Urban Comics
  Batman #13 : Choix (4)
 
Auteur : Ben Wawe
Date de parution : Juin 2006

Une semaine plus tôt.

Son plan était presque entièrement préparé.
Tout se mettait lentement en place, pour le grand final annoncé.
Désormais, seules quelques poches de résistance empêchaient encore la totale sécurité des habitants de Chicago. Désormais, seuls quelques fous voulaient encore que le crime règne dans la ville, et Batman allait bientôt s’en occuper.

En moins de trois semaines, il avait fait baisser de moitié les statistiques de criminalité de la ville. Les criminels se tenaient tranquilles, craignant pour leurs familles et par la menace d’avoir la même punition que Cobblepott. Seul Cole Cash et quelques uns de ses sbires tentaient encore de l’arrêter, mais cela allait bientôt être réglé…
Oui, tout se passait bien. Tout se passait très bien, même.

Installé sur les docks de la ville, Batman régnait en maître sur la ville.
En posant son quartier général dans les pires quartiers de la ville, le protecteur de Chicago avait décidé d’être toujours prêt et d’être proche de ceux qu’il combattait. Avec le fait que leur ennemi était si proche de leurs familles et d’eux, les criminels n’osaient vraiment dépasser les règles…et c’était exactement l’objectif de Wayne.

De plus, il se sentait extrêmement à l’aise dans cet endroit.
Il avait choisit un des entrepôts principaux des docks, et l’avait acheté par une société écran. Batman l’avait décoré à ses goûts, à savoir avec énormément d’obscurité, un matériel spartiate pour son confort, mais des ordinateurs derniers cris et des systèmes de sécurité à la pointe de la technologie.
Dans les ordinateurs, Wayne y avait mit toutes les informations dont il disposait sur la pègre locale : fonctions, famille, parents, faiblesses, activités légales ou non…Avec ses données, le protecteur autoproclamé de Chicago avait tout ce qu’il voulait pour faire chanter ses ennemis, et en usait grandement…
Et en plus de tout ça, le médecin avait investit dans un matériel de surveillance haut de gamme. Faisant poser plusieurs caméras discrètes dans le quartier, il avait aussi réussit à casser le code de plusieurs agences de sécurité et de plusieurs banques : avec tout ça, Wayne avait une grande possibilité d’observation de la ville, et pouvait donc amplement prévoir et intervenir lors de casses ou de manquements à ses règles…

Mais si la criminalité avait baissé en ville, cela avait eu des conséquences fâcheuses sur Bruce Wayne. Le médecin avait prit beaucoup de congés à son hôpital, et des rumeurs disaient que tout ne se passait pas aussi bien au Wayne Hospital…Ses remplaçants semblaient être moins doués que lui, mais il ne pouvait rien y faire…Il avait une mission à remplir, et il la remplirait.
Même si, en l’absence d’Alfred, il se sentait bien seul…

Car oui, son majordome l’avait plus ou moins abandonné. Refusant de suivre la logique de son employeur, l’homme s’occupait toujours de la propriété Wayne, mais jamais il ne viendrait dans le nouveau quartier général de Batman…Même si il s’inquiétait pour Bruce, Pennylsworth avait trop de fierté et trop d’orgueil pour aller contre ses opinions et ses déclarations.

Batman était donc seul. Seul pour protéger la ville de ses pires monstres, les criminels. Et pour le moment, ça fonctionnait…mais jusqu’à quand ?
Il n’arrivait pas à s’ôter cette idée de la tête qu’il faisait peut-être fausse route, que sa méthode n’était pas la bonne…Mais à chaque fois, Wayne se rappelait le visage défiguré d’Harvey Dent, et la mort de ses parents. A chaque fois, un criminel avait fait l’impensable, et il n’avait pas été là à temps ou n’avait pas réagit comme il le fallait…ça ne devait plus arriver. Deux fois, il avait faillit…c’était deux fois de trop.
C’était pour ça qu’il continuait. Pour empêcher que ce genre de choses se reproduise…et pour tenter de se faire pardonner ses fautes…








La périphérie de Chicago.
La nuit opaque et sombre rendait toute vision à plus de cinq mètres impossible, et cela rendait nerveux le chauffeur de la vieille voiture pourrie qui était garée au bord de l’autoroute. Il n’aimait pas être là. Il se sentait mal, comme si il était en train de faire la pire erreur de sa vie…
Peut-être était-il en train de la faire, oui. Mais avait-il vraiment le choix ?
Avec tout ce qu’il se passait en ce moment, évidemment que non…

Soudain, des phares firent leur apparition sur la route.
Avec soulagement, l’inspecteur James Gordon découvrit qu’il s’agissait bien de la voiture banalisée de son rendez-vous, et rangea son deuxième flingue sous son siège. Néanmoins, il gardait bien son premier serré dans la poche de son imperméable, alors qu’il sortait de son véhicule. Il ne fallait jamais être trop prudent avec son interlocuteur…

« Gordon ?
- Ouais. Cash ?
- Oui, aussi. »

Rapidement, Cole Cash sortit de sa voiture, et s’approcha du flic.
Les cheveux longs et noirs tombant sur sa nuque, le nouveau parrain de Chicago affichait un look d’éternel adolescent qui cadrait mal avec ses faits d’armes et sa réputation. Même son tailleur de grande marque n’arrivait pas à faire oublier son visage particulièrement jeune et presque innocent…Mais c’était trompeur, et Gordon le savait : il se trouvait en présence d’un des hommes les plus dangereux de la ville, et il fallait se méfier…

« Content de vous revoir, Jim.
- Ouais…Bon, vous avez du nouveau ?
- Oui, assez. Batman s’est installé sur les docks depuis quelques temps, et les gars ont la trouille de faire leur taff. Ils n’osent même plus sortir de chez eux, de crainte qu’il n’y ait plus rien à leur retour…C’est la crise.
- Je sais. Ça se voit aux statistiques. Le maire est très content, d’ailleurs.
- Je m’en doute. Mais pas vous ? »

La question était directe, mais Gordon ne savait pas quoi répondre…en fait, il n’osait pas vraiment trouver une réponse à cette interrogation. Evidemment, il était content que la criminalité baisse et que ça soit moins dangereux de marcher la nuit dans Chicago, mais les méthodes employées par Batman ne lui plaisaient pas…
Jusque là, il avait soutenu le justicier masqué parce qu’il pensait qu’ils avaient tous deux la même vision de la Justice. L’inspecteur pensait que son compère était là pour l’aider à appréhender les criminels quand les lenteurs bureaucratiques ou la corruption l’empêchaient de faire seul son boulot.
Mais le voir utiliser les manières des criminels pour arriver à ses fins…Ca, Gordon, n’était pas pour. Pas pour du tout, même.

« Mmh…Nan, pas vraiment…Je peux pas vous saquer, Cash. Et je ferais tout pour vous refoutre derrière les barreaux. Mais je peux pas laisser un Batman opérer avec vos méthodes. Surtout que je sais qu’il ne ferait pas ça…
- Dans son état normal ? Vous croyez qu’il ne va pas bien ?
- Je… »

Gordon ne savait pas quoi dire.
Il avait côtoyé Batman durant l’affaire Bane, et il l’avait cru sain d’esprit…mais maintenant ? Peut-être s’était-il trompé dès le départ, mais il en doutait…Quelque chose s’était passé en lui, et il en était ressortit ainsi…changé.
Peut-être que ce qui était arrivé à Dent avait réveillé de mauvais souvenirs…Peut-être qu’il culpabilisait tellement de ne pas avoir été assez rapide pour sauver le procureur qu’il avait voulu passer à la vitesse supérieur…Oui, ça pouvait être ça. C’était sûrement ça, mais l’inspecteur n’avait aucune preuve, et ne pouvait compter que sur son instinct…
Mais le flic ne pouvait parler de cela à haute voix. Et surtout pas devant Cole Cash, qui voulait, lui, la fin définitive de Batman, et pas seulement son retour à la « normale »…

« Non, rien. Vous avez besoin de quoi ?
- Des adresses et numéros de téléphone de vos hommes de confiance. »

Gordon leva alors un sourcil.

« Hein ?
- Ne vous en faites pas, je ne leur veux pas de mal. Mais je ne peux pas appeler la police si Batman pète vraiment les plombs…ils ne viendraient pas m’aider. Et je ne sais pas si vous ne serez pas stoppé par ce fou à un moment donné…
- Mmh…
- Il me faut donc un moyen de joindre vos hommes qui pourraient m’aider à le stopper…Ne vous en faites pas, je ne leur ferais pas de mal…
- Mouais…Je vais y réfléchir… »

Ca se tenait, pensa Gordon.
Si Batman se mettait à tuer ou à faire vraiment du mal aux criminels, comme à ce pauvre Cobblepott, il fallait l’arrêter, et Cash ne pouvait se pointer au commissariat local en demandant de l’aide…les flics le mettraient en taule avant qu’il n’ait ouvert la bouche. Seuls quelques hommes de confiance pouvaient être contactés, seule sa brigade, seuls ceux qu’il appelait affectueusement les Thunderbolts (pour leur dévouement et la rapidité de leurs interventions) pouvaient aider Cash, mais…est-ce que Gordon pouvait vraiment faire ça ? Est-ce qu’il pouvait vraiment mettre en danger les vies d’hommes et de femmes qu’il respectait et admirait ? Est-ce qu’il pouvait faire confiance à Cole Cash ?

« On se revoit demain, ici ?
- Ouais…Et j’aimerais, en contrepartie, des fichiers sur l’ancien parrain…
- Falcone ?
- Ouais.
- Pourquoi ?
- Il est pas encore en taule et est inactif. Ça serait bien de le mettre au chaud et qu’il soit nourri, ce vieux monsieur, non ? »

Cash sourit à la remarque de Gordon, avant de lui faire un petit salut, et de remonter dans sa voiture. Il partit alors de la périphérie de la ville, direction sa villa. Après qu’il ait mit quelques kilomètres entre Gordon et lui, le chef de la pègre s’autorisa à exploser de rire. Il allait réussir ! Il allait avoir ce qu’il voulait !
Cet imbécile de flic allait certainement lui donner les noms des hommes qu’il appréciait, et qui étaient certainement les seuls à n’être pas pourris dans la ville. Avec ça, il pourrait exercer des pressions sur la police, et sur…Batman.
Ce fou faisait du chantage à ses hommes. Très bien. Cole Cash allait faire du chantage sur la famille des flics de la ville, et n’allait pas s’arrêter à quelques clichés de leurs femmes et enfants…Ca seraient des doigts et des membres entiers que le soi-disant protecteur de la ville retrouverait si il allait trop loin…

Oh oui, pensa-t-il en souriant…Ca allait devenir intéressant…








Il est bien installé.
Il a ce qu’il faut pour son plan.
Et il est déjà entré en action. Mais il ne sait pas qu’il a des ennemis. Beaucoup. Chez ceux qu’il croit son allié, aussi. Même si il se pense supérieur, même si il se pense déjà vainqueur, je sais que sa défaite est déjà écrite.

Cela fait des jours que j’observe Batman. Agir dans l’ombre a toujours eu sa préférence, et il continue de le faire. Mais de plus en plus, il reste simplement dans son entrepôt. Son repaire. A chercher comment arrêter les criminels s’en sortir de son petit nid, simplement en envoyant lettres et menaces.
Il se croit meilleur qu’eux. Il se trompe. Il devient pire qu’eux. Car eux n’ont pas le choix, en général, de tomber dans la criminalité et ces méthodes…mais lui, si. Il pourrait agir autrement. Il pourrait redevenir un homme de bien. Mais il préfère ces moyens criminels et monstrueux…et je ne peux accepter cela.

La résistance s’organise.
Que ça soit Gordon qui fait sa petite équipe, ou Cash qui complote en douce pour liquider Batman et la police en même temps, Wayne va avoir du pain sur la planche. Surtout si je m’y mets aussi. Et ça va venir. Je ne peux pas laisser la situation dégénérer.

Déjà, j’ai trafiqué certaines de ses caméras, pour que les criminels aient la liberté de faire leurs petits commerces. Evidemment, je suis contre ce qu’ils font, mais dans cette société pourrie, il faut bien que certains volent pour que le public en ait assez, un jour…et peut-être le peuple se soulèvera-t-il enfin contre ce gouvernement qui ne fait rien pour endiguer le fléau de la criminalité.
Ah, rêve, quand tu nous tiens…

Mais passons, je n’ai pas que ça à faire ce soir.
Ce soir, je vais escorter ce cher monsieur Wayne. Si Batman sort de son entrepôt pour aller faire sa ronde, je le suivrais. Et si il intervient, j’interviendrais aussi. Je ne veux plus me cacher. Je ne veux plus être inactif.
Je l’ai observé. Je sais comment il fonctionne, et pourquoi il fait ça. Et je ne peux pas l’accepter. Je ne peux pas accepter qu’il veuille limiter la liberté, et je ne peux pas accepter qu’il veuille stopper réellement la criminalité, qui pourrait mener à la révolte…

C’est pour ça que je vais le combattre. C’est pour ça que ce soir, Batman sera interrompu dans sa ronde par une ombre masquée qu’il ne reconnaîtra pas. Ce soir, le soi-disant protecteur de la ville va faire connaissance avec sa plus grande peur, avant qu’elle ne disparaisse quelques secondes après…moi.
 
 
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