Histoire : Lex
Date de parution : Septembre 2007
Résumé : Dick Grayson, jeune justicier de Bayview, Victor Stone, ancien athlète à la super force, Garfield Logan, mutant métamorphe, Tula Thompson, jeune fille aux pouvoirs aquatiques et Raven, mystérieuse japonaise aux dons hors norme forment les Titans, le groupe de justiciers de San Francisco.
Après la terrible guerre des gangs qui a ébranlé la ville, les Titans sont plus soudés que jamais. Mais seront-ils prêt à affronter le Mal à l’état le plus primaire et bestiale ? Vous le découvrirez dans les pages de ce nouveau Urban Teen Titans !
La voix était cristalline, envoûtante et déroutante. Libérée de toute l’imperfection humaine, elle surgissait du lointain inaccessible pour caresser son esprit avec une infinie douceur. Que disait-elle cette voix ? Rien, si ce n’est une mélodieuse complainte, aussi déchirante que plaisante à entendre. Un appel désespéré d’une mère à une fille peut être. Un appel criant de sincérité qui la bouleversait au plus haut point. Témoin privilégiée de ce spectacle acoustique aussi mystérieux qu’émouvant, elle ne bougeait pas et attendait, seule, dans les ténèbres qui l’entouraient et la maintenait cachée. Ses yeux observait les alentours dans l’espoir de percer l’obscurité ambiante mais rien n’y faisait. Elle restait là, attentive au chant qui irradiait son être tout entier d’une chaleur bienfaisante, sans pouvoir bouger d’un pouce. Son chant exquis l’attirait comme un aimant et la berçait avec la tendresse d’une mère aimante.
Mais elle ne pouvait rien faire. Elle était coincée, clouée au sol. Tout mouvement lui était strictement impossible. Elle voulait courir pour rejoindre la propriétaire de la voix d’or qui avait réussit à l’envoûter. Oui, elle voulait tellement connaître cette personne qui parvenait à lui faire autant de bien. Elle voulait la toucher de ses doigts, caresser sa peau, se blottir contre elle. Elle voulait tant que cela se produise. Mais elle ne le pouvait pas. Bien qu’elle le souhaite du fond du coeur, elle ne le pouvait pas. Elle était définitivement et à jamais hors de porté de l’être cher qu’elle rêvait de rejoindre. A jamais coupée de son passé. A jamais repoussée de son but comme un naufragé en proie aux vagues qui l’éloignait de la côte.
« Pourquoi ? »
Sa voix cassée venait d’interrompre l’instant magique qui l’unissait à celle qu’elle cherchait à rejoindre. Pour la première fois, elle avait parlé. Ses cordes vocales avaient vibré avec force pour adresser cette ultime interrogation. Elle était énervé. Elle voulait comprendre. Elle voulait enfin comprendre pourquoi cet océan de noirceur l’entourait et l’emprisonnait comme un poisson dans son bocal. Elle voulait savoir, au risque d’enfreindre les règles fixés en ces lieux. En parlant, elle avait interrompu le rituel qui la liait à sa mère. Cette mère qu’elle s’était inventée, cette mère qui la réconfortait dans les moments pénibles. Cette mère dont elle entendait la voix mais jamais ne voyait le visage. Oui, elle avait rompu le pacte. Mais elle s’en fichait. Elle en avait assez d’être dans l’obscurité et voulait sortir de celle-ci. Mais tous qu’elle avait trouvé semblait être un silence froid et cruel. Néanmoins, après quelques secondes, une voix masculine, cette fois-ci, tonna dans le lointain.
« Es-tu sûr de vouloir poursuivre le voyage, Raven ? »
Raven acquiesça fébrilement de la tête. Alors, comme si des yeux invisibles avaient perçu ce geste, les ténèbres commencèrent lentement à se dissiper. Peu à peu, un paysage s’offrit aux yeux de la jeune fille. Un paysage sans frontières ni limites. Un paysage en perpétuel mouvement qu’elle inventait et réinventait. Elle était la maîtresse ici. C’était ce qu’elle se disait pour se donner du courage.
« Avance. »
La voix masculine s’était de nouveau fait entendre tandis qu’un sentier battu apparaissait à ses pieds. Obéissante, Raven s’y engagea. C’est alors qu’elle remarqua qu’elle était entièrement nue et qu’elle avait froid. Se dépêchant de poursuivre son chemin, elle traversa une sorte de plaine aux herbes rouges et hautes qui masquaient l’horizon. Ce paysage était-il le fruit de son imagination ? Elle ne savait pas. Elle ne savait plus. Elle tentait de suivre son chemin dans ces herbes hautes et sous un ciel aux teintes rouges sang qui l’effrayait. Au fur et à mesure de sa progression, elle sentait un regard se poser sur elle et lui brûler la peau. Dans le ciel, les nuages venaient de former quatre yeux rouges. Quatre yeux braqués sur elle comme les lumières puissantes d’un phare qu l’éblouissait et la forçait à continuer. Pas à pas, elle marchait donc sur le sentier qui commençait à lui brûler la plante des pieds comme des braises brûlantes.
« Poursuis. »
La voix tonna de nouveau et elle obtempéra sans demander son reste. Elle était terrorisée, maintenant. Quelqu’un la commandait dans son propre esprit. Quelqu’un de bien plus puissant qu’elle s’était introduit chez elle. Chez elle ? Était-elle seulement la véritable maîtresse de son esprit ? N’était-ce pas cet être matérialisé dans ses pensées par ces yeux rouges et cette voix tonitruante qui contrôlait tout ? Elle se sentait manipulée, ballottée comme un fétus de paille, mais elle ne pouvait qu’obéir. Elle devait obéir. C’était plu fort qu’elle. Il la dominait, il était le maître. Il était son maître.
« Maintenant regarde. »
Le chemin disparut soudainement, laissant place au vide. A présent, Raven flottait dans le ciel, ce ciel rouge et blanc où logeait le terrifiant regard de braise. Ce dernier l’observait de ses rayons puissants et destructeurs. Une terrifiante chaleur l’irradiait mais elle luttait pour la combattre et garder les yeux ouverts. Elle devait résister à cette puissance qui la paralysait. La lumière se fit alors plus aveuglante et bientôt, Raven ne vit plus rien que du rouge. Partout du rouge. Un rouge profond comme celui des braises, comme celui du sang.
« Ouvre le yeux ! »
Le rouge disparut instantanément tandis qu’une scène apparaissait très distinctement à une Raven surprise et apeurée. Elle se trouvait à présent dans un parking souterrain comme il en existait des centaines à San Francisco. Quelques voitures étaient garées ici et là mais dans l’ensemble, les lieux étaient déserts. Raven était toujours nue mais elle ne ressentait ni le froid, ni la chaleur. Elle était un fantôme tangible et perdu dans le monde humain. Tout était si réel. Elle ne pouvait qu’être de retour dans la réalité mais sous une forme complexe, fantomatique d’elle-même. Peut être se passait-il la même chose que lorsqu’elle avait neutralisé Tara, quelques semaines plus tôt. Elle avait quitté son enveloppe charnelle au milieu du combat et avait attaqué la mutante géomorphe avec une facilité déconcertante. Cette sorte de voyage en dehors d’elle-même se reproduisait sûrement. Mais pourquoi maintenant ? Ça ne s’était jamais produit comme ça auparavant.
Un bruit la tira de ses pensées. C’était une voiture qui venait de surgir et fonçait droit vers elle. Une berline noire comme on en voyait dans les vieux films. Une belle voiture qui coûtait très chère. Mais là n’était pas le problème. Le véhicule fonçait droit sur elle et n’était plus qu’à quelques mètres à présent. Le chauffeur ne se rendait-il pas compte de sa présence ? Raven ferma les yeux au moment où le choc aurait du se produire. Mais rien ne se produisit en fait et lorsque elle ouvrit de nouveau les yeux, la berline était garée derrière elle. L’idée du fantôme se vérifiait, semblait-il. Elle devait être invisible.
De la belle voiture sortit un homme d’une trentaine d’années en costar noir. Le chauffeur sans doute. Son regard se posa un instant sur Raven qui lui faisait face puis finit par poursuivre son tour d’horizon. Finalement, il ouvrit la portière de derrière pour laisser sortir une femme brune dans une robe rouge qui scintillait de mille feux. Elle était très belle, la petit cinquantaine, peut être moins. En tout cas, elle provoquait son effet et Raven était tombée sous le charme de cette grande dame de la société. Après qu’elle eu échangée quelques paroles avec l’homme en costar, ce dernier se pencha à l’intérieur de la berline pour en sortir un minuscule chien à l’air agressif qui aboya comme un beau diable. Le chauffeur se dépêcha de rejoindre l’ascenseur qui menait au rez-de-chaussée. Un besoin pressant de la bête, semblait-il.
Enfin, Raven se trouvait seule avec cette femme qui la fascinait. Un sourire mystérieux venait d’apparaître sur son visage tandis que son regard bleu azur se posait sur elle. Pouvait-elle la voir ? Qui était-elle ? La propriétaire de la voix qui l’avait bercé ? Était-ce sa mère ? Cette mère qu’elle s’était façonné ? Oui, ça ne faisait aucun doute. C’était elle. Et ce regard qui la troublait tant en était la preuve.
Intimidée, Raven s’approcha. A présent elle se trouvait à quelques pas de celle qu’elle avait toujours cherché. De celle qu’elle chérissait en secret. Profondément troublée, elle avança une main tremblante en direction du visage de cette belle inconnue. Ses doigts caressèrent les boucles brunes qui tombaient en cascade sur ses épaules puis s’attardèrent sur ses joues puis sa bouche. Elle était tellement belle. Raven aurait tant aimé se blottir contre elle, contre cette poitrine généreuse qui ne demandait qu’à l’accueillir. S’endormir entre ses bras et se laisser aller.
Mais alors que Raven allait ouvrir la bouche pour parler, la femme avança vers elle et la traversa comme si elle n’était qu’un vulgaire fantôme. Alors elle ne la voyait pas. Ces regards qu’elle lui lançait ne lui étaient pas adressés. Mais alors à qui si ce n’est à la seule personne présente ici, à savoir elle ? Se retournant, Raven suivit des yeux la flamboyante créature qui se dirigeait d’un pas gracile vers les ténèbres qui la happèrent alors comme les filets d’un pêcheur.
Elle en ressortit accompagnée de deux êtres en bures brunes, de lourdes capuches qui retombant sur leurs visages dissimulés. Qui étaient ces étranges personnages sortis de nulle part ? La femme semblait les connaître et arborait un sourire énigmatique et complice. Ses yeux traversèrent l’espace d’un instant ceux d’une Raven médusée avant que tout bascule.
Alors qu’elle retournait vers sa berline, les moines la tirèrent en arrière avec fureur. L’un des deux êtres surnaturels sortit un poignard et, tandis que sa victime se débattait désespérément pour échapper à son funeste destin, lui planta la lame dans le cœur. Les soubresauts se turent brusquement. C’était fini. Les assassins disparurent comme ils étaient apparus, se fondant dans l’obscurité alliée.
Raven, impuissante, gisait à genoux sur le bitume froid, des larmes inondant ses yeux. Tout c’était passé si vite et avec une brutalité telle qu’elle en demeurait choquée. Puis la vision de ce regard bleu qui la perçait lui revint en mémoire. Ces yeux magnifiques qui observaient pour la dernière fois un être vivant. L’avait-elle vu au seuil de la mort ? Avait-elle perçu cette présence, cet ange gardien qui n’avait rien fait pour la sauver ? Raven ferma les yeux, une grimace de tristesse apparaissant sur son visage. Un hurlement déchirant quitta alors sa gorge. Une plainte terriblement émouvante. Dernier hommage à ce qui n’était plus qu’un cadavre se vidant de son sang.
*
Un hurlement. Garfield venait distinctement d’entendre un hurlement percer la nuit. Réveillé à la suite d’un terrifiant cauchemar, le jeune métamorphe était parfaitement lucide et ne pouvait prétexter à une hallucination auditive dû à un manque de sommeil ou à une rêverie quelconque. Décidé à aller voir quelle était la cause de ce cri pour le moins effrayant, il se décida à se lever. Cherchant l’interrupteur de sa lampe de chevet à tâtons, Garfield enfila un pantalon sur son caleçon. Enfin, la lumière illumina la pièce spacieuse et il put se précipiter dans le couloir.
Maintenant, comment savoir d’où provenait le cri ? Se grattant le crâne, Garfield fixa la porte de la chambre de Raven, juste en face de la sienne. Ce pouvait-il que ce soit son amie qui en soit l’origine ? Possible. Raven faisait souvent des cauchemars, même si elle ne disait rien. En tant que meilleur et unique ami, Garfield avait appris à la connaître et à l’aider du mieux qu’il le pouvait. Tout deux se comprenaient pleinement et s’appréciaient avec une naïve sincérité. Il était certain qu’une amitié solide était née entre les deux adolescents. Mais était-elle assez solide pour que Garfield s’introduise dans sa chambre pour voir si tout allait bien ? Si c’était le cas, Raven lui en voudrait sûrement. Elle n’aimait pas les intrusions dans son espace privé.
-Qu’est-ce que tu fous, Gar ? Entre !
La voix de Victor derrière lui mit fin à son interrogation et il poussa la porte. La chambre était plongée dans les ténèbres les plus épais et l’endroit avait quelque chose d’inquiétant qui fit frissonner le métamorphe qui s’empressa d’allumer la lumière. L’éclat de la lampe, tempéré par un tissu bleu, éclaira avec douceur les lieux. La chambre était la plus petite de la villa mais aussi la plus pauvrement meublée. Mais la décoration n’intéressait que peu les intrus et Garfield le premier. Les regards convergèrent donc vers la jeune fille en sueur, les yeux écarquillé, haletant comme un coureur d’un cent mètres.
-Raven !
Garfield se précipita vers son amie et entreprit de la réconforter. Alors qu’il posait une main sur ses épaules, la jeune fille se mit à sangloter comme une enfant dans ses bras. Quelque peu surpris par ce signe touchant de tendresse, Garfield murmura quelques mots se voulant réconfortants. Visiblement, c’était plus qu’un mauvais rêve qu’elle venait de faire.
-Qu’est-ce qui s’est passé ?
La voix de Tula qui venait d’entrer dans la chambre se voulait calme et rassurante. Elle ne voulait surtout par agresser Raven en la pressant de questions. La pauvre était terrorisée et semblait vraiment mal. Soit elle avait fait un cauchemar vraiment terrifiant ou soit il s’était passé quelque chose d’anormal. Lentement, Raven reprit ses esprits dans les bras de Garfield et sécha ses larmes d’un revers de la main. Puis elle articula difficilement :
-J’ai vu quelqu’un se faire assassiner.
Victor observait Raven, incrédule tandis que Tula et Garfield écarquillaient les yeux de stupeur.
-C’est pour ça que tu hurlais ? Questionna Victor en haussant les sourcils. Ca ne devait être qu’un mauvais rêve, voilà tout.
-Non.
Raven plongea son regard dans le blanc des yeux de l’ancien quaterback qui recula, surpris par l’animosité du regard de sa coéquipière. Elle semblait avoir très mal pris sa remarque pourtant pleine de bon sens. Et Garfield, lui aussi, ne l’appréciait guère, au vu du regard noir qu’il lui lançait. C’est vrai que l’esprit rationnel de Victor avait tendance à prendre à la légère les histoires surnaturelles liées à Raven.
-C’était vraiment très réaliste. Elle était devant moi, dans ce parking et… et des moines l’ont tués…
-Des moines ?
C’était au tour de Garfield d’être étonné. Il avait plutôt un mauvais souvenir des moines qui assassinent des femmes. Sachant que Raven n’était pas encore dans l’équipe à l’époque, cela rendait crédible son histoire.
- Quelle âge avait cette femme ? Demanda-t-il doucement.
-Je ne sais pas… la quarantaine peut être. Elle était brune et portait une robe… rouge. Elle était très belle et avait un chauffeur privé. Un grand type costaud. Et puis il y avait le chien aussi et …
-Attends, attends, l’interrompit Tula. Qu’est-ce que les moines ont fait à cette femme ? Est-ce qu’ils l’ont torturés ?
-Non. Elle a reçu un coup de poignard dans le cœur.
C’était étrange. Ce n’était pas le mode opératoire des moines fous qui avaient défrayés la chronique en commettant une série de meurtres sordides dont les victimes étaient des jeunes filles retrouvées crucifiées.
-Je peux vous dessiner son visage, si vous voulez.
Raven semblait déterminée à prouver que ce qu’elle avait vu était bel et bien la réalité. Devant la mine farouche de son amie, Garfield acquiesça et demanda à Tula d’aller chercher du papier et un crayon. Une fois le matériel à disposition, Raven put commencer son portrait. De coups de crayons habiles et déterminés en gommage compulsif, une esquisse finissait par prendre forme sur le papier. Un dessin troublant de réalisme et fidèle à l’image qui restait de l’apparition dans la mémoire de la jeune japonaise. Après de nombreuses minutes passées à l’ouvrage, Raven releva la tête et soupira. Elle avait terminé. Garfield saisit l’œuvre et y posa un regard intéressé. Mais au fur et à mesure que ses yeux balayaient le papier, il se rendait compte de l’identité de cette mystérieuse femme assassinée tandis que son visage se décomposait. La mine sombre, il tendit la feuille de papier à Victor qui fit un bond en arrière.
-Mon Dieu ça ne peut pas être…