Auteur : Lex
Date de parution : Février 2008
Un sourire illuminait le jolie visage de Barbara depuis qu’elle avait
appris le succès de l’opération de Tim. Il avait fallu pas moins de six heures d’un travail acharné aux sept chirurgiens commandés par le docteur Wayne pour réparer les lésions qui empêchaient le bon fonctionnement du cervelet et d’autres zones cérébrales importantes.
Pendant toute la nuit, chacun s’était affairé à inciser, recoudre,
suturer, remodeler et greffer pour un résultat qu’on n’espérait plus.
En effet, les chances du garçon, dans un sommeil artificiel
provoqué depuis trois jours, étaient infimes et tous se bornaient à
répéter avant l’opération qu’une intervention chirurgicale était une
folie. Mais le docteur Wayne ne l’entendait pas de cette oreille. Il
avait fait une promesse aux parents de Tim qu’il voulait tenir coûte
que coûte. C’était ici bien plus qu’une simple question d’honneur ou qu’une quelconque avancée médicale. Wayne voulait sauver un enfant innocent et cela revêtait une grande importance à ses yeux. Il avait pris cette histoire à cœur et on ne pouvait pas le blâmer pour ça. Barbara comprenait tout à fait qu’on veuille aidé Tim. Il était jeune et son agression n’avait rien de banale.
« Bip Bip Bip »
En effet, Tim s’était déguisé en justicier. Revêtant un costume rouge et armé d’un bâton métallique sûrement acheté sur la toile, il s’était mis en travers du chemin d’un voleur qui n’avait pas hésité une seule seconde à l’abattre. Il avait simplement voulu imiter l’un de ces nouveaux chevaliers modernes aux codes complexes, personnages troubles qui poussaient un peu partout aux États-Unis et dans le reste du monde.
Tout le monde avait entendu parler de Spider man, l’Homme-araignée, Dare Devil, le démon de Hell Kitchen, Steelman, le héros costumé de New-York, les phénomènes californiens qu’étaient les Titans à San Francisco et Flash à Los Angeles et bien sûr, Batman, protecteur auto-proclamé de Chicago. Pour Barbara, ces gens incitaient la population à enfreindre la loi et provoquaient le crime organisé, plus violent depuis qu’ils étaient apparus. Qui plus est, des drames arrivaient par leur faute comme la tragique histoire de Tim. Mais ce qui la retournait le plus, c’était que les gens adulaient ces héros, sans un regard pour leurs vrais visages, rarement révélés au grand public comme ça avait été le cas pour le justicier déchu, Hawkeye.
« Bip Bip Bip »
Bon,
pas la peine de retourner le couteau dans la plaie. Tim allait s’en
sortir et peu importait le reste. Malgré que ces justiciers soient les
fautifs de l’état de l’adolescent, il était sauvé et c’était le
principal aux yeux de Barbara. Il allait bientôt reprendre du poil de
la bête et serrait sur pied d’ici un mois. Au moins, cette expérience
lui aurait servi de leçon et ne le traumatiserait pas comme cela
pouvait arriver pour un adulte. Il était jeune et en bonne santé, il
avait toute la vie devant lui et rien ne viendrait gâcher ce nouveau
bonheur qui s’offrait à lui. Oui, il redeviendrait le petit garçon
adorable qu’il devait être et se pavanerait devant les filles en
exposant ses blessures d’ici un mois. Ce qu’il avait vécu lui
permettrait d’apprendre et de comprendre mieux son environnement et lui
offrirait un nouveau regard, certainement plus critique, sur les
justiciers.
« Bip »
Barbara posa son regard noisette
sur le doux visage de Tim. Il dormait depuis qu’il était sorti de la
salle d’opération et ne tarderait plus à se réveiller maintenant. Il
semblait si paisible. Peut être rêvait-il. Un léger sourire s’affichait
sur ses lèvres sèches, comme s’il vivait un instant agréable, plongé
dans un sommeil devenu savoureux et bienfaiteur. Dans son paisible
somme, il ressemblait à un angelot magnifique, prêt à s’envoler pour un
autre monde…
« Biiiiiip… »
Le bruit distinct de
l’électrocardiogramme attira son attention et ce qu’elle vit la fit
bondir de sa chaise. La sat était en train de s’effondrer sous ses yeux
! Mais, qu’est ce qui s’était passé ? Tout… Tout semblait allait pour
le mieux pourtant ! Entraînée à faire face à ce type de situation,
Barbara actionna le bouton d’urgence puis approcha le chariot de
réanimation à sa droite. Les médecins devaient faire au plus vite ou
sinon, tout les efforts précédents auraient été vains !
-Tiens bon, mon garçon ! Pria Barbara en commençant un massage cardiaque.
Un.
Deux. Trois. Aucune réaction. Un. Deux. Trois. Toujours rien. Un. Deux.
Trois. Allez ! Le cœur devait se remettre à battre ! C’était trop bête
que ça se termine ainsi ! Non, ça ne pouvait pas finir comme ça !
Crispée dans l’effort, Barbara continuait désespérément sa tentative de
réanimation, toujours infructueuse, s’épuisant sur la maigre poitrine
du jeune adolescent.
Enfin, les voix de deux médecins se firent
entendrent derrière elle. Cédant sa place aux internes, elle les
regarda empoigner les défibrillateurs. L’un des deux hommes lui demanda
de charger la réa’ à cent-cinquante, ce qu’elle fit par automatisme, ne
réalisant pas encore tout à fait ce qui se passait. Un premier choc
secoua le torse de Tim mais rien n’y faisait, le cœur avait cessé de
battre.
-Chargez à deux cent cinquante !
Barbara obéit
et une nouvelle secousse convulsa le garçon. Mais la sat ne remontait
toujours pas. Bon sang, ce petit cœur ne battrait plus jamais ! Non,
ils devaient tout tenter pour le sauver, comme l’avait fait le docteur
Wayne avant eux. C’était idiot. Sept des meilleurs chirurgiens de la
ville avaient réussi un exploit technique en réparant les graves
lésions internes du patient et il allait mourir comme ça, en salle de
réveil, alors qu’il allait ouvrir les yeux. Comment le destin pouvait
être aussi cruel ? Donner tant d’espérance à une famille, à des
médecins, à des chirurgiens de renom puis partir ainsi, après que le
plus dur soit passé. Deux autres déflagrations suivirent mais le
résultat était toujours le même… nul. Finalement, le docteur qui tenait
les défibrillateurs posa son matériel avant de regarder sa montre. Puis
il déclara froidement :
-Heure du décès : neuf heures trente deux.
Son collègue griffonna ces mots sur le dossier du jeune patient qui
venait de rendre son dernier soupir, les yeux entrouverts, embrassant
du regard pour la toute dernière fois la neige qui tourbillonnait
derrière la fenêtre fermée avec un petit sourire en coin, un sourire
éternel, un sourire de petit ange.
*
Tim Drake était
mort. Cette nouvelle faisait l’effet d’une bombe sur un Bruce Wayne
totalement anéanti. Pendant près de six heures, il avait donné le
meilleur de lui-même pour que l’opération marche, pour que Tim puisse
de nouveau vivre, courir, jouer avec ses amis et grandir comme un
enfant normal. Il avait tout fait pour que ça se passe dans les
meilleures conditions imaginables, avait stimulé son équipe
d’intervention avec hargne et ténacité, n’avait jamais lâché l’affaire
lorsqu’une difficulté lui barrait la route. Oui, il avait utilisé ses
talents comme jamais auparavant, réussissant le miracle de réparer de
terribles traumatismes. Les sceptiques avaient eu beau montrer du doigt
cet investissement coûteux pour l’hôpital, Bruce y avait cru dur comme
fer et ça avait marché. Oui, il avait réussi à soigner son patient dans
son intégralité. Il allait vivre ! Vivre ! Un sentiment d’allégresse
l’avait alors submerger devant le travail accompli. Il avait rempli sa
mission, il avait réussi à tenir sa promesse. Déjà, les plus grands
chirurgiens de l’état l’appelaient pour le féliciter de son exploit
chirurgicale de première ordre. On lui réservait d’ors et déjà la Une
des plus populaires magazines scientifiques de l’Illinois et les plus
grands hôpitaux du comtés avaient formulés le désir de compter sur un
expert en chirurgie comme lui.
Mais alors pourquoi ça n’avait
pas fonctionné ? Toujours cette même interrogation qui le torturait
depuis des heures. Le monde s’écroulait autour de l’éminent chirurgien
et l’incompréhension laissait peu à peu place à la colère. Une colère
sombre et dangereuse, une colère qui n’avait pas de limites, une colère
qui ne demandait qu’à éclater. Et Bruce voulait la laisser s’exprimer.
Oh oui, qu’elle jaillisse ! Qu’elle s’émisse dans chacun de ses
muscles, qu’elle lui donne la puissance nécessaire pour qu’il
accomplisse ce qui devait être fait. Petit à petit, Bruce Wayne
disparaissait au profit de Batman. Sa personnalité se métamorphosait au
fur et à mesure qu’il ruminait ses sombres projets et la rage perçait
son cœur.
Une rage qu’il ne pouvait contenir plus longtemps.
Se levant de son siège, Bruce quitta son bureau et se dirigea vers les
ascenseurs, la mine sévère. Une image s’immisçait maintenant dans son
esprit, celle du jeune homme qu’il avait vu la veille, avant
l’opération. Son instinct lui dictait qu’il n’était pas étranger à la
tragédie qui s’était jouée. Et son instinct ne le trahissait jamais. De
plus, son visage lui était familier, comme s’il l’avait vu à la
télévision ou dans des journaux. Si cette personne était célèbre, il
l’aurait sans doute reconnu. Alors qui était-il, ce mystérieux inconnu
? Il devait savoir.
« Ting »
Les portes de l’ascenseur
s’ouvrirent sur le hall de la clinique. Bruce emprunta le chemin qui
menait à l’accueil d’un pas pressé puis s’arrêta devant le secrétariat,
tenu par une standardiste au téléphone. Il toussota pour signifier sa
présence mais l’intéressée, prise par sa conversation, le mit en
attente avec un signe de la main, sans un regard pour lui. Passablement
énervé, Wayne arracha le téléphone des mains de son employée puis la
regarda droit dans les yeux. Les joues de celle-ci prirent une teinte
rosée tandis qu’elle se répandait en excuses.
-Assez. Déclara
Bruce en soupirant. Un homme d’à peu près dix-huit ans est venu ici,
hier, il a demandé la chambre du patient Tim Drake. Comment
s’appelait-il?
-Euh… Je…
-Dépêchez ! Ordonna Bruce.
La
standardiste, paniquée, feuilleta les paperasses sous son nez en quête
de l’information demandée et finit par poser son doigt sur un nom. Dick
Grayson. Il s’appelait Dick Grayson et vivait à San Francisco. Avant de
partir, Bruce se tourna vers la jeune femme et lui déclara d’une voix
particulièrement dure :
-Vous êtes virée.
Sans un regard
pour la nouvelle licenciée, il déserta les lieux et prit les escaliers
menant au parking souterrain. Il avait été injuste avec cette pauvre
fille mais il avait besoin de passer ses nerfs sur quelqu’un. Si sa
colère ne sortait pas, il allait exploser. Une fois dans sa voiture, à
l’abri de tout les regards, le directeur de la clinique Wayne sortir
son téléphone portable et composa le numéro de son domicile. Quelques
sonneries plus tard, la voix mielleuse de son majordome se fit entendre
:
-
Monsieur Wayne ?
-Bonjour Alfred. Pouvez-vous faire une recherche pour moi ?
-
Bien entendu. Vous connaissez mon don pour ce genre de chose. Quel en est l’intitulé ?
-Je veux tout savoir sur un certain Dick Grayson et notamment ses liens avec les Titans.
-
Le groupe de jeunes justiciers de San Francisco ?
-Eux-même.
-
Bien… Monsieur ?
-Oui, Alfred ?
-
Vous semblez avoir eu une journée difficile. Tout va bien ?
-Ca ira mieux lorsque j’aurais fait ce que j’ai à faire.
-
Bien, Monsieur. Faîtes attention à ne pas faire de bêtises.
-Ne vous inquiétez pas pour moi, Alfred.
Bruce
raccrocha pour mettre un terme à cette conversation. Il ne voulait pas
se confier à son majordome car il connaissait déjà sa réaction vis à
vis de ses « écarts de conduite », raison même qui l’avait conduit à
démissionner quelques mois plus tôt. Le Batman n’aurait cure des
conseils avisés de son maître d’hôtel cette fois-ci. Il avait une
mission à mener. Une mission qui le conduirait à dépasser les codes
qu’il s’était lui-même fixé. Une mission qu’il réussirait pour Tim. Si
ses soupçons vis à vis de Dick Grayson étaient fondés, nul clémence ne
serrait permise de la part du Batman.
*
Dick avala le
contenu de son verre en une gorgée. Une heure plus tôt, il avait appris
le décès de Tim Drake peu après l’opération qui devait lui sauver la
vie. Cette dernière avait, semblait-il, fonctionné mais une
insuffisance cardiaque avait réduit le travail des chirurgiens à néant.
Les médecins n’étaient pas à blâmer, ils avaient fait leur possible.
Non, le seul coupable c’était lui et il ne rejetterait la faute sur
personne d’autre. Il allait devoir vivre avec ce cas de conscience
pendant le restant de ses jours. Être justicier, c’était faire des
sacrifices et Dick venait tristement de le comprendre. Il avait fallu
qu’un gosse meurt pour qu’il voit la réalité en face, une réalité qu’il
devait accepter pour continuer vivre. Demain, il retournerait à San
Francisco et continuerait le travail commencé avec les Titans. Il le
devait. Abandonner l’équipe serrait tellement simple mais ce serrait
aussi renoncer à tout en ce dont il croyait et qu’il défendait. Des
drames accompagnaient la vie d’un justicier et il devait se faire à
cette idée s’il voulait continuer dans cette voie. Autant s’y préparer
maintenant avec deux ou trois verres.
-Mettez-moi une vodka tonique, demanda-t-il au barman.
-Peux pas, les alcools forts sont interdits aux moins de vingt et un ans, ici.
Dick
soupira à l’idée qu’il ne pourrait même pas noyer son chagrin dans la
boisson. Maintenant, il ne lui restait plus qu’à attendre jusqu’à
l’aube en espérant qu’un taxi conciliant accepterait d’embarquer sa
carcasse jusqu’à l’aéroport. Alors qu’il allait commander une bière,
des cris derrière lui attirèrent son attention. Se retournant pour
connaître la cause de la panique générale, quelle ne fut pas sa
surprise de découvrir la source de tout les mythes de Chicago, l’être
que les criminels disaient invincible, le chevalier de la nuit :
Batman. Le bar se vidait en un clin d’œil mais Dick ne bougea pas d’un
pouce, faisant face à la créature terrifiante. Cette dernière, drapée
dans une cape aussi noire que la nuit, s’approcha du téméraire, les
poings serrés. Son regard d’acier croisa celui de Dick qui le soutint
sans faillir, malgré la sinistre sensation d’être totalement mis à nu.
-Dick Grayson ? Questionna t-il d’une voix sourde et dure.
Dick
déglutit en hochant la tête. Quelque chose lui disait que la légende
urbaine de Chicago n’était pas venu ici pour prendre une bière avec lui
en partageant ses problèmes…