Urban Comics
  Batman #6
 

Couverture : Geoff
Auteurs : Ben Wawe & Diablo
Date de parution : Novembre 2005


Il sait que fouillé le corps ne lui dira rien de plus. Qu’interroger le cinquième cadavre ne lui donnera pas le nom du tueur. Le médecin légiste lui à déjà dit tout ce qu’il fallait savoir. Il prend le problème à l’envers. Bruce Wayne sait qu’il faut s’attaquer à la cause des meurtres, non à leurs conséquences. Alors il arrache son masque de chirurgien et va s’asseoir épuisé sur une table. Il a compris les chiffres romains, c’est un décompte. Cole Cash lui a dit que les meurtres étaient religieux. Il sait que toute cette symbolique lui échappe, mais que là est la clé. Il n’arrive pas à comprendre et ça le ronge. Alors il se cache derrière un masque, un personnage pour mieux comprendre. Batman va inspecté du côté de l’ancienne boutique de son amie Helena. Peut-être trouvera-t-il quelque chose pour l’aider. Après tout il l’avait contacté pour ça.

Sa ballade sur les toits de Chicago lui a fait du bien. Il n’a pas voulu prendre la moto. Il n’a pas voulu prendre la voiture que Alfred a commencé à lui préparer. Il a préféré utiliser son corps, son arme principale, pour aller voir là où est morte son amie. Celle qui aurait pu être plus que son amie, en fait. Bruce avait effleuré l’idée de peut-être faire quelque chose avec elle, de peut-être construire quelque chose avec elle…mais Batman, qui était déjà en lui, avait dit non. Et cela était irrémédiable.

Il arrive enfin à la librairie. Vide, bien sûr. Les bandes jaunes de la police sont encore présentes. Les indices n’ont pas encore été tous pris, ou soit un agent fainéant a oublié d’enlever ce qui interdit normalement aux non policiers de franchir le palier de cette porte. Mais il passait outre, comme toujours.

Bien sûr, Batman avait prit les indices, avait observé toutes les choses possibles dans la librairie. Il avait prit des centaines de photos, avait passé toute une nuit à chercher des indices, à regarder les empreintes, à chercher quelque chose, une information, n’importe quoi…mais rien ! Le monstre qui avait tué son ami et qui avait perpétré d’autres horreurs était un professionnel du meurtre. Un monstre intelligent, calculateur, maniaque. Pire encore, il semblait prendre du plaisir à cela.
C’étaient les pires, pensa-t-il tandis qu’il tombait avec grâce et une presque sensualité déconcertante sur le sol devant la librairie.

Le coupable revient toujours sur le lieu de son crime, selon les grands enquêteurs de la télévision et des romans. Mais c’était beaucoup moins vrai dans la réalité : seuls les dingues, les fous, ceux qui étaient vraiment atteints sans conscience et sans intelligence revenaient perversement sur les lieux de leurs crimes. Bien sûr, il y avait des exceptions, des cas de perversité accrue par leurs horreurs…mais Batman était sûr que son ennemi n’était pas de ceux là. Il analysait sa victime, il cherchait comment l’atteindre, la chassait et la tuait, avant de ne plus jamais revenir sur le lieu du crime. Il passait à autre chose. L’horreur, pour un détective.

Une heure passa alors, tandis que Bruce cherchait vainement d’éventuels indices qui auraient de toutes façons disparus avec le passage des policiers et du va et vient normal des curieux et des squatteurs. Mais il continuait, encore et encore. C’était la seule façon pour lui de ne pas craquer, de ne pas devenir fou de rage et de se défouler sur les voleurs ou les criminels qu’il arrêtait dans la rue.

Soudain, alors que Batman était au fond de la librairie, il entendit quelque chose…la cloche…la cloche de la porte de la boutique…elle sonnait…quelqu’un entrait…quelqu’un entrait !

- Je pensais bien vous trouver ici. En fait ce sont les enquêteurs acharnés qui reviennent toujours sur le lieux du crime n’est ce pas ?
L’inspecteur Gordon avançait petit à petit dans le petit commerce plongé dans le noir. La personne à qui il parlait était invisible. Mais il savait qu’elle se trouvait ici.
- Allons, ne me laissez pas parler tout seul voulez vous ?
- Pourquoi êtes vous là ?
La voix du justicier masqué était sourde, presque étouffé.
- Pour enquêter, comme vous. Mais aussi pour vous voir…
Une ombre coula d’une étagère pour se relever devant lui. Le Batman.
- Me voilà inspecteur, de quoi voulez vous parler ?
- De vos relations avec la pègre…
C’est vrai que depuis qu’il avait commencé, il avait fait un pacte avec un, puis deux truands. Pas ce qui a de moins louche dans la vie d’un super héros.
- Il n’y a rien à dire inspecteur. Je fais assez peur à un parrain pour qu’il ralentisse ses affaires. Quant à l’autre il m’aide dans cette affaire. Rien de plus…
- Bien, je suis obligé de vous croire n’est ce pas ?
Devant le silence qui s’installa, Gordon préféra continuer.
- Pour ce qui est des meurtres, je pense que vous en savez autant voir plus que moi. Donc ma question est celle d’une personne qui veut que la loi soit respectée. Qu’allez vous faire de lui ?
- Je ne vais pas le tuer, si c’est ce qui vous fait peur. Je vous le remettrais, avec les preuves, bien sur…
- Et bien merci, je crois qu’il est tant que je rejoigne ma femme…
Un bip bip se fit entendre. Gordon fouilla dans ses poches et en extirpa un téléphone portable. Il lut le message et son visage perdit le peu de joie occasionné par son futur retour chez lui.
- Il y a une nouvelle victime, rendez vous à Chicago Temple…
Chicago Temple, la plus grosse église du monde. Le motif religieux devenait évident…
Gordon sortit, portant toute la misère du monde sur ces épaules. La chauve souris allait le suivre lorsqu’il fit tomber un livre placé sur le bureau près de l’entée. Lorsqu’il le ramassa il vit qu’Helena avez laissée un marque-page. Etrange, car le livre en question c’était la Bible, or elle détestait relire ce bouquin… Il ouvrit et la lumière fut. Il comprit tout. Comme dans la lettre volée d’Edgar Allan Poe, la solution était sous ses yeux…



Courir. Il doit courir. Allez vite. Comprendre ce qui se passe. Mais il a déjà comprit. Il a tout comprit. Il sait maintenant. Alors que les toits de la ville défilent sous ses pieds et ses sauts agiles, Batman sait. Il sait ce que veulent dire ces crimes. Il sait ce que veulent dire les chiffres romains à chaque crime. Il sait même pourquoi la nouvelle victime a été tuée. Il doit se dépêcher. Allez voir la scène du crime. Penser. Réfléchir. Il n’a plus le temps.

Enfin, il arrive à Chicago Temple, où la police est presque partie. Sauf un de ses membres. Gordon. Ce pauvre homme moustachu l’attend devant l’Eglise, tandis que la nuit gèle ses os et fatigue son corps usé par les années, le tabac et les nuits blanches. Il l’attend. Il l’a attendu. Bruce sourit en pensant qu’il a peut-être trouvé là un allié, voir plus…

« Ah, enfin, vous êtes là… »

Batman est arrivé devant lui, laissant le temps à son champ de vision de le capter et de laisser la conscience du policier de comprendre ce qui arrivait devant lui. Il n’avait plus le temps pour les effets de style ou les entrées théâtrales. Il n’avait plus le temps pour s’amuser un peu perversement. Il devait être efficace. Il allait être efficace.

« Qui a été tué ?
- Un pauvre gosse. Il venait de sortir de taule après quelques années à pourrir à Ryker’s…il voulait faire une nouvelle vie…il avait été condamné pour…
- Meurtre. »

Gordon fut surprit par ce que venait de dire le Batman. Comment savait-il ?

« Euh…oui, pour meurtre. Il avait tué le prêtre qui l’avait abusé des années durant, et vu que l’Eglise avait fait du prêtre une sorte de saint, le gamin avait été chargé et on avait presque voulu dire qu’il avait mentit sur tout. C’était une affaire assez sale et puante…j’avais suivi ça de loin, mais bon…
- J’avais suivi ça aussi. L’avocat de la défense avait fait un superbe discours en fin de procès qui avait convaincu les juges. »

Batman s’approcha du lieu du crime. Le sang donnait à l’atmosphère une tension assourdissante qui aurait mit quiconque mal à l’aise, même Bruce. Il tenta de discerner quelque chose dans l’obscurité, mais ne voyait pas grand-chose.

« Pourquoi la lumière est-elle éteinte ?
- Mesure de sécurité.
- De sécurité ?
- Oui. C’est un des pires meurtres de ce fou. Vraiment, vraiment horrible. On a tous été choqués…
- Je vais allumer.
- Je sors, alors. »

Gordon sortit de l’église tandis que Batman allumait la lumière de la belle et extraordinaire église dont la porte avait été forcée. Bruce vit alors une scène qu’il n’oublierait jamais : un…un corps humain était allongé sur le sol, dans une mare de sang, le pantalon baissé. Ses mains avaient été découpées…tranchées avec préméditation, calme, attention, précision…une sorte de travail d’artiste…elles avaient été disposées devant lui…comme pour lui montrer ce qu’il avait perdu…
Un…un balais était enfoncé dans son anus, enfoncé tellement qu’il ressortait par la gorge…du sang était partout…le postérieur du jeune homme était totalement défoncé…c’était une scène d’horreur…

Mais ce n’était pas le pire…le pire était ce qui était placé à côté du corps…d’autres balais…d’autres balais ensanglantés…disposés en un V et un I mortels dont Batman connaissait la signification…l’horrible signification…ils avaient sûrement été enfoncés…puis retirés…pour le plaisir…pour faire souffrir…pour punir…quel genre de monstre pouvait faire cela à un homme encore vivant ? Car il était encore vivant au moment de sa mort…c’était sûr…vu l’expression sur son visage…l’expression de douleur absolue…de peur absolue…il avait été vivant…il n’était pas mort quand le monstre avait…avait planté le premier balais…non…il était mort après…

Batman ne pu rester plus longtemps sur la scène de crime. C’était…c’était trop horrible…trop monstrueux…il sortit respirer un peu l’air frais et glaçant de Chicago, et vit alors l’air compatissant de Gordon.

« Horrible, n’est-ce pas ?
- Pire…pire encore que cela…
- Oui…je ne comprendrais jamais pourquoi il fait cela…
- Moi si… »

L’inspecteur regarda avec surprise le Batman. Pour la deuxième fois en peu de temps, Gordon était impressionné par son « collègue » masqué.

« Quoi ? Vous savez pourquoi il fait cela ?
- Oui.
- Depuis quand ? Pourquoi ne l’avez-vous pas dis ? Pourq…
- Je l’ai compris il y a quelques instants, quand j’étais encore chez la libraire. Par chance, on peut dire.
- Pourquoi fait-il cela, alors ? Quel est son mobile ?
- La Bible.
- La Bible ?
- Les Dix Commandements, pour être précis. Les signes sont des chiffres romains. Un décompte. Le V et le I que l’on voit à l’intérieur…c’est pour le sixième commandement : Tu ne tueras point…Voila la clef de l’énigme, Gordon : les Dix Commandements. Ce fou les suit à la lettre pour prouver quelque chose au monde. Ou à Dieu… »

 
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