Auteur : Zauriel
Date de parution : Novembre 2005
Il entendit un téléphone sonner et se réveilla. Il était allongé sur un petit lit dans un studio.
« Qu’est ce que je fous là ? ».
Le téléphone était posé sur son chevet, à côté d’une grande lampe. Il l’alluma. Il avait l’impression d’avoir été drogué. Il avait la bouche pâteuse et ne sentait plus ses jambes. Il décrocha le combiné et grogna un « allô ? ». La voix à l’autre bout du fil lui sembla familière, mais il n’arrivait pas à la remettre.
« Clint ? Où est ce que t’es , bon Dieu ? Le baptême commence dans deux heures ? »
Baptême ? Quel baptême ?
« Clint ? C’est ton père. Si t’as du retard, Joshua ne te le pardonneras jamais. Clint, tu es là ?.
- Oui, je suis là.
- Ecoute, je viens te chercher, ok ? Je suis chez toi dans un quart d’heure, ça te va ? à tout de suite. »
L’homme au bout du fil raccrocha brutalement et Clint resta plusieurs secondes la tête dans les mains, complètement immobile. Son père ? Joshua ? Où était-il ? Son dernier souvenir remontait à Agatha Harkness qui lance une fiole par terre, et un nuage rose qui en sort. Il se leva et regarda la pièce. C’était un studio aménagé. La chambre faisait tronc commun avec la cuisine, et une autre pièce faisait W.C, salle de bains. Il prit un bac de linge et détailla le contenu. Caleçons, chaussettes à l’effigie de stars de dessins animés, un sweat-shirt avec le sigle des Yankees… C’était quoi, ce délire ? Avec une impression de flou absolue, il entra dans la cabine de douche et ouvrit l’eau.
Trois coups résonnèrent à la porte. Clint se passa une serviette, et encore tout dégoulinant, il alla ouvrir. Il fut totalement renversé par le vue de l’homme. Max n’était pas le même Max qu’il avait connu. Il paraissait moins fatigué, moins amer, et plus serein. Enfin, plus serein, peut être pas. Une expression de sévérité naturelle lui faisait plisser les yeux. Il s’engouffra dans l’appartement.
« Mais qu’est ce que tu fais, encore ? A quelle heure tu t’es couché ? »
Il n’arrêtait pas de faire les cent pas dans la pièce, et Clint ne pouvait détacher ses yeux de lui
« Tu… tu es vivant ! »
Max regarda son fils avec inquiétude, comme s’il était fou.
« Mais bien sûr que je suis vivant. Tu ne peux pas te dépêcher un peu ? T’as loué un costume, j’espère ? »
Clint retourna en vitesse dans la salle de bain. Sur un panier de linge trônait un smoking quelque peu usé, mais qui devrait faire l’affaire. Il l’enfila.
« Enfin, tu es prêt. Ca n’a pas l’air d’aller, mon bonhomme. T’es pas malade ? »
Clint secoua la tête. Il rêvait, c’était sûr. Son père était là, devant lui, et il lui parlait de son frère, et d’un baptême. C’était du délire. Mais c’était un délire qui lui faisait chaud au cœur. Après tout, pourquoi ne pas le suivre ? Ils descendirent sur le parking. Son père n’arrêtait pas de parler de plein de choses, mais Clint n’arrivait pas à enregistrer la moindre parole. Il restait aux côtés de son père, à l’observer, à détailler les traits de son visage, comme s’il était un inconnu qu’il avait côtoyé toute sa vie sans jamais prendre compte de sa véritable importance. Soudain, son père trébucha sur un caillou, et Clint dût le rattraper par la manche pour ne pas qu’il tombe.
« Eh bien, lança-t-il, tu as perdu ton agilité de héros. »
Max le regarda avec des yeux ronds, comme s’il n’avait pas compris. Clint fut surpris de ce regard, et redevint silencieux. Sur le parking les attendait une Ford noire, une mondéo. Et une autre surprise attendait Clint dans la voiture, en la personne d’ Edith Barton, sa mère. Elle sortit de la voiture et claqua la portière. Elle lança un regard attendri aux deux hommes et leur sourit.
« Le père et le fils. Enfin, l’un des fils. On ne vous a jamais dit que vous aviez un air de famille, messieurs ? »
Clint courut en direction de sa mère et la serra dans ses bras.
« Tu ne peux pas savoir à quel point tu m’as manqué.
- On s’est quittés hier soir. Tu vas bien ?
- C’est exactement ce que je lui ai demandé, renchérit Max. »
Il recula pour regarder sa mère. Elle était là, devant ses yeux, pareille que dans son souvenir, à quelques différences près. Des rides apparaissaient aux coins de ses yeux. Mais elle restait Edith Barton… Brutalement, il pensa qu’il ne rêvait pas. Il pensa qu’il était mort. Que la mort, c’était retrouver les êtres chers qui avaient disparus avant vous, qui étaient partis « en éclaireur ». Mort… La mort paraissait-elle aussi réelle à sa vue et à son toucher ? Harkness l’avait peut être empoisonnée. Il la remercia mentalement, et alla s’asseoir à l’arrière de la Ford. Son père se plaça derrière le volant.
« Tu as fait la java, hier soir ?.
- Un peu, oui. Je ne suis pas rentré très tôt.
- Tu aurais dû être un peu plus prudent. Tu savais que c’était aujourd’hui. Yelena n’est pas avec toi ? »
Yelena ? Alors là c’était la meilleure. Avec lui ? Il fallait qu’il mette les choses au point, tout de suite, afin de ne pas commettre de gaffes. Il se racla la gorge et demanda.
« Ca fait depuis combien de temps que je suis revenu de Chicago ? »
Ses parents échangèrent encore une fois le regard amusé et inquiet qu’ils avaient partagé sur le parking.
« Chicago ? Mais de quoi me parles-tu ? »
Clint se frotta le menton. Il n’était pas parti pour Chicago. Il était resté à New York. Il n’avait jamais vécu ces dix longues années d’exil et c’est pour cela qu’il était dans cette voiture, avec sa mère, en direction d’un baptême qui avait l’air de tant compter aux yeux de son frère. Il frissonna. Il se sentit comme dans un cimetière, où l’on côtoie encore les essences des défunts. Il se laissa aller dans la banquette. Sa mère se tourna vers lui
« Alors, où est Yelena ? »
Ca, c’était une bonne question. La meilleure, à vrai dire. Où est Yelena ? Il n’allait quand même pas lui répondre : « Ben, en fait, la dernière fois que je l’ai vu, elle était costumée et tentait de me tuer. Enfin, elle ne voulait pas me tuer moi, mais mon avatar, le tireur d’élite Hawkeye. Cela semble un peu fou, non ? Bah en plus, maman, tu devrais être morte dans un accident de voiture, papa s’est défenestré il y a quelques mois et Joshua s’est fait trahir par son supérieur et il est mort aussi. » Non, il lui répondit juste la vérité.
« Je ne sais pas. »
Sa mère eut un air renfrogné. Mais son visage s’éclaira la seconde suivante.
« Elle doit être à l’église . »
Clint acquiesça vivement. A l’église, oui. Ils y arrivèrent la seconde suivante. Ils sortirent de la voiture et nombreux parents, amis, vinrent les saluer. Clint eut un haut-le-cœur. Toutes ces personnes, il n’en avait qu’un vague souvenir. Il serrait des mains, embrassait, sans savoir à qui il s’adressait. Puis il vit son frère sortir de la foule. Il tenait sa femme Tania par la main, et son bébé Lou dans ses bras. Clint sentit les larmes lui monter aux yeux. Joshua. Son frère. L’être qu’il avait dû le plus aimer sur cette Terre était là, devant lui, et tout sourire. Clint alla le serrer dans ses bras, ému aux lames. Joshua répondit à cette étreinte avec des regards un peu interrogateurs à ses parents. Un taxi arriva un peu rapidement, et Yelena en sortit en se précipitant. Elle était élégante dans une robe blanche, avec une écharpe rouge. Ses longs cheveux blonds étaient retenus en un chignon. Elle salua Joshua et Tania ; et alla prendre la main de Clint. Ils rentrèrent ensuite dans l’église, où le curé les attendait. Les parents lui confièrent Lou et s’assirent. Clint était entre son père et Yelena. Il avait les larmes qui coulaient toutes seules sur son visage. Son père le prit par les épaules et le serra contre lui. Puis il lui dit ce que Clint avait toujours eu besoin qu’il dise.
« Clint, je sais que j’ai pas toujours fait ce qu’il fallait. Je n’ai pas toujours été un père présent. Mais je veux que tu te souviennes de moi tel que je suis aujourd’hui. »
A ces mots, la scène se figea. Le curé tenait le bébé dans ses bras, Yelena riait, sa mère portait un mouchoir à ses yeux. Clint se retourna. Ils étaient tous figés dans le temps. Une longue brèche noire s’ouvrit sur nulle part et Agatha apparut. Elle était toujours habillée de sa robe bleue. Elle s’avança parmi l’assistance immobile.
« Qu’est ce que vous leur avez fait ? »
Agatha semblait s’être attendue à cette question.
« Ils ont rempli leur office. Comprenez vous maintenant, Clint ? »
Barton regarda son père, à côté de lui, figé dans la confidence qu’il venait de lui faire. Il avait compris.
« Vous êtes dans un autre plan de l’existence. Ici, Hawkeye n’a jamais existé. Votre père a toujours vécu sous le nom de Maxime Barton. Ainsi, votre mère n’est pas morte alors qu’elle le fuyait. Vous n’êtes jamais parti à Chicago. Et tout ce qui s’ensuit.
- Pourquoi m’avoir dévoilé ça ? »
La vieille femme alla s’asseoir. Elle semblait fatiguée.
« Clint, je voulais vous montrer quelque chose. Votre père n’a jamais voulu faire ce qu’il vous a fait, ainsi qu’à votre frère. Il n’a pas résisté à l’appel de la facilité. Mais au bout du compte, ce n’est pas de sa faute. En vous faisant vivre ce mince passage qu’aurait pu être votre vie, je vous ai montré que votre père n’était pas l’homme diabolique que vous croyiez. Vous ai-je convaincu ? »
Clint repensait aux dernières paroles que lui avait confié celui qui aurait pu être son père. Puis il hocha la tête. La vieille dame sortit de sa poche la même fiole qu’elle avait utilisé auparavant. Clint se sentit aspiré dans un tourbillon de sens, puis il s’écroula.