Urban Comics
  Hawkeye #22 : Introspections
 
Auteur : Zauriel
Date de parution : Octobre 2005

Le juke-box s’était mis en route. Les accords lancinants de David Bowie étaient descendus dans la salle. Allons danser, disait le duc blanc. Mais ce soir là, il y avait trop de monde pour pouvoir fermer un peu plus tôt que d’habitude. Un étudiant fêtait son diplôme, un mec fêtait avec ses potes la naissance de sa fille…
« Comment ça se passe ? ».
Clint était au bar, en train de prendre les cocktails que préparaient sans interruption Dane.
« Bien. Un peu trop de monde, mais ça va.
On ne va pas se plaindre. Je m’était jamais attendu à ce que l’on ait un tel succès, pas toi ?
Non, moi non plus. »
La porte s’était ouverte sur une Karla totalement transformée. Elle s’était un peu maquillé, et souriait. Ce sourire semblait illuminer son visage. Elle s’était approchée du bar et avait touché le bras de Clint. Ce geste l’avait électrisé. Ils se regardèrent un petit moment, les yeux plongés dans ceux de l’autre.
« Eh, fit Dane en claquant des doigts. »
La magie fut rompue. Clint, irrité, tourna la tête vers son ami
« Quoi ?
- Comme tu le disais, on a du monde. »
Karla baissa la tête et sourit. Elle alla s’asseoir. Clint ne décrochait pas son regard d’elle. Mais un nouveau claquement de doigts de la part de Dane le fit se remettre au travail. Il partit servir ses clients. Yelena demanda à Dane.
« Elle a quoi de spécial, cette nana ?
-Clint lui a sauvé la mise.
-Je comprends alors pourquoi elle a le béguin pour lui, mais toujours pas pourquoi lui, il a le béguin pour elle.
-Qu’est ce que tu veux, soupira Dane. C’est l’amour. Au boulot. »
Yelena repartit à son tour servir, laissant Dane dans un peu confus. Ses propos avaient fait « tilt » dans son esprit. « Elle a quoi de spécial, cette nana ? ». C’est vrai, elle était vachement mignonne. C’est vrai, elle ne paraissait pas être une des ces tarés qui ne lâchaient jamais les mecs. C’est vrai, elle avait l’air cultivé et intéressante. Mais c’était quand même bizarre, non ? Clint refusait la presque totalité de contacts féminins depuis que Barbara, qu’il n’avait vu qu’une fois, et endormie, de plus, s’était barrée sur la côte ouest. Dane avait essayé de pousser Cint à rencontrer des filles, et Clint les avait repoussées, gentiment certes, mais le geste était « repousser. » Et là d’un coup, il s’éprenait de cette fille là. Peut être le complexe du sauveur, quelque chose comme cela. Mais il n’y avait pas que cela. Cette fille, comment elle s’appelait déjà ? Karla, oui. Elle cachait quelque chose. Elle avait peur, cela se voyait dans tous ses mouvements. Ses yeux n’arrêtaient pas de bouger, ses ongles étaient rongés, ses jambes ne cessaient de se tortiller. Elle avait peur. Et ce n’était sûrement pas du petit copain dont l’avait gentiment débarrassé Clint. Non, le danger qui la faisait frémir de peur était beaucoup plus important qu’un simple ex envahissant et violent. Mais que faire, Dane n’avait pas à s’immiscer dans la vie de Clint. Après tout, il était grand. Et puis, la remarque de Yelena était sûrement due à la jalousie. C’est vrai, la façon qu’elle avait eu de les fusiller du regard, quand Karla lui avait touché le bras. Dane secoua la tête en souriant. Ca ne faisait pas vingt quatre heures qu’ils avaient embauché la petite qu’elle faisait déjà des siennes. En même temps, ils se connaissaient d’avant, Clint et elle. Peut être ont-ils eu une aventure.
« Mais peut être pas, fit Dane en coupant la voix qui trottinait dans sa tête. Non, je débloque simplement. »
Il entendit un rire. Un rire monstrueux qu’il n’avait voulu ne plus jamais entendre. Il leva les yeux. Le bar avait disparu. Il se trouvait dans un désert. Il faisait nuit, il faisait froid. La lune brillait, haute dans un ciel sans nuage. Dane sentit la peur monter en lui, et ne plus le quitter. Soudain, devant lui, deux êtres semblèrent sortir du néant. Deux êtres vêtues d’armures à peu près semblables. James et Nicolas Whitman, le visage défiguré par la haine, par la rage, et par Proctor. Celui qui avait été Nicolas Whitman ouvrit la bouche, et des chauves souris en sortirent. James et Nicolas parlèrent d’une seule voix qui n’était pas la leur, mais celle du démon millénaire que Dane avait exterminé dans l’ultime combat qui avait aussi coûté la vie à son frère.
« Oui, fit la voix, oui Dane, tu débloques comme tu le dis. Tu deviens même complètement cinglé. Tu te mets à voir des choses qui n’existent pas, à entendre des voix qui ne sont que le pur produit de ton imagination. Bientôt, tu n’arriveras plus à différencier le monde réel de celui ci. Tu deviendras un danger pour la population. »
Les fantômes se rapprochèrent un peu de lui, et Dane put voir que ce qu’il avait pris pour des visages, sous les casques médiévaux, n’étaient que des crânes.
« Mais qu’importe, la folie est un mal de famille. Accepte la en héritage, Dane. »
Puis la voix partit, en un funeste éclat de rire. La vision s’altéra, et il retrouva le décor apaisant de son bar. Et Yelena, qui le regardait avec de grands yeux inquiets.
« Dane, ça va ?
- Ouais, ouais.
- On dirait que tu as vu un fantôme…
- J’ai dit que ça allait, ok ? »
Elle partit en grommelant. Dane regretta d’avoir été aussi dur avec elle. Ce n’était pas de sa faute, si il commençait à voir des morts. Il rigola, en se rappelant un petit garçon, mort de peur dans son lit d’hôpital : « Je vois les gens qui sont morts . » Et soudain, tout alla mieux.
Clint, de son côté, passait ne superbe soirée. Il passait entre les tables avec une légèreté quasi surnaturelle. Chaque fois que son regard croisait celui de Karla, il se sentait grand. Il se sentait un mec bien. Jamais auparavant il n’avait ressenti cette impression, ou peut être que si, il y a très longtemps. Enfin, il avait l’impression de reprendre sa vie en mai, à chaque fois qu’il la regardait. De son côté Karla avait peur. Malgré les sourires qu’ils s’échangeaient, avec ce charmant jeune homme qui l’avait sauvé, elle était aux abois. Elle paraissait pourtant si calme. Avec amertume, elle pensa à toutes les expériences qu’elle avait subie, qui avait fait d’elle une personne si secrète, si solitaire, et au final, une personne qui se sent si mal. Mais elle ne devait parler à personne de ce dont elle avait peur. Elle pourrait se mettre en danger, en révélant sa présence. Pire encore, elle pourrait mettre en danger Clint, son ami qui faisait les cocktails au bar, et la petite jeune qui servait.
Yelena, elle, essayait de penser à ce qu’elle faisait, pour une fois dans sa vie. Les commandes allaient et venaient, se succédaient. Les allers et retours du bar aux tables avec elles. Les gens ne restaient pas longtemps, mais assez longtemps pour trouver immédiatement des remplaçants. Yelena pensait malgré tout à Clint. Il était bien la dernière personne qu’elle s’attendait à trouver là. Elle cherchait du boulot depuis un petit moment déjà. Elle avait entendu parler du Médiéval et en bien. Elle s’était tout de suite bien entendu avec monsieur Whitman « Appelez-moi Dane ». Oui, avec Dane. Et de voir Clint, aussi vite, sans y être préparé… Voilà qui lui avait fait la surprise de sa vie. Elle avait pensé pouvoir lui parler, de ce qui leur était arrivé, à elle, à lui, pendant tout ce temps. Presque dix ans, déjà. Mais il l’évitait. Elle avait mal. Le revoir avait déjà ouvert une plaie, mais qu’il l’évite l’avait profondément choqué. Et le fait qu’il fasse les yeux doux à cette espèce de garce l’énervait. D’où sortait-elle ? Qui était-elle ? Au fond, que lui importait Clint, maintenant ? Elle avait sa vie, il avait la sienne, et tout allait bien comme cela. Elle avait un boulot, et c’était inutile de le gâcher avec ses sentiments et ses pensées.
Quelques heures plus tard ils fermèrent. Clint alla prendre le bras de Karla, et ils partirent tous les deux sans dire un mot ni à Dane, ni à Yelena. Cette dernière regarda Dane avec malice et lui demanda.
« T’es fatigué ?
- Pas vraiment.
- On va danser alors ?
- Désolé, Yelena ; mais j’ai un truc de prévu, cette nuit. Un truc important.
- Ok, pas grave. A demain
Bonne nuit. »
Et ils partirent chacun de leur côté. Yelena fulminait. Qu’est ce qu’ils avaient tous, à la repousser, en ce moment, comme si elle était pestiféré ? Et qu’est ce que Dane avait à faire à cette heure de la nuit qui paraissait tellement important ? Elle décida de rentrer chez elle, de se prendre un bon bain chaud, et de ne plus repenser à ça, au moins jusqu’au lendemain matin.
Dane était monté chez lui. Il n’entendait personne, dans l’appartement de Clint.
« Ils ont dû aller chez elle. » Il enleva son T-shirt et son pantalon et mit sa cotte de mailles et son armure. Il ceignit son épée à sa ceinture et revêtit son casque. Avec un frisson, il repensa à la vision qu’il avait eu. Put être qu’ils avaient raison. Peut être qu’il devenait fou. Il fallait l’être, pour revêtir une armure à cette heure de la nuit, pour aller défendre la veuve et l’orphelin. Il regrettait que Clint soit parti. C’est vrai, c’était nettement plus sympa d’être à deux pour se « balader » la nuit, mais il avait préféré une nuit de tendresse à une nuit de souffrances. N’empêche. Dan aurait bien voulu parler de son cauchemar à quelqu’un. Et il se doutait que ce n’était pas à Yelena qu’il pouvait se confier ce genre de choses. Bon, il était prêt à aller s’occuper des truands. Et aucune vision, aucun cauchemar ne le détournerait de sa tâche.
Il partait dans la nuit noire. Et il sentit une présence, juste derrière lui. L’individu ne faisait pas un bruit. C’est son odeur qui l’a trahi. Il sentait la sueur. Il transpirait l’excitation de la chasse. « Et il croit que c’est moi la proie. »
L’homme s’était arrêté en même temps que Dane. Le chevalier se retourna lentement, pour contempler son adversaire.
Son masque bleu comme la nuit semblait lui coller au visage. Il avait accroché des armes partout sur sa combinaison. Il dégaina l’épée qu’il portait dans son dos.
« Alors c’est toi, le Chevalier ?
-C’est moi.
-Je te voyais plus grand.
-J’impressionne, c’est tout. Tu veux quoi ?
-Ta tête, mec. Elle vaut un petit paquet d’oseille.
-Tiens donc. Et tu es qui, pour la demander ?
-Je suis Zaran, celui qui va mettre fin à tes jours.
-Frimeur. »
Dane sortit à son tour son arme. Les deux hommes ne se quittaient pas des yeux. Ils se mirent à marcher en cercle, doucement, en essayant d’anticiper le premier mouvement de l’adversaire. Soudain, Dane vit un éclair passer furtivement dans le regard de Zaran. Il passa à l’attaque et Dane se pencha pour éviter la lame. Il entendit le sifflement à ses oreilles, et dans sa tête, les rires maléfiques reprirent. Il sentit la colère monter en lui. C’était lui, l’épéiste confirmé, et pas cette espèce de cinglé qui se prenait pour un chasseur de tête. Il se dégagea un peu de la sphère de contrôle de son adversaire et le renversa d’un coup de pied. Zaran tomba lourdement à terre. Le Chevalier s’avança, mettant la pointe de sa lame sous la gorge de Zaran.
« Qui t’envoie ? ».
Il n’avait pas hurlé. Il chuchotait. Il avait une voix calme, porteuse de la pire des malédictions. Et c’est cela qui effraya le mercenaire. Sa voix, et ses yeux. Les yeux sous son casque étaient d’une froideur inhumaine. Le maître d’armes ne savait que faire. Il se dit qu’il avait perdu, et bégaya.
« Le Conseil. Le Conseil de la mafia m’a engagé, pour vous buter, toit et ton pote Hawkeye.
-Combien ?
-500 000 dollars chacun.
-Mouais, je suis déçu. Tire toi, maintenant, et ne reviens jamais. »
Dane fit demi tour, sans toucher à un seul cheveu de Zaran. Le maître d’armes ressentit une bouffée de haine contre le Chevalier l’envahir. Parce qu’il l’avait vaincu ? Pace qu’il l’avait épargné ? Il n’en savait rien. Mais un contrat est un contrat. Et pour Zaran le maître d’armes, la mort était préférable à la honte. Il se leva doucement. Il dégaina un de ses nombreux couteaux et serra les dents. Devant lui, le Chevalier marchait tranquillement, l’arme à la main, mais comme s’il avait tout oublié de son affrontement. Zaran commença à le rattraper. Il leva son couteau au dessus de lui et il sentit quelque chose de froid au niveau de son abdomen. Sa proie s’était retournée et lui avait plongé sa lame dans le ventre. Dane ne lâcha pas la garde de son épée. Au contraire, il fit tourner la lame dans le ventre de l’autre enfoiré.
« Je t ‘avais dit de te barrer. T’aurais dû écouter. »
Zaran sursauta plusieurs fois. Puis il tomba, et cette fois, il ne se relèverait jamais.
 
 
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