Auteur : Zauriel
Date de parution : Avril 2005
Encore une fois Barton avait l’impression d’avoir commis une boulette. Et pas la petite boulette. La fille qui l’accompagnait, Barb, mais qu’est ce qu’elle foutait là ? Son ancienne maîtresse avait été engagée par l’association qui avait dégommé son frère . C’était pas un peu troublant, ça ? . Elle l’avait amené dans un petit restau, le genre cantine. Il n’y avait pas foule. Les seuls occupants étaient des mecs qui ne pouvaient pas rentrer chez eux le midi et aller embrasser la petite famille. Ils regardaient sans émotions leur assiette et leur verre. Clint et Barb s’étaient assis à une table de quatre personnes, l’un en face de l’autre. Clint avait pris un café et Barb jouait avec le verre de jus d’orange qu’elle avait vidé . Elle lui avait dit qu’elle avait quelqu’un à lui présenter. Pas le Big Boss de la Main, mais l’un des principaux actionnaires. Et le nom et le titre de cet actionnaire avaient fait frissonner Clint. 12h10. Un homme roux s’avança vers eux. De haute taille, il portait des lunettes de soleil qui dissimulaient ses yeux. Ses traits marqués laissaient deviner une mentalité déterminée et ambitieuse. Il portait un élégant costume trois-pièces bleu. Il prit la main de Barb et l’embrassa. Celle-ci gloussa. Puis l’homme se tourna vers Barton et lui tendit une main amicale.
« Oliver, dit Barb, je te présente Henry Peter Gyrich, commissaire à la Criminelle . Peter, je vous présente Oliver Queen . »
Avec un sourire qui se voulait doux, Clint prit la main de Gyrich dans la sienne et la serra, sans le quitter des yeux. Derrière ces lunettes se cachaient les yeux de quelqu’un qui avait connu son frère, quelqu’un qui savait sûrement quelque chose à sa mort. Le lieutenant s’assit.
« Ainsi donc, commença-t-il, voici l’homme qui a mis un peu de piment à nos affaires. La Main a été intéressée par vos prouesses de l’autre nuit. Et surtout, elle s’interroger du pourquoi de ces prouesses. »
Gyrich laissa filer sur l’archer un long regard. Faisant mine d’être gêné, Clint répondit :
« Monsieur Gyrich…
- Peter, s’il vous plait.
- Bien… Peter. Eh bien cela fait quelques temps que je suis à New York. Je viens de l’Illinois. Je suis venu à New York pour satisfaire un grand rêve, vous voyez. A Chicago, je bossais pour des guignols. A New York, il y a des vrais mecs. Mais je sais que pour attirer l’attention, il faut faire un minimum de tapage, ce que j’ai fait l’autre soir.
- Vous souhaiteriez donc entrer dans notre petite organisation, c’est cela ?
-Exactement, répondit Clint avec le sourire d’un gamin qui reçoit le jouet de ses rêves le jour de Noël.
- Mais pourquoi vous accepterions nous ? »
Clint prit la valise qui était à son côté et la posa sur la table. Il l’ouvrit. Dedans se trouvaient son arc, quelques flèches. Clint reprit, d’un ton plus assuré :
« Peter, vous avez certainement beaucoup d’hommes de main, des hommes qualifiés. Mais moi je suis spécial. Je suis discret, rapide, et je ne rate jamais ma cible. Un arc ne se repère pas dans les sécurités électromagnétiques. Je ne demande qu’une place dans votre organisation. »
Gyrich souriait d’admiration.
« Oliver, il faut avouer que vous m’impressionnez. Rares sont les gens qui manipulent ce type d’armes et vous semblez bien vous en servir. De plus, votre résolution à faire partie de notre équipe force le respect. Je ne peux donc que m’avouer convaincu. Mais vous savez bien que ce genre de décisions n’est pas du ressort d’un seul homme. Je vous demande donc de me suivre dans nos bureaux, où vous rencontrerez nos directeurs. Cette marche à suivre vous dérange-t-elle ? »
Eberlué, Clint fit non de la tête. Il ne pensait pas que Gyrich tomberait dans le panneau aussi vite. Barb lui adressa un sourire. Le commissaire se leva et d’un geste, invita les deux autres à sortir du restaurant. Ils se levèrent à leur tour et il sortirent. Dehors, une sublime limousine Mercedes les attendait. Ils montèrent. La voiture se mit à rouler mais Clint ne distinguait pas la paysage à cause des vitres teintées.
« Oliver, puis-je vous demander comment vous avez connu notre amie Barbara ? »
Clint s’était assis à coté de la jeune femme avec Gyrich en face de lui. Ce dernier retira ses lunettes. L’éclat froid et menaçant de ses yeux gris semblaient démentir le sourire qui ne quittait pas son visage.
« Un de mes amis tient un bar à Chicago. J’ai rencontré Barbara là bas. »
Gyrich ouvrit le petit bar derrière lui.
« Que buvez vous ?
- Un scotch
-Un alcool qui sied aux plus forts, affirma le commissaire avec un clin d’œil. »
Il remplit le verre de Clint et lui demanda :
« Glace ?
-Non merci. »
Il lui tendit le verre, et s’en servit un, après que Barbara ait refusé de boire. Ils trinquèrent.
Clint but une gorgée, gardant ses yeux fixés au sourire de Gyrich. Les deux hommes semblaient s’affronter du regard, le verre à la main. Puis Clint sentit une étrange sensation au niveau de son estomac. Gyrich posa son verre sur le bar et son sourire découvrit ses dents : fines, effilées, blanches, pareilles à celles d’un prédateur.
« Vous savez, Oliver, vous n’êtes pas seul à posséder le talent que vous m’avez vanté tout à l’heure. Il y a quelques temps, un homme plus jeune que vous est venu nous trouver. Il disait lui aussi vouloir s’engager dans notre organisation et lui aussi se promenait avec un arc et des flèches. Un homme tout à fait étonnant puisqu’il s’agissait d’un des mes hommes, le lieutenant Joshua Barton. »
Un feu invisible semblait dévorer les entrailles de Clint pendant que Gyrich parlait . Il se pencha en avant et vomit.
« Vous n’avez pas la classe de votre frère, monsieur Barton. Bien sur, ce n’est pas moi qui l’ait accueilli. Il me connaissait. Mais je trouvais que cet entrain pour la Main Noire était malsain. Plusieurs fois, j’ai essayé de l’arrêter. Je lui ai même retiré l’affaire. Mais il semble que votre famille soit une bande de têtes de mules. Alors je l’ai attendu au sommet de l’immeuble et ce fut la fin. Je l’entends encore hurler de rage alors qu’il tombait. »
Clint transpirait à grosses gouttes. Il avait l’impression d’étouffer.
« Es… pèce… d’en… foiré, parvint-il à articuler. »
Gyrich ricana.
« Et vous êtes arrivé. Vous n’étiez pas vraiment l’homme discret que vous décriviez tout à l’heure. Vous êtes allé voir directement vos anciennes relations : votre belle sœur qui se trouvait à l’enterrement, votre père que vous avez suivi jusqu’à chez lui, votre ami Bibo. Il faut avouer que votre frère était plus minutieux. »
Clint tomba en avant. Barb ne bougeait plus.
« Je suis désolée, Clint, désolée. »
Gyrich continua.
« Le meilleur, ce fut quand nous retrouvâmes votre petite amie, Barbara Morse. Saviez vous qu’entre temps votre ami Mocking Bird était devenue accro à la coke ? Elle vous a vendu pour une bonne dose. »
Gyrich donna un violent coup de pied à Barton. La voiture s’arrêta et deux armoires à glace sortirent de l’avant de la voiture. Ils se trouvaient sur le port. Gyrich sortit de la voiture, prenant l’air à pleins poumons, et dit à Clint.
« Vous allez mourir heureux, Clint. D’après ce que j’ai compris, vous vouliez savoir comment votre frère était mort. Voilà chose faite. Nous allons maintenant nous occuper du reste de votre famille. »
Les deux molosses prirent Clint par les bras et par les jambes, et le lancèrent à la mer.
Gyrich remit ses lunettes et un éclat de soleil brilla dessus. Il murmura :
« A Chicago, ils n’ont pas l’océan. Profitez-en, Monsieur Barton. »
Dans un nouvel éclat de rire, ils remontèrent en voiture, et laissèrent le dernier Hawkeye en proie à l’océan.