Couverture : Rirox
Auteur : Zauriel
Date de parution : Janvier 2005

Le jour s’était levé d’un coup. Déjà le soleil passait entre les lattes du volet à moitié déglingué et venait frapper l’œil de Clint. Il grogna et se mit la couette sur la tête. On frappa à la porte.
« Allez vous faire foutre, cria-t-il. »
La porte céda et Clint se retrouva face à trois mecs qui ont loupé leur vocation de catcheurs. Derrière eux se trouve un personnage que Clint ne peut pas saquer : le dénommé Dan. Un espèce de salaud qui n’avait trouvé que trois occupations dans sa vie minable : taxer les plus faibles, buter ceux qui l’emmerdaient, et faire chier Clint. C’était surtout cette occupation là qui ne plaisait pas beaucoup à Mister Barton. Dan fumait une Camel et l’odeur forte parvint aux narines de Clint qui éternua.
« Barton, mon petit Barton. Tu vas dire que je me fâche, mais tu me dois du pognon. »
Clint se leva et enfila un caleçon. Il se gratta la tête et sourit à ses « invités ».
« Dan, je sais que je te dois de la thune, mais je ne l’ai pas. »
-Pardon ?
-Ouais… tu sais, un nouveau casino vient d’ouvrir en ville. Avec de superbes machines, de superbes filles. Tu vois le truc. »
Dan leva deux doigts et l’un des colosses qui l’accompagnaient enfonça son poing dans l’estomac de Clint. Celui ci s’affaissa avec un « pffou ! » de surprise. Il toussa.
« Clint, t’as joué mon pognon. Et tu l’as perdu. »
Clint hocha la tête. Sa poitrine se soulevait difficilement.
« Je te donne deux semaines, espèce de branleur de mes deux. Deux semaines et si t’as pas cette thune, je te jure que je t’arrache les couilles et que je buterai cette nana à qui t’as vendu ma dope. »
Clint essaya de protester mais l’un des mecs lui envoya son poing sur la gueule.
Dan et ses molosses sortirent, le laissant seul. Merde ! Comment en était-il arriver là ?
Il se rappelait qu’il s’était barré de chez lui après la mort de sa mère, il y a longtemps. Son père était flic, son frère était flic, sa mère était flic, et lui dealait avec ses camarades de lycée. La tache sur la photo de famille. Son père ne l’avait pas retenu, et il serait resté, si sa mère était encore là. Mais il ne restait plus rien. Son frère devenait encore plus chiant que le paternel. Il avait quitté New York et avait roulé longtemps avant de s’arrêter. Chicago.
Les Barton avaient un talent, celui de ne jamais louper leur cible. Arc, flingues, arbalètes, tout ce qui pouvait tirer des projectiles était pour eux une sorte de baguette magique, et avec ça dans les mains, ils devenaient des magiciens. Clint louait ses services. Transports douteux, éliminations, tout y passait. Sa gueule d’ange faisait de lui un mec insoupçonnable. Et Dan s’était pointé. Dan avait voulu que Barton lui rende un service, le genre de service qu’il rendait habituellement. C’était tout simple. Il devait refourguer de la dope à un chef de gang et lui rapporter l’argent. Sauf que le chef de gang en question, dont le surnom était Oiseau Moqueur, était une nana. Et du genre atomique. Au lieu de rendre l’argent à Dan, il s’était fait une petite virée avec elle à Las Vegas. Ils avaient fait sauter la banque plusieurs fois mais tout le pognon y était passé. Et elle s’était barrée, le laissant dans un hôtel sordide. Il était rentré à Chicago trois jours plus tard, et le lendemain, ce connard de Dan et ses gorilles lui avaient douloureusement rappelé la dure réalité de l’existence.
Retour au moment présent. Clint s’alluma une clope et se vautra sur sa chaise. Comment allait-il faire pour rendre ce pognon ? La question à 10000 dollards… Il recracha la fumée. Se massa les tempes. Il serait peut être de temps de changer d’air. Cette idée lui courait dans la tête depuis un petit moment, mais après la charmante visite de ce matin, elle semblait être la solution. Il se doucha, se rasa. Il sortit d’un vieux placard miteux une valise tout aussi miteuse. Il y fourra le nécessaire et réfléchit. Où allait-il aller ? Las Vegas ? Pour se refaire plumer ? Ce n’était pas une bonne idée. Le téléphone sonna. Clint s’assit sur le lit et décrocha le combiné.
« Moui, fit-il d’une voix endormie
-Clint, c’est toi ? »
Cette voix, qui venait de loin, qui venait de New York, qui venait du passé…
« Papa ?
-Oui c’est moi. Ecoute, je suis désolé de t’appeler. Je sais que nous ne nous sommes pas vu depuis longtemps et..
-Qu’est ce que tu veux ? »
La voix dure de Clint sembla surprendre son père.
« C’est Joshua, Clint, il est mort. »
Mort ?
« Comment ?
-Il s’est suicidé. »
Son frère, suicidé ? Ce n’était pas possible. Pas Josh.
« Les obsèques auront lieu vendredi. Tu pourras venir ?
-Bien sûr.
-Merci »
Une conversation rapide et droit au but. Clint raccrocha et regarda le combiné noir. Des larmes coulèrent sur ses joues. New York, New York, c’était reparti.