Urban Comics
  Teen Titans #3 : Le masque de Robin
 
Histoire : Lex
Date de parution : Novembre 2006


Les rues de Bayview étaient désertes, seulement animées par les lumières des lampadaires, dansantes dans la fraîcheur automnale du crépuscule . L’un des chefs de gang du quartier, Big Billy, avait été retrouvé poignardé de douze coups de couteaux dans une ruelle sombre, deux jours auparavant . Depuis, le quartier vivait dans la peur d’une nouvelle guerre des gangs et un couvre-feu fixé par la police avait été imposé aux habitants, qui, pour une fois, approuvaient les mesures de sécurité des services de police . Se faire tuer au coin de la rue n’enchantait personne .

La rue était donc calme comme elle ne l’avait jamais été . D’habitude, le quartier était zoné par quelques junkies ou dealers mais ici, pas un chat . Soudain, quelque chose sembla bouger dans l’ombre d’un mur . Une silhouette prit forme sous la lumière du vieux lampadaire . Le mystérieux inconnu était un homme de taille moyenne, portant une veste verte kaki et un pantalon militaire accompagné d’une paire de solides rangers . Un masque vert lui masquait le regard et ne permettait pas de connaître l’âge ou l’identité de ce personnage étrangement costumé .

Il semblait sûr de lui et savoir exactement ce qu’il avait à faire . Ce salopard allait payer et cette pensée le sur motivait, l’adrénaline commençant à monter en lui tandis que ses poings se serraient . Un léger sourire apparut sur son visage juvénile lorsqu’il sortit la photo de l’homme à abattre, photo tirée des archives de la police . En effet, Miguel Reyes n’en était pas son coup d’essai et avait été arrêté dix-neuf fois par la police de San Francisco pour possession de stupéfiants, port d’arme sans permis, excès de vitesse et délit de fuite . Il avait passé en tout plus de deux ans derrière les barreaux . Ce n’était qu’un délinquant qui n’avait jamais tué personne mais à cause de lui, une personne était morte . Cela revenait au même aux yeux du jeune homme . Il rangea la photo et puis disparut de nouveau dans l’ombre de la rue, longeant les murs, évitant les endroits exposés . Miguel vivait dans un vieil appartement de Middle Class Street, à un cinquantaine de mètres de l’endroit où il dealait de temps en temps . Mais l’étrange jeune homme savait que le portoricain était chez lui, devant sa télévision, en train de regarder sa série préférée du moment . A vingt heure trente deux, le générique de fin allait débuter et Miguel allait lever son derrière du fauteuil pour aller dans la cuisine . A vingt heure trente trois, il tournerait le bouton du micro-onde et allumerait la radio . C’est à ce moment que lui, allait pénétrer dans l’appartement et donner une bonne correction au latino, et plus si le cœur y était . Oui, ce type ne serrait pas épargner par sa soif de vengeance .

Lorsqu’il s’arrêta devant le vieil immeuble aux briques rougeâtres, sa montre indiquait vingt heure trente . Il avait deux minutes pour emprunter l’escalier extérieur et s’introduire par effraction chez Reyes . Amplement suffisant . En effet, aussi agile qu’un félin, il gravit les marches métalliques sans provoquer le moindre bruits, ce qui révélait de l’exploit lorsqu’on voyait les vieilles marches rouillées . Il n’eut pas à forcer la porte de secours qui se trouvait entrouverte . Il emprunta le vieux couloir du troisième étage . Le papier peint, à l’origine bleu n’avait pas été changé depuis des années et, en plus d’être arraché à plusieurs endroits, avait prit une teinte brune . Le jeune inconnu s’arrêta finalement devant une porte dont les chiffres indiquant son numéro étaient presque effacés . Mais il savait que c’était au 12 que Miguel Reyes habitait et c’était là qu’il se trouvait en ce moment même . Il regarda sa montre une seconde fois pour voir les aiguilles indiquer vingt heure trente et un . Il n’avait plus qu’à attendre . La patience n’était pas son fort mais il devait attendre, attendre encore une minute pour exploser ce gars . Cette longue minute fut l’occasion pour lui de réfléchir sur l’acte qu’il allait commettre . Il devait le faire, il le savait mais ce qui l’inquiétait, c’était jusqu’où il était capable d’aller, est-ce qu’il allait être capable de se maîtriser, de garder son sang-froid, de rester calme . Cela faisait maintenant deux semaines qu’il avait planifié l’opération, recherché Miguel, mémorisé ses habitudes, observé ses allées et venues . Il savait que ce qu’il allait faire n’était pas « bien » mais il se devait de le faire, ne serrait-ce que pour son ami .

Un bruit semblable à un grincement se fit entendre ; Miguel se levait de son fauteuil . Des pas lents résonnèrent et le bruit d’un interrupteur suivit l’arrêt des pas . Sous la porte, une lumière jaune et agressive apparut . Le cœur du vengeur masqué se serra et ses muscles se raidirent . Il souffla silencieusement et ferma les yeux pour vider son esprit . Le bruit du vieux micro-onde fut le signal . Il crocheta la vieille serrure, tourna la poignée puis poussa la porte sans un grincement . Il la referma tout aussi délicatement et avança avec souplesse vers la cuisine où Miguel commençait à chantonner le tube rap qu’il écoutait à la radio . Il ferma les yeux une seconde fois et tenta de calmer les battements de plus en plus réguliers de son cœur . Puis il sortit de l’ombre tel un spectre nocturne . Miguel n’eut pas le temps de réagir que déjà, l’inconnu était sur lui . Il lui donna un violent coup de poing à la mâchoire et la déboîta . Puis il attrapa le portoricain par la gorge et le poussa violemment contre le gaz . Le pauvre homme ne put protester ou se défendre tandis que les coups pleuvaient . Le combat était silencieux, presque sans un bruit à part le son sonore des coups donnés avec une rage froide . Une rage terrifiante que Miguel lut dans ses yeux . Ce malade allait le tuer s’il continuait ! Et le pire, c’est qu’il ne savait pas pourquoi . Il était en train de se faire tabasser et secouer comme un sac à patate et il sentait le sang dans sa bouche se mélanger à sa salive . Il tenta d’arrêter le poing destructeur de l’agresseur mais celui-ci lui tordit le poignet sauvagement . Non, il n’allait pas pouvoir se contenir, il allait le tuer . Enfin, il brisa le silence et prononça difficilement, en grinçant des dents :

-C’est à cause de toi qu’il est mort, espèce de salopard !
-Quoi ? Mais …

Mais Miguel n’eut pas le temps de répliquer puisqu’il se prit un magistral coup de poing dans l’arcade sourcilière . L’inconnu poursuivit avec plus d’intensité, comme pour justifier son acte :

-En vendant cette arme, tu as signés son arrêt de mort ! Tu l’as tué, c’est de ta faute ! C’est toi qui lui a donné ce foutu flingue espèce d’ordure !

Les coups plurent de nouveaux . Cette fois Miguel était au sol et commençait à perdre connaissance . Mais ça, l’inconnu ne le voulait pas . Avec force, il l’empoigna par la capuche et le releva puis le regarda droit dans les yeux . Miguel y lut sa propre perte et faillit se mettre à chialer comme un gosse de douze ans .

-Écoute, vieux, je sais pas ce que j’t’ai fait mais c’est pas moi ! Je le jure !

L’inconnu hocha la tête et lâcha Miguel . Celui-ci, soulagé, soupira mais son souffle fut coupé par un nouveau coup de poing qui lui déchira les boyaux . Miguel cracha du sang en s’écroulant de nouveau par terre mais ce n’était pas fini . Tout en lui donnant des coups de pieds, l’inconnu lui dit en riant froidement :

-T’as rien fait, hein ? T’as rien fait, sale fils de pute ! T’as rien fait, enfoiré ! Mon cul, que t’as rien fait ! C’est toi qui a refiler l’arme ! Tu vas me dire que tu t’en souviens pas ? Un garçon aux cheveux bouclés et au teint pâle est venu te voir . Il t’as payé en liquide et tu lui as donné un Anaconda avec des munitions ! Tu t’en souviens pas, hein ?! Putain, j’v’ai t’crever !!!

Il avait dit cela avec une telle force et puissance qu’il fut surpris de l’intensité de sa voix mais cela ne l’empêcha pas de continuer à taper comme un sourd . Il répétait que c’était de sa faute et qu’il allait payer . Miguel commença à voir trouble et des larmes coulèrent de ses yeux, se mélangeant au sang qu’il perdait . Il poussa un râle et écarquilla les yeux . Il murmura d’une voix faible :

-Maman … Fuis …

L’inconnu perçut les paroles et s’arrêta de frapper avant de tourner la tête et de découvrir, derrière lui, une vieille femme, l’air apeurée, tremblante de peur . Ce fut au tour de l’agresseur d’être sous le choc . Bon sang, qu’est qu’il avait fait ?! Il allait le tuer ! Il avait failli tuer ce type ! Horrifié, il bredouilla des paroles vagues et recula, trébuchant et tremblant . Il passa devant la vieille femme, toujours en état de choc qui n’avait d’yeux que pour son fils, en sang . Puis il ouvrit la porte de l’appartement sans réfléchir et prit le chemin qu’il avait emprunté presque machinalement, les yeux toujours grands ouverts . Il sauta sur l’escalier de secours et descendit les marches qui couinèrent sur son passage . Une fois sur la terre ferme, il s’engouffra dans une ruelle sombre et courut à en perdre haleine pour fuir la dure réalité de ses actes : il avait faillit tuer un homme .

Enfin, il s’arrêta de courir, à bout de souffle . Il s’adossa à un mur et ferma les yeux pour oublier ce qu’il venait de faire . Mais c’était impossible, les images de son acte défilait dans sa tête comme une cassette et il revoyait le portoricain en sang et sa mère, morte de peur . De rage, il arracha son masque et le fourra dans sa poche . C’est alors qu’il découvrit qu’il était recouvert de sang, le sang de Miguel et son propre sang . Il retira ses gants noir imbibées du liquide vital pour découvrir ses poings à vifs qui lui faisaient maintenant, atrocement mal . Sa chaire meurtrie et tout ce sang lui rappelait sans cesse ce qu’il avait fait . Dick, car c’était bien le jeune lycéen, avait voulut venger la mort de son meilleur ami, Angelo . Mais était-ce la meilleure solution ? Est-ce que le coupable était ce Miguel Reyes habitant au 12 du troisième étage d’un immeuble de Middle Class Street ? Ou était-ce T-Mike, à l’origine de la balle tirée par Dom ? Dick ne savait pas, Dick ne savait plus . Des larmes de honte inondèrent ses yeux et il pleura en se tapant la tête contre le mur noirci . Comment avait-il était capable d’une chose pareille, lui, l’enfant si calme et l’adolescent réservé ? Il était devenu comme toutes ces ordures, ces salopards qui habitaient Bayview et Excelsior, les dealers, les violeurs qui attendaient les gamines à la sortie des écoles, les caïds comme les voyous, les tueurs . Il était devenu comme eux en ayant voulu faire justice . Mais, est-ce que c’est ce qu’Angelo aurait voulu qu’il fasse ? Dick n’avait même pas prit la peine d’aller à l’enterrement de son ami, trop occupé à espionné Reyes . Est ce qu’Angelo aurait voulu ça ? Est-ce qu’il aurait voulu qu’il sombre ? Dick vivait ce qu’il avait vécu il y avait de cela dix ans maintenant . A la mort de ses parents, il avait souhaité mourir pour rejoindre ses parents ou par lâcheté mais Lyle, l’un des clown du cirque et aussi son ami l’avait convaincu, forcé à voir la réalité en face, il l’avait relevé en lui disant d’être fort, de ne jamais abandonner, de toujours se battre . Mais à présent, dans cette ruelle sombre, Dick n’avait personne à qui se confier, personne qui pouvait l’aider . Il devait se débrouiller seul, sécher ses larmes et se relever, la tête haute . Le lui aurait sûrement dit et conseillé d’aller faire une chose, plus importante, bien plus importante que les autres .

Le cimetière d’Excelsior semblait paisible en cette heure avancée de la nuit . Quelques oiseaux de nuit ponctuaient de leur chant le paysage nocturne . Les quelques tombes richement décorées, dotées d’une pierre tombale, laissaient rapidement place aux tombes plus récentes et beaucoup moins somptueuses, fidèles portraits du déclin du quartier . Parmi les ombres des pierres tombales, un garçon perdu errait, seul, recherchant désespérément la sépulture de son meilleur ami . Après plus d’une demi-heure à arpenter les allées gravillonnées, Dick finit par s’arrêter devant une tombe singulière à l’apparence neutre . La terre venait juste d’être retournée et la pierre tombale n’avait pas encore était installée . Un collier de fleurs avait été déposé sur la terre meuble et fraîche et une inscription en lettres dorées était inscrite sur une bannière blanche : In memory of Angelo Lucci . Dick s’agenouilla et, bien malgré lui, fit le signe de croix devant la dernière demeure de son ami, sa dépouille enfermée pour l’éternité dans un cercueil, sous cinq mètres de terre . Dick soupira en passant une main sur ses cheveux avant de se mettre à prier, prier que Angelo, là où il fut, soit plus heureux qu’en ce bas monde, plus heureux qu’à Bayview .

Ce ne fut que bien plus tard que Dick se leva, alors que les premiers rayons du soleil illuminaient les cieux, perçant les nuages blanchâtres du ciel de San Francisco . Le jeune homme erra de ci de là, alors que les habitants commençaient à se réveiller, marchant s’en s’arrêter à travers rues, les yeux fatigués après une nuit blanche . Ses jambes finirent par le porter à Holly Park . Croisant quelques matinaux faisant leur jogging, étonnés de voir un gamin couvert de sang dans un parc, Dick se posa sur un banc, à l’ombre d’un illustre marronnier . Pendant des heures et des heures, il resta seul, ainsi, observant les passants et les sportifs au fur et à mesure que la matinée s’écoulait . Un vieil homme, sans domicile fixe à en juger son apparence s’installa près de lui vers midi . Il dévora un sandwich . Apparemment, ce banc semblait lui appartenir à en juger des regards insistants qu’il lançait au jeune homme qui finit par le lui abandonner pour de nouveau errer dans la ville, tel un chat perdu .

Dick avait réfléchi, beaucoup réfléchi, énormément réfléchis, sur sa situation, sur ce qu’il devait faire et ne pas faire, sur son avenir . Oui, il avait eut le temps de se poser mille et une questions et il en était arrivé à une conclusion, se battre . Se battre pour son ami, mort à cause de la criminalité qui gangrenait son quartier, pour ses amis, pour les habitants de San Francisco, imposer une loi sans pitié contre les criminels, leur faire comprendre que San Francisco n’était pas à eux . Deux jours avant la fusillade au lycée, Dick avait vu un article de presse dans le San Francisco Daily relatant l’apparition d’un espèce de monstre qui opérait à Chicago, la nuit . Les criminels qui l’avaient entrevu le décrivaient comme une ombre, un sombre psychopathe, un détraqué . Mais, lui, avait osé combattre le crime . Peut importait son origine, ce « Batman » n’avait qu’un seul but, détruire la criminalité à Chicago . Pourquoi ne pas oser, ne pas faire comme lui ? Mais Dick restait hanté par ce qu’il avait fait à Miguel et se promit de ne jamais arriver à de tels extrémités . L’ennemi était un géant à plusieurs têtes et il s’agissait de couper les bonnes, de remonter les réseaux, de démasquer les chefs du crime organisé tout en assurant une vraie protection aux habitants . Oui, c’est ce que Dick souhaitait pour San Francisco . Comment y parvenir ? Les idées allaient venir . Après tout, il avait toute la journée devant lui pour y réfléchir …
 
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