le dossier de l’affaire des « moines fous » qu’il était en train de lire. Puis il poursuivit :

-Nous pouvons donc en conclure qu’un individu qui semblait être le chef de la bande ait réussi à s’échapper avec l’aide d’une complice.
-Le capitaine Hall a refusé de me croire quand je lui est dit ça, affirma Chase en se frottant le menton.
-Imaginons que moi, je vous crois. Aurais-je raison de considérer cette théorie comme valable ?
-Je pense que oui, monsieur le procureur.

Le ton d’Adrian avait changé. Le garçon impulsif et rebelle avait laissé place à l’inspecteur efficace qu’il était. Peu à peu, il s’immergeait dans l’affaire et bientôt, il s’y consacrerait tout entier.

-Donc, poursuivit Hart, l’existence d’une organisation est, elle aussi, possible ?
-Je dirais même, une secte. Le chef tenait des propos délirants à propos de Dieu, je pense.
-Des protestants ?
-Nous avons fais le tour des temples de la région, sans résultat. Si ces tueurs sont de retour, il sera difficile de les retrouver.
-Hum. Difficile mais pas impossible. Des assassins sont encore en liberté à l’heure qu’il est et il faut à tout prix les arrêter. C’est pourquoi je vous charge d’interroger l’un des moines arrêtés qui séjourne au pénitencier de Dublin. C’est le seul des trois qui a put être identifié. Il se nomme Danny Chase et travaillait à la Jupiter Corporation en tant qu’ingénieur.
-Comment s’appelle la victime, déjà ?

La question de l’inspecteur Trayce laissa place à un court silence clos par la voix dure du procureur qui lâcha le nom :

-Loren Jupiter.

*

Chinatown.
Pas loin de minuit.
Connor retenait sa respiration tout en bandant son arc. Ses muscles se contractèrent et la corde, entravée par ses doigts, se détendit brusquement, libérant la flèche rouge qui fila à une vitesse affolante vers sa proie paniquée. Quelques secondes plus tard, un cri déchira le silence nocturne tandis qu’un sourire apparaissait sur le visage de celui qu’on surnommait l’Archer Rouge.

Depuis la fin de la guerre des gangs, il vagabondait dans les rues de San Francisco déguisé en clochard avec comme seul but d’obtenir des informations sur la situation de la pègre de San Francisco. Cette dernière semblait en pleine mutation. Il fallait dire que la guerre fratricide qui avait eu lieu entre les différents prétendants à la succession de Joe Fixit avait fait un sacré ménage dans la course au titre et même si chacun soignait les apparences, personne ne pouvait empêcher certains de jaser.

Par exemple, les SDF que Connor côtoyait tout les jours n’avaient pas toujours leur langue dans leur poche, ce qui permettait au justicier de collecter des renseignements plus qu’intéressant. Ainsi, il avait appris à leur côté qu’un inconnu avait réussit à fédérer les chefs des mafias de la cité. Bien sûr, l’aveu venait d’un petit nombre d’originaux mais Connor avait appris à discerner les allégations de la vérité et aussi étrange que cela puisse paraître, commençait à se sentir à l’aise auprès d’eux. Il s’était fait accepter par eux et c’était une chance inestimable car ils étaient au courant de tout dans cette ville. L’identité de cet hypothétique caïd restait une énigme mais Connor travaillait dessus sans relâche et jamais les rumeurs ne tarissait dans ce coin.

Ce rôle d’informateur lui avait été incombé par les Titans comme un test avant d’entrer dans l’équipe. Il devait être les oreilles du groupe et lui rapporter tout ce qui était sensé l’intéresser. Cela déplaisait fortement à la forte tête qu’il était mais il comprenait la méfiance à son égard. Après tout, il avait attaqué les justiciers sans crier gars. Aussi obéissait-il sans discuter pour l’instant en attendant que sa disgrâce soit effacée.

Mais Connor ne se limitait pas qu’à jouer les espion. Son arc et ses flèches l’accompagnaient en permanence et une proie comme un meurtrier traqué par la police qui se cachait dans un entrepôt désaffecté ne se refusait pas. Aussi avait-il pris un malin plaisir à poursuivre ce saligaud auteur de meurtres sur des personnes âgées. Il lui avait d’abord fichu une flèche dans la jambe pour l’avertir de sa présence. Puis une dans les fesses pour le faire courir plus vite. Une dans le bras pour le faire continuer et une dans le dos pour en finir avec lui. Le cri qu’il venait d’entendre indiquait que la flèche avait bien atteint son but. En voilà un qui ne ferrait plus de mal à personne.

Alors que le chasseur satisfait de son opération quittait la scène du crime par la voie des airs, des applaudissements venus de nul part le figèrent sur place. Tapis dan l’ombre de la toiture métallique du hangar, Connor balaya les lieux à la recherche d’une présence humaine mais rien ne vint. C’est alors qu’une lumière puissante le frappa en plein visage et faillit le faire basculer dans le vide. Heureusement, un entraînement journalier lui permit de se rattraper à temps et de quitter son perchoir avec agilité pour atterrir en bas, arc bandé, flèche encochée.

-Tout doux, mon ami.

Connor tilta en entendant cette voix qu’il connaissait parfaitement.

-Surpris de me voir ?
-Pas vraiment.

Un chinois d’une soixantaine d’années sortit des ténèbres avec une lampe torche tournée vers le bas et qui éclairait ses pieds. Habillé d’un smoking d’homme d’affaire, l’homme fixait Connor avec un sourire enjoué.

-Pas heureux non plus.
-Non plus.
-Je sais que vous n’aimez pas les gens de mon espèce, Monsieur Hawke.
-Mais vous avez de l’argent, Monsieur Choo. C’est le principal.

Monsieur Choo observa l’accoutrement de l’archer puis déclara d’une voix ironique :

-Je vois que vous en avez grandement besoin.
-C’est pour mon travail. Ils ne me font pas confiance. Je dois prouver ma loyauté en leur balançant des infos sur la pègre.
-Classique.
-Mais efficace. Je ne suis pas dans leurs pattes et je leur suis utile.
-Oh, je sais que vous ne livrerez jamais des renseignements importants, mon cher.
-Si vous avez assez de fric, vous pouvez en être sûr.
-Ce n’est plus moi que ça concerne, à présent. Vous avez un nouvel employeur, tout comme moi.
-Comment ça ?

Connor se fit soudain méfiant. Sa flèche était toujours prête à l’emploi et si jamais des types essayaient de l’avoir, il serrait impitoyable, comme à son habitude. Bien qu’il est fait croire aux Titans beaucoup de choses, Connor était avant tout un aventurier aguerri et un mercenaire d’une rare efficacité. Malgré son aversion pour les criminels, il n’hésitait pas à travailler pour eux en échange de beaucoup d’argent. C’était la loi du marché.

-Vous avez sans doute entendu parler de l’apparition du « nouveau ». L’homme qui a fédérer la pègre.
-Ca se pourrait. Qui est-il ?
-Mieux vaut que je vous le présente. Il est venu avec moi.

Les yeux de l’archer s’écarquillèrent tandis que les phares puissants d’une Mercedes noire illuminaient les deux hommes.

 
 
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