Couverture : Geoff
Auteur : Ben Wawe
Date de parution : Juillet 2006
Présent.
Batman avait toujours la main de l’Anarchiste serrée contre sa gorge, tandis que ses autres doigts jouaient avec une de ses lames au-dessus de lui. Il était dans une situation catastrophique, et il pouvait mourir à chaque instant…et avec lui, son rêve de sécurité intégrale pour sa ville.
Et ça, il ne pouvait l’accepter.
Utilisant ses dernières forces, Wayne donna un coup de genou dans le ventre de son adversaire, qui se décala assez pour que le protecteur de Chicago roule sur le sol. Se relevant aussi rapidement, essuyant son nez qui saignait, Bruce serra les poings, prêt à reprendre le combat.
Son adversaire, lui, s’était aussi remit sur pied, et souriait sous son masque en croisant les bras, une lame dans chacun de ses mains gantées.
« Bravo, Wayne. Je ne pensais pas que tu te relèverais si vite.
- Et tu ne vas pas penser que je vais t’arrêter et te livrer à la police, Anarchiste…Pourtant, c’est ce qui va arriver.
- Ah oui ? Etrange…Nous nous sommes déjà vus une fois, et cela n’est pas arrivé…
- Simple erreur de parcours. Et tu as fui avant que j’ai pu t’arrêter. Ce que je vais de suite rectifier ! »
Batman prit alors deux nouveaux Batarangs dans ses mains, sautant en même temps sur son ennemi. Encore une fois, le combat qui couvait depuis des semaines allait reprendre, et les deux adversaires allaient engager une lutte sans merci. Chacun était sûr de son bon droit, chacun était certain de la bonté de sa cause. Et chacun était prêt à aller jusqu’au bout pour la défendre.
Avec grâce, l’Anarchiste évita l’attaque du protecteur de Chicago, avant de tenter de lui donner un coup de pied retourné sur le cou. Mais Wayne avait prévu cette attaque, et il mit juste à temps ses deux Batarangs en protection. Son adversaire grimaça alors de douleur en sentant les pointes acérées entrées dans son tibia, mais il força la douleur à se taire. Il n’avait pas le temps pour ça, ce soir-là.
L’Anarchiste fit alors un salto arrière, avant de lancer une de ses lames vers son adversaire.
Celui-ci se retourna juste à ce moment précis, et ne pu éviter l’arme qui filait vers lui, se la prenant juste sur le côté droit du ventre. Heureusement, il portait son justaucorps en kevlar, mais la pointe entra quand même en lui, et il retint un juron de douleur en arrachant la petite épée de son ennemi, qui sourit en voyant cela.
« Pas assez rapide, Wayne ?
- Je ne sais pas qui tu es, ordure, mais tu peux parler autant que tu veux, je t’arrêterais et je rendrais à cette ville la sécurité qu’elle doit avoir…Tu n’as pas encore compris que je suis le seul espoir de Chicago ?!
- Faux. Tu es le seul tyran de Chicago. »
Avec grâce, l’Anarchiste sauta dans les airs, et donna un violent coup de pied dans le visage de Batman, qui se réceptionna en faisant une roulade arrière sur le sol. Il lança alors ses Batarangs vers son ennemi, qui ne pu en éviter qu’un, recevant l’autre en plein torse…
« Argh ! »
L’Anarchiste n’avait pu éviter ce petit cri de douleur, même si la blessure n’était que superficielle. Néanmoins, les deux hommes perdaient du sang, et avaient mal des efforts physiques qu’ils avaient fais, et des nuits blanches passées à jouer au chat et à la souris.
Wayne sortit de nouveau un Batarang, tandis que l’Anarchiste faisait passer sa lame entre ses doigts. Les deux hommes adversaires s’observaient, se jaugeaient, conscients que chacun cherchait l’erreur de l’autre pour attaquer…
Ce fut Wayne qui parla en premier, apparemment pressé de vouloir faire entendre raison à l’Anarchiste, même si il savait bien, au fond, que ce n’était que pure perte de temps…
« Mais pourquoi t’opposes-tu à moi ?! Regarde Chicago, regarde Cash, regarde les autres…Ils ont fais de cette ville un repaire de criminels, où les gens souffrent de leurs méfaits et ont mal…et personne n’intervient. Comment peut-on accepter qu’une telle ville soit un repaire de monstres ? Comment peut-on accepter que des jeunes filles soient violées toutes les semaines ? Comment peut-on accepter que de la drogue soit donnée à des enfants de moins de dix ans ? Personnellement, je préfère agir que laisser faire ça et l’accepter… »
L’Anarchiste sourit sous son masque.
Si Wayne désirait parler au lieu de se battre, c’est qu’au fond, il ne se sentait peut-être pas totalement sûr de lui face à ses actes…et qu’il pouvait perdre la foi en sa soi-disant mission sacrée…
« On ne peut pas l’accepter, mais…
- Ah, mais alors tu es d’accord avec moi ?!
- Laisse-moi finir, Wayne. On ne peut pas accepter ça, mais on ne peut pas le combattre de n’importe quel moyen. Ce que tu proposes n’est pas bon : tu veux combattre le mal par le mal, la violence par la violence. Ce n’est pas la solution. Evidemment, je suis contre la criminalité, mais je pense qu’il faut avant tout protéger la liberté et la démocratie…
- Mais c’est ça que je veux ! Je veux protéger la liberté de chacun de vivre libre et en sécurité !
- Mais sous un régime dictatorial. Avec tes caméras et tes fichiers, tu maîtrises toute la ville, instillant un climat de peur chez les criminels, ce qui se répercute obligatoirement sur les citoyens normaux…Que les criminels aient peurs de toi est bien, mais les habitants honnêtes ? Doivent-ils craindre le Batman, Wayne ? »
Les mots de l’Anarchiste touchaient juste.
Bruce avait toujours craint que sa croisade n’ait un effet contraire à celui qu’il voulait, et son adversaire était en train de lui démontrer que sa peur devenait réalité…Mais c’était certainement un piège, une manipulation pour le stopper…L’Anarchiste était sûrement un allié de Cash, et il fallait l’arrêter…comme les autres !
Avec toute sa rage, Batman se jeta sur son adversaire, qui s’était douté d’une telle réaction. Il mit ses bras en croix devant lui, et profita de l’élan de Wayne pour le faire basculer au-dessus de lui alors que le protecteur de Chicago avait mit ses mains en avant.
Se réceptionnant lourdement sur le sol, Bruce tenta alors de lancer un Batarang, mais il se rendit qu’il n’en avait plus ! Désarmé face à l’Anarchiste, qui avait toujours sa lame dans sa main droite, le combat allait être beaucoup plus serré maintenant…
« Tu mens…Les habitants de la ville savent bien que je n’agis que pour leur bien, et ils veulent tous la sécurité…Et même si ils doivent sacrifier un peu de leur liberté avec mes dossiers, ne préfèrent-ils pas ce sacrifice pour sauver leurs vies et leurs enfants ? Ne préfèrent-ils pas un peu de liberté en moins pour l’assurance qu’ils ne risquent rien en se promenant le soir dans leur ville ? Ne veulent-ils pas que je les protège de ces monstres qui les agressent ?
- Wayne… »
L’Anarchiste se jeta alors sur le protecteur de Chicago, qui glissa sur le sol pour éviter l’attaque de son adversaire. Celui-ci continuait alors à se parler en même temps qu’il bougeait, voulant déséquilibrer le Batman pour l’amener plus facilement à la défaite et à la raison.
« …tu te trompes. La liberté ne peut être sacrifiée. Jamais. Même si c’est pour préserver la sécurité, la liberté est ce que nous devons chérir, ce que nous devons protéger plus que tout au monde. Nous ne pouvons pas la sacrifier à des buts que nous ne pouvons que difficilement comprendre. Je sais ce que tu as voulu faire, et je le comprends. Mais tu fais fausse route : la liberté ne doit jamais être sacrifiée. Car après, où peut-on s’arrêter à ce sacrifice ?
Bien des régimes totalitaires ont commencé ainsi, tu sais… »
Wayne ne pouvait en entendre plus.
Cet imbécile ne comprenait rien à rien et parlait de concepts dépassés et terminés…même si Bruce y avait cru, jadis. Il ne comprenait pas que la sécurité devait passer avant tout, et que lui seul pouvait réellement protéger la ville de ses pires démons…les criminels !
Et ce n’était pas l’Anarchiste qui allait l’empêcher de réaliser sa grande œuvre…
Batman sauta alors, le pied levé, vers son adversaire, qui n’évita qu’à quelques centimètres près la botte du protecteur de la ville. Celui-ci se réceptionna rapidement sur le sol, avant de commencer un enchaînement de coups de poing et de coups de pied sur l’Anarchiste, qui rendait chaque coup prit par un autre plus fort.
Un festival d’arts martiaux et de techniques mortelles commença alors, les coups s’enchaînant à une vitesse folle. Les deux combattants maîtrisaient leurs arts, et c’était presque un spectacle artistique que de les regarder s’affronter, parant leurs attaques avec une précision infinie, tout en donnant la seconde d’après une frappe qui aurait pu être mortelle.
Les deux hommes sautaient dans les docks, se frappaient avec des techniques désormais oubliées. Nul n’aurait pu prédire la fin du combat, qui pourrait durer des heures tant les deux adversaires avaient un niveau égal.
Finalement, au bout d’une dizaine de minutes, l’Anarchiste se prit un coup sur le torse, et recula avant de faire un balayage à Wayne. Celui-ci tomba lourdement sur le sol, avant de se relever rapidement et de voir son adversaire sur le toit d’un entrepôt, reprenant visiblement son souffle. Bruce en profita alors pour faire de même.
« Gah…Beau duel, Wayne…
- Ouais…gah…Même si tu es…stupide…tu te…bats bien…
- Merci…Mais je ne suis pas stupide. C’est toi qui es aveugle. Ne vois-tu pas ce qui te pousse vraiment à faire tout ça ? Ne vois-tu pas quelles conséquences cela entraîne ?
- Et qu’est-ce qui me pousse à sauver la ville ? Et de quelles conséquences parles-tu ? Tu vois l’avenir ? »
Batman sourit, amusé de voir que l’Anarchiste tentait le bluff et la création de choses inexistantes pour le convaincre. Il allait craquer bientôt, il en était sûr maintenant…
« Je sais ce qu’il s’est passé, Wayne. Je sais que ce qui est arrivé à Dent…
- Ne parle pas de Harvey ! »
Bruce sentait que l’Anarchiste ne devait pas en parler, et s’était approché pour le faire stopper ses paroles…mais il était encore trop fatigué pour sauter sur le toit où était son ennemi, et était donc condamné à entendre ce qu’il avait à dire…
« Si. Je sais que ce qu’a fait Bane à Dent t’a marqué, et que tu culpabilises pour ce qui lui est arrivé. Je sais aussi qu’il est ton ami, et que tu t’en veux de n’avoir pas été assez rapide pour sauver son visage, et sûrement sa santé mentale…
- Tais-toi…
- Et je sais aussi que ça a rappelé un événement de ton passé. Je ne sais pas quoi, mais c’est lié à la criminalité…et tu culpabilises. C’est le complexe du survivant, je pense, et pour combler ça, tu veux rendre la ville plus sécuritaire…pour que plus personne ne puisse subir ça…Mais tu fais fausse route…
- Tais-toi… »
Wayne était tombé à genoux.
Il ne pouvait plus lutter contre les vérités qu’énonçait l’Anarchiste.
Il avait raison, entièrement raison. Sa croisade n’était que l’extériorisation de sa culpabilité, et de son complexe du survivant par rapport à ses parents et à Harvey…Il n’avait fait tout ça que parce qu’il se sentait mal de n’avoir pas été assez fort pour les sauver, et toutes ses actions des dernières semaines n’avaient été dictées que par cette volonté de s’amender…
« Je sais que c’est dur…Bruce… »
L’Anarchiste était descendu de son toit, malgré la fatigue qui faisait crier ses muscles. Il posa une main compatissante sur l’épaule de Wayne, qui tentait de retenir ses larmes, après avoir comprit tout ce qu’il avait fait, et pourquoi il l’avait fait…
Maintenant, Bruce comprenait parfaitement la folie de ses actes, la folie de vouloir priver les autres d’une liberté en laquelle il avait toujours crue…Il avait voulu dresser une forteresse autour de la ville, mais aussi autour de lui-même…et avait peut-être tout perdu à cause de ça…Alfred…Et…
Mais Batman ne pu aller plus loin dans ses pensées.
Une voiture arriva en trombe dans le quartier, et ne s’arrêta qu’à quelques centimètres d’eux. C’était un vieux véhicule normalement bon pour la casse, mais qui servait encore vu le manque de moyens de la ville pour sa police.
La portière fatiguée et rouillée côté conducteur s’ouvrit alors violemment, et un James Gordon affolé et en t-shirt plein de tâches de café en sortit, apparemment porteur d’une mauvaise nouvelle.
L’inspecteur de police se précipita vers Batman, et le poussa sur le sol avant de lever sa main vers lui. Wayne ne fit rien, conscient que le flic ne ferait pas ça si il n’avait pas une bonne raison, et conscient aussi que lui seul sortirait vainqueur d’une rixe entre eux deux…
Mais l’Anarchiste stoppa Gordon avant qu’il ne donne coup de pied dans le visage de Batman, et le décolla du sol en lui lançant un regard noir.
« Toi. Calmes-toi.
- Je…euh… »
Alors qu’il avait été une véritable furie quelques secondes auparavant, l’inspecteur semblait prendre conscience de ses actes, et était tout hébété par ce qu’il avait fait. Il réajusta ses lunettes, tandis que Wayne s’approchait lentement de lui après s’être relevé.
« Gordon…Qu’est-ce qu’il y a ? »
Malgré son trouble intérieur, Bruce tentait de rester maître de lui-même, même si c’était dur. Après ses paroles, Gordon sembla sortir de sa léthargie, et lança un regard dur au protecteur de la ville, étant toujours tenu en l’air par l’Anarchiste, qui ne disait mot.
« Sale…sale connard ! C’est ta faute ! Tout est ta faute ! Ta maudite croisade ! Espèce de taré ! C’est à cause de ça que j’ai dû faire un pacte avec le diable ! C’est à cause de toi que j’ai mis mes hommes en danger !
- Ola, ola…De quoi parlez-vous ? Je ne vous ai rien fais…
- Ta gueule ! Si t’avais pas mis la ville à feu et à sang, jamais je me serais allié avec Cash contre toi ! Jamais il n’aurait eu les adresses de mes Thunderbolts ! Jamais il n’aurait enlevé leur famille, et les menacerait à cet instant même ! »
L’Anarchiste tourna alors lentement la tête vers Batman, qui ne comprenait pas grand-chose. Il lui parla alors d’une voix froide et presque inhumaine, en tenant toujours Gordon au-dessus du sol.
« Tu vois…C’est de ces conséquences là dont je parlais, avant…Bienvenue en enfer, Batman… »