Urban Comics
  Hawkeye #19 : Nouvelle vie
 
Auteur : Zauriel
Date de parution : Septembre 2005

« Dane, plus vite, mec. »

Dane se démenait pourtant. Sûr, il y avait beaucoup de monde, ce soir là. Le bar était rempli, et la petite jeune qu’ils avaient embauchée s’était faite portée pâle. Bref, trois mois après son ouverture, le Médiéval faisait fort. Il était devenu un bar apprécié par les gens du coin, et le bouche à oreille était certainement la meilleure façon de se faire de la publicité. Clint avait vendu le manoir à un de ces péquenauds du Texas, qui se croient encore au XIXe siècle, parlent avec un accent aussi grinçant qu’une craie sur un tableau noir, et habillé comme un cow-boy d’opérette. Il avait réussi à lui vendre la braque un bon petit paquet de fric, mais l’argent en lui même ne l’intéressait pas. Ce qu’il volait, c’était se débarrasser de cette maison. Trop de mauvais souvenirs s’y étaient installés, et Clint ne s’y sentait plus à sa place. Après l’avoir vendu, il avait ouvert son nouveau chez lui au public. Le Médiéval. Tout le monde leur avait demandé ce que signifiait ce nom, mais pouvaient-ils répondre aux gens un truc du style :
« Ben, en fait, Dane et moi on est des justiciers connus sous les noms d’Hawkeye et du Chevalier Noir, et on a pensé que le Médiéval, ça collerait bien à notre double personnalité. » ?
A la place d’ouvrir ce bar, il aurait pu placer son argent, faire plein de bénéfices pour gagner assez d’argent tout sa vie et aller se la couler douce sur le Pacifique, sur un grand yacht blanc où des jeunes femmes en maillots de bains deux pièces danseraient uniquement pour lui. Quel intérêt ? là, il bossait un truc qui lui plaisait, sans compter les petites virées qu’il se faisait sous son autre identité, histoire de rappeler à certaines têtes de mules qu’il fallait compter sur lui pour faire régner l’ordre et la justice, etc etc. Bref, il avait une vie fun, bien remplie.
Alors qu’il s’occupait de la préparation des cocktails au bar, Dane vint le voir, totalement éreinté.
« Pas de sortie surprise, ce soir . »
Par sortie surprise, il entendait ronde de nuit. Ils s’étaient mis d’accord. S’il y avait pas trop de monde, un seul restait, et l’autre allait faire un tour. S’il ne restait que trois, quatre poivrots, ils fermaient et allaient botter des arrière-trains ensemble. Mais ce soir là, pas moyen. Vu le monde qui riait, commandait, fumait, et recommandaient, il fallait qu’ils se démerdent tout seuls jusqu’à deux heures et demie.
Fermeture. Enfin. Le jukebox, qui avait la fâcheuse habitude de se mettre en route tout seul, avait entamé le vieil instrumental de Santana, Europa. Dane bailla. Il souriait mais la fatigue ne lui allait pas. Des cernes commençaient à apparaître sous ses yeux.
« Moi, je vais me coucher. »
Leurs deux appartements se situaient juste au dessus du bar. Ils ne craignaient donc pas qu’un flic se pointe dans l’escalier pour leur faire faire un alco-test, prétextant ensuite qu’ils avaient trop bu pour rentrer. L’idéal de bosser chez soi…
Clint se sentait réveillé, lui, un peu trop peut être. Les étoiles brillaient. Dane remarqua on regard absent et lui lança un sourire obscène.
« C’est la vision de la blonde qui te maintient éveillé. »
Clint eut un soupir. La blonde, c’était une jeune femme d’une trentaine d’années, blonde, évidemment, des yeux les plus clairs que Clint n’ait jamais vu. Elle venait chaque soir vers vingt-deux heures trente, seule. Elle regardait les autres danser, avec une lueur de dépit dans les yeux. Elle semblait amère, mélancolique. D’une certaine façon, elle ressemblait à Mocking Bird. Mais Clint préférait ne pas y penser. Non, ce qui l’attirait chez elle, c’était la distance qu’elle mettait entre les gens et sa personne. La manière qu’elle avait de bouger, sans jamais s’impliquer totalement dans ce qu’elle faisait. Dane avait remarqué les regards de Clint, et ça le faisait marrer.
« Rêve pas, Casanova. Vu comment elle est roulée, elle est déjà prise.
Hmm, se contenta de faire Clint .»
Il alla se changer. Quand il passait sa combinaison, il avait l’impression de changer de peau, de muer, comme un serpent. Et c’était reparti. Il se balada à l’ombre des réverbères, regardant ce qu’il se passait de louche dans les rues. A la chasse aux blaireaux, comme disait Dane. Soudain, il entendit un bruit de verre que l’on casse. Il sourit. Même ces petits enfoirés ne le laissait pas respirer. Il courût quelques mètres dans la rue, et regarda le magasin qui était en cours de vandalisation. Antiquités. Enfin un blaireau qui a du goût.
« Mais à mon avis, c’est à la caisse, qu’il en veut. Ah, le sens artistique se perd, de nos jours. »
Il rentra lui aussi par la vitrine, en faisant attention de ne pas trop marcher sur les éclats de verre brisé. Le mec n’était pas très grand, mais qu’est ce qu’il était large. Il se retourna, la bouche entrouverte.
« Jimmy ? C’est toi.
Jimmy ? Quel Jimmy ? Merde. Il avait loupé le deuxième mec. Fallait la jouer fine, alors.
« Ouais, c’est moi. »
Il fallait rester prudent. Du moment que son visage restait dans l’ombre, caché, et que sa voix était rendue méconnaissable par son chuchotement, il gardait l’avantage. Il sortit de son carquois une flèche spéciale : une flèche filet. Il avait eu l’idée de diversifier son arsenal il y a quelques semaines. Il était tombé sur un gamin qui avait volé une voiture, et pas la petite voiture, non la grosse cadillac. Et le gamin en question s’apprêtait à lui foncer dessus. Hawkeye avait été obligé de mettre fin à ses jours. Il avait été affecté par ce meurtre. Le gamin n’avait pas dix sept ans, et bien qu’être justicier évoquait pas mal de sacrifices, il ne voulait pas devenir un boucher. Il avait décidé de créer ses joujous, qu’il avait mis des heures à perfectionner, à ses heures perdues. Mais revenons en à l’autre voleur. Hawkeye décocha la flèche sur le mec et le filet s’ouvrit tout grand sur le pauvre type qui se mit à hurler comme un possédé.
« Bon. Où est le fameux Jimmy ?
- Derrière toi, connard. »
Une chaise Louis XIV s’abattit sur sa tête. Aie. Le gros black, l’ami Jimmy, crâne rasé, boucle d’oreille de merde, les présentations sont faîtes. Jimmy rigola un bon moment devant le spectacle de Hawkeye à terre, et lui donna un coup de pied là o il faut pas. L héros hurla.
« C’était juste pour savoir si t ‘en avais, garçon. »
Brusquement, il se raidit, et ses yeux se firent tout blancs. Il s’écroula. Hawkeye vit une petite aiguille à la base du coup de son agresseur. Sûrement un puissant sédatif. Il tourna la tête vers l’entrée et aperçut une silhouette féminine, sans distinguer toutefois son visage. Un violent parfum de roses vint lui envahir les narines alors que la mystérieuse inconnue parlait.
« Normalement, Faucon, j’aurais dû te buter ce soir. Mais profiter que tu sois à terre, ce n’est pas professionnel. J’espère que tu vaux ta prime. »
Et elle disparut. Comme ça. Les sirènes de police se firent entendre, au loin. Les flics avaient sûrement été prévenus par un voisin qui avait entendus des bruits anormaux dans le voisinage. Clint sortit du magasin et se posa une question.
« Qui a mis une prime sur ma tête ? »
Et une deuxième.
« Combien je vaux ? »
 
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