Auteur : Zauriel
Date de parution : Février 2007
Note : crossover avec Urban Enforcers #10
« Où tu nous emmènes, Simon ? »
Williams ne répondit pas. Il conduisait sa Porsche à toute vitesse, faisant totalement abstraction de ce que pouvaient lui dire ses compagnons. La main droite sur le levier à vitesse, la main gauche sur le volant, il laissait filer son bolide à toute allure sur la route. Avant qu’ils partent de sa résidence, il avait appelé Greer. Il s’était isolé, pour que les trois autres ne puissent pas écouter leur conversation. Il lui avait dit qu’il était désolé, qu’il serait absent pendant… un petit moment. Elle ne l’avait pas laissé terminer ses excuses. Elle l’avait coupé, lui disant qu’elle ne reviendrait plus le voir, parce qu’à chaque fois il lui faisait le coup. Ce n’était pas la première fois qu’il lui posait un lapin, il le savait. Mais il avait des obligations. Quand il avait parlé de cela, elle avait éclaté d’un rire ironique. Des obligations. Il préférait se cacher à jouer les super-héros, aux yeux de tous, plutôt que d’assumer sa relation avec une mutante féline. Elle avait terminé sur cette phrase qui, parce qu’elle avait blessé Simon au plus profond de lui-même, devait être vraie. Elle avait raccroché, en disant qu’elle ne voulait plus jamais le voir. Simon avait alors rejoint les trois autres, qui n’avaient rien dit quand ils avaient vu l’air qu’ils tiraient, et les avaient pris en voiture. Pas la peine de prendre un sac de fringues. Simon avait un studio à New York pour ses affaires sur la côte est, et ses trois comparses ne semblaient pas se poser de questions quant à la situation qu’ils auraient quand ils débarqueraient à la Grosse Pomme.
Les filles étaient à l’arrière, Clint à la place du mort. Simon ne regardait que la route. Greer. Il savait que tout ce qu’elle avait dit durant les dix minutes qui avaient constitué leur intermède téléphonique était la stricte vérité. Quand il était devenu ce super-héros que tout le monde adorait, à cause de Camilla, il avait compris que cette notoriété lui permettrait d’accéder aux hautes sphères. Il avait rencontré Greer dans un gala, pour l’ouverture de la galerie d’une certaine Julia Carpenter, artiste photographe. Greer était une mutante, née avec de la fourrure rayée qui recouvrait l’ensemble de sa peau, et une queue de lion dans le prolongement du dos. Simon était là en tant que personnalité publique, mais ne connaissait rien à la photo. Greer, elle, en connaissait bien trop. Ainsi s’étaient-ils éclipsés pour aller boire un verre. Greer l’aimait pour ce qu’il était vraiment. Elle avait vu Simon Williams, le joueur de billard, l’amateur de films noirs des années cinquante, l’amateur de philosophie. Elle avait jeté aux orties le côté Wonder-Man qui appartenait au monde entier, pour faire de Williams sa seule propriété. Mais elle n’avait pas compris qu’il avait besoin de jouer au héros. Elle cherchait quelqu’un qui pouvait être avec elle quand elle le désirait, quelqu’un avec qui elle aurait pu faire une vie normale. Mais Simon ne voulait pas ça. Alors qu’il conduisait, il jeta un rapide coup d’œil à Clint.
Serai-je capable de m’arrêter avant de devenir un meurtrier, un justicier sans repères comme lui ? Serai-je capable de ne plus sacrifier ce qui m’est cher pour cesser d’être Wonder-Man ?
Derrière lui, Camilla se pencha pour lui toucher l’épaule.
« On t’a posé une question, beau gosse. Tu y réponds, oui ou non ? »
Simon la repoussa, sans même la regarder.
« Enfin Simon, tu viens de louper la sortie pour l’aéroport. Où est ce qu’on va, merde ? »
Williams eut un rire bref et tranchant. Il inspira un long moment. Ses mains caressaient le volant et la boite de vitesse. Ses yeux ne quittèrent la route que pour regarder un instant Camilla dans le rétroviseur. Elle était nerveuse, elle ne tenait plus en place. Elle surprit son regard et il détourna les yeux.
« On ne va pas à l’aéroport. Je ne sais pas si vous l’aviez oublié, mais vous êtes recherchés. On va prendre un de mes appareils. »
Ils arrivèrent à un aérodrome d’où décollait un petit avion. Simon gara la voiture sur le parking à côté, et ils descendirent tous les trois de la porsche. Simon leur demanda de rester à l’extérieur pendant qu’il allait voir le directeur. Il revint trois minutes plus tard, un jeu de clefs en main. Puis ils descendirent sur la piste, pour pouvoir accéder aux entrepôts. Simon ouvrit la grande porte d’un seul coup. Elle grinça tout le long, et ils entrèrent. Simon alluma la lumière, et ils purent voir son appareil. Il s’agissait d’un jet privé, très fin et assez long. Le nez était une pointe, et les réacteurs étaient très larges.
« Montez. Esteban a dégagé la piste pour moi. »
Une fois qu’ils furent montés, Simon démarra. Le jet fila dans les airs. Cinq heures plus tard, ils se posaient sur une piste totalement déserte, pas loin d’un hôtel dont Simon était le principal actionnaire.
Clint sentait bien la tension qu’il pouvait y avoir à cause de lui. Simon ne faisait pas partie du même monde que lui. Pour lui, la vie de super-héros, c’était strass et paillettes, poursuivre un méchant haut en couleur, l’arrêter et le livrer à des flics admiratifs. Pour Clint, sa vie ne se résumait pas à un joyeux et bariolé carnaval. Hawkeye avait sacrifié trop de gens pour qu’il soit maintenant considéré comme un héros. Il n’aurait jamais dû devenir un tel criminel. Quand son père l’avait rappelé à New York, pour prendre sa succession et celle de son frère, il avait cru que le masque l’aiderait à devenir quelqu’un de bien. Mais tragédies sur tragédies se sont accumulées pour lui faire comprendre que se cacher derrière un masque et un pseudonyme n’arrangeait rien. Au contraire.
L’hôtel était rempli de monde. Lorsqu’ils entrèrent, le silence se fit soudainement. Angoissant. Il y eut un moment de flottement. Les hommes en smoking, et les femmes en robe de soirée, la quasi-totalité un verre à la main, les regardaient, les yeux légèrement baissés, la bouche tordue. Clint pencha sa tête pour éviter que son visage ne soit reconnu. Il avait beau être coupable d’un crime ici masqué, il avait perpétué le meurtre de Las Vegas sous son vrai visage. Tous les invités dans le grand hall, qui était surplombé d’un lustre en cristal magnifiques, ouvrirent la bouche en même temps. Leurs yeux s’écarquillèrent… Puis ce fut l’explosion. Une dizaine d’hommes et de femmes se pressèrent contre le groupe d’aventuriers. Ils ne posèrent pas un seul regard sur Clint, Camilla, ou Barbara. Les invités n’en avaient que pour Simon, qu’ils regardaient avec admiration, qu’ils pressaient de questions, à qui ils tendaient des stylos, demandaient des autographes. Simon leva les mains en signe de paix, mais rien n’y fit. Soudain, une femme prit ses lunettes, et les fit tomber par terre. Simon essaya de se cacher les yeux, mais ce fut trop tard.
« Un mutant ! Un sale mutant ! »
Ce fut la panique. Simon voulut ramasser ses lunettes, mais un gros monsieur au crâne dégarni et qui arborait de grosses moustaches les écrasa.
« On devrait vous enfermer, espèce de monstre. »
C’en fut trop. Simon prit l’homme au col et le souleva de terre. Les yeux arrogants de l’autre s’ouvrirent tout grand alors qu’il s’élevait malgré lui. Simon baissa la voix, gronda même.
« J’ai sauvé la vie de milliers de personnes depuis près de cinq ans. J’ai offert mes services à la justice. J’ai dédié ma vie à aider les gens comme vous. Alors mes yeux, de quelque couleur qu’ils soient, devraient vous inspirer un tant soi peu de respect. »
Il le reposa à terre, et regarda l’assemblée, devant lui, qui s’était reculée, et s’était formée en arc de cercle.
« Sortez de chez moi. »
Personne ne fit un geste.
« Sortez de chez moi, cria-t-il en tapant du pied. Tous ! »
Prudemment, en jetant des regards venimeux, les clients de l’hôtel sortirent. Simon les écoutait.
« Mutant, sale mutant. »
Incroyable la rapidité par laquelle un héros peut être déchu par ses admirateurs. Les quatre héros se retrouvèrent seuls dans le grand hall. Ils marchèrent vers le comptoir derrière lequel le maître d’hôtel tremblait de tous ses membres. Simon le salua. L’homme ne répondit pas, il essayait d’échapper au regard inquisiteur de Clint, qui se faisait insistant.
« Jarvis ! »
L’homme poussa un cri de frayeur en levant les bras au dessus de sa tête, en se recroquevillant.
« Tu connais Jarvis ?
- Oui, il était le maître d’hôtel du club des Damnés. Je l’ai rencontré la nuit où mon père et Shaw sont morts. »
Jarvis pleurait.
« Ne me faîtes pas de mal, monsieur. «
Simon lui prit le bras et le remit sur pieds.
« Relève-toi, crétin. »
Le maître d’hôtel essuya ses yeux. Il marmonnait, en regardant les quatre aventuriers.
« Ca suffit. Entre monsieur Whitman et vous, Barton, et l’autre démon avec des têtes de morts enflammées dans les yeux… »
Intrigués, les quatre héros firent signe à Jarvis de poursuivre. Il leur raconta alors l’histoire de l’homme qu’il avait rencontré au Majestic, pas loin de Kenston City, celui qui s’était fait appelé Daniel Ketch, un homme possédé par un démon quelconque qui s’était battu contre un prêtre assez louche devant les yeux effarés de Jarvis, quelques semaines auparavant.
« Vous n’allez pas me faire de mal ? Leur demanda-t-il une fois qu’il eut fini.
- Non, Jarvis. Tu vas nous donner deux clefs de chambre, et tu vas refuser toute nouvelle réservation, d’accord ? »
Le vieil homme acquiesça, et donna à Simon ce qu’il lui avait demandé.
Quelques minutes plus tard, Simon et ses trois compagnons étaient montés à l’étage. En rougissant, Simon avait demandé à Camilla si ça la dérangeait de parler avec lui. Barbara eut un sourire malin et entraîna Clint dans l’autre chambre. Ils firent l’amour longtemps, doucement. Barbara se demanda comment Clint pouvait être aussi doux et patient, alors que la colère courrait dans ses veines.
« Tu sais, fit-elle une fois que ce fut terminé, j’ai tout entendu quand tu parlais à Dane. »
Clint haussa les sourcils. Il sortait de la salle de bain, une serviette à la ceinture. Elle était assise dans le lit, les genoux repliés sous la tête.
« Tu voulais m’épouser. Dane t’a demandé si j’étais ta femme, et tu as dis que bientôt, je le serais. »
Clint baissa les yeux. Il ne voulait pas parler de ça. Pas maintenant. Pas tant que Breckman serait en liberté.
« Tu le pensais, Clint ? Tu étais sincère ? »
Clint fit tomber la serviette, attrapa son caleçon et le passa rapidement.
« Qu’est ce que ça peut te faire ? Tu es partie bien avant qu’on puisse en parler. Sans véritable excuse. »
Elle sauta du lit et lui répondit, nue, en le pointant du doigt.
« J’avais des affaires à régler, tu peux peut-être comprendre ça. Et puis, je me sentais mal.
- Mal ?
- Oui, je me sentais vulnérable. Tu m’as sauvé de Gyrich, puis tu as pris le temps de t’occuper de moi alors que tu combattais Proctor. Je t’avais trahi, et tu m’as quand même recueilli. Je me suis senti minable, j’ai eu besoin de prendre du recul et… »
On frappa à la porte. Barbara enfila rapidement ses vêtements alors que Clint allait ouvrir. Derrière la porte, Simon et Camilla attendaient.
« Il est quatre heures. Il faudrait peut être que l’on revoie ça au moins une dernière fois. »
Que l’on revoie ça… Simon avait du mal à croire qu’il ait pu dire ça lui-même en parlant d’une exécution pure et simple. Le couple entra dans la chambre, et ils revirent donc tous les préparatifs.
La conférence de Duncan avait lieu le soir même, à neuf heures, en pleine rue. C’était pour le moins que l’on puisse dire original. Décrié par ses opposants comme quoi il n’avait pas d’entrée pour aucune salle de la ville, Duncan avait rétorqué qu’il voulait faire son speech sur le « champ de bataille de notre temps », la rue. Et que nul homme politique n’avait besoin de se mettre au chaud pour entendre les réclamations de son auditoire. Le public avait applaudi. Duncan serait dos à la banque New-yorkaise, sur une estrade qui surplomberait la foule, afin de lancer son discours. Simon et Camilla se trouveraient dans la foule, Barbara couvrirait Clint alors que celui-ci enverrait une flèche mortelle au métamorphe.
20h58.
Il pleuvait, mais ça n’avait pas empêché des centaines de manifestants de venir assister au speech de Duncan. Indépendant, on le donnait vainqueur contre son adversaire démocrate à plus de 60 pour cent.
L’immeuble qui faisait face à la scène était fermé depuis environ deux heures pour l’événement. Clint avait assommé puis attaché le gardien qui déambulait d’un étage à l’autre et qui ne devait pas forcément s’attendre à une petite visite, vu l’air décontracté et serein qu’il affichait avant de voir surgir l’archer de l’ombre. Clint et Barbara avaient ensuite quadrillé tout l’immeuble, pour être sûr de ne pas être surpris au mauvais moment, et s’étaient enfermés dans un bureau au troisième étage.
21h.
Clark Duncan monta sur scène sous les ovations de la foule. Son sourire éclatant rayonnait, et aucun de ses supporters qui étaient présents aujourd’hui ne pouvaient se douter que cet homme était un assassin. Simon et Camilla, debout au deuxième rang, observaient à droite et à gauche si rien d’imprévu n’arrivait. Simon se pencha sur le bracelet micro qu’il portait au poignet et dit.
« C’est ok de notre côté, Clint. Et vous ? »
L’appareil grésilla un instant.
« Ca va. Bon, on est partis.
- Tu peux y aller. »
Simon cessa d’appuyer sur le micro. Dans quelques secondes, Clint allait tirer. Soudain, Wonder Man eut l’impression que quelque chose n’allait pas. Derrière Duncan se trouvaient deux hommes. L’un avait la manche droite de vde, et portait un casque de chevalier. Le second semblait émettre une quantité d’énergie phénoménale. Affolé, il appuya à nouveau sur le bracelet.
« Clint quelque chose ne va pas, ici. Il y a deux mecs, je pense que ce sont des super mercenaires. Clint, tu m’entends ? »
21h03
Dans le bureau du troisième étage de l’immeuble qui faisait face à la scène, Clint Barton faisait face à l’homme qui avait assommé d’un coup de crosse son amie. Il allait devoir faire vite. Il attrapa la lampe de bureau la plus proche et la lança sur la tête de l’intrus. Puis il reprit sa position de tire, ferma son œil droit, visa Duncan et tira. La scène se brouilla légèrement devant ses yeux. Un homme en armure protégea Duncan du projectile.
« Dane ? murmura Clint. Mais qu’est ce que tu fais ? »
L’intrus dans le bureau se releva en se frottant légèrement la tête.
« Faut qu’j’te dise. Suis content que tu sois là. Pensais que c’ serait un contrat chiant comme la pluie. Mais mon boss m’a pas déçu. T’aurais pas dû te pointer, mec. Car les Enforcers vont te botter l’cul.
A suivre dans Urban Enforcers #10