Auteur : Zauriel
Date de parution : Janvier 2006

Six heures. L’aube était pour bientôt, et Clint luttait contre une fatigue écrasante qui s’était accumulée sur ses épaules depuis le début de la nuit. Devant la porte d’entrée de l’appartement de Karla, il se remémora les derniers événements.

Dane lui avait dit que l’homme qui l’avait mutilé n’était pas motivé par l’argent. Il y avait bien pus que ça. Quelle horreur… Il revoyait encore Dane, allongé en train de se noyer dans son propre sang, à côté de son bras coupé. Il eut un haut le cœur. Qui avait bien pu faire ça ? Et comment avait-il pu approcher Dane sans que celui ci ne se doute de rien ? Un homme de la secte de feu Henry Gyrich ? Quelqu’un qui était proche de Shaw et qui voulait venger sa disparition ? Clint avait mal à la tête. Il était levé depuis près de 24 heures et n’avait cessé de combattre cette nuit. Comment allait-elle finir ?

Il frappa à la porte et attendit une dizaine de secondes. Personne. Cint fronça les sourcils. Personne ? Karla lui avait pourtant dit qu’elle rentrerait chez elle. Il frappa une seconde fois, plus fort. Il attendit encore, mais personne ne vint lui ouvrir. Intrigué par ce silence, il posa la main sur la poignée de porte et la tourna. Il poussa la porte qui s’ouvrit en un long et sinistre grincement. Il la referma de suite et appuya sur l’interrupteur. Il cligna plusieurs fois des yeux agressé par la subite lumière. Il avança dans l’entrée et son regard se porta sur un cadre qui ornait le mur de droite. Karla posait, en robe de mariée sur le parvis d’une église aux côtés d’un jeune homme qui portait un ensemble noir des plus modestes. Portait-il le même aux enterrements ? Son visage était marqué par de profondes rides d’expressions, et une sensation étrange se dégageait de son regard glacé et de son sourire commercial. Quelque chose de malsain, quelque chose de dangereux. Clint lut ensuite la légende affichée en dessous du cadre, sur une bordure doré.
Le 18 novembre 1999. monsieur et madame Andrew Breckman
Soudain, Clint ressentit une violente douleur dans sa tête. Breckman. Andrew Breckman. Le nom qui figurait sur la carte dans le porte-feuille de Batroc. Normal qu’il ait eu cette sensation de déjà vu en fouillant les poches de son adversaire. Il était passé devant cette photo auparavant, et il l’avait regardé sans vraiment y faire attention. Mais le nom était resté gravé dans son esprit. Clint porta la main à sa bouche. Oh mon Dieu…
Il entendit le parquet craquer et se tourna vers la droite. Karla, en chemise de nuit, braquait sur lui un pistolet muni d’un silencieux. Sans un mot, elle fit un signe de tête à Clint l’ordonnant ainsi de venir dans la salle à vivre. Dans un fauteuil, Andrew buvait doucement une coupe de champagne. Clint s’était arrêté, et observait du coin de l’œil Karla qui le tenait toujours en joue. A quel jeu jouait-elle ? Pourquoi lui avait-elle menti ? Hawkeye lui avait-il fait quelque chose ? Andrew posa la coupe sur la table basse et commença à parler. Malgré son aspect squelettique, il avait une voix grave et sonore.
« Comment trouvez vous ma femme ? »
Clint ne préféra pas répondre. Il ne savait rien de cet homme, exception faite qu’il était sûr et certain que c’était lui qui avait arraché le bras de Dane. L’homme se leva et se plaça derrière sa femme. Il déposa un baiser dans son cou et fit encore quelques pas dans la pièce.
« Karla joue un jeu qui m’est très désagréable, monsieur Barton. Elle tente de me fuir, et naturellement, ce n’est pas un jeu auquel un époux aime jouer. »
Karla s’était mis à trembler et Clint craignait qu’elle n’appuie sur la gâchette par inadvertance. Il eut un petit rire poli.
« Je comprends, mais j’aimerais savoir ce que je fais ici. Et je n’aime pas que l’on me menace, Andrew. »
Andrew était maintenant en train de manipuler un bibelot, un ange de porcelaine. Soudain, l’air se mit à tourner de plus en plus vite autour de lui, et Clint vit ses cheveux noirs se blondir, le corps de Breckman s’épaissir, un masque et un uniforme qu’il ne connaissait que trop bien apparaître sur lui. Clint ne se trouvait plus face à Breckman, mais face à son double Il était face à son propre reflet. Amusé, Breckman retourna s’asseoir et se resservit une coupe de champagne.
« Avez vous déjà entendu parler des mutants, Clint ? Vous permettez que je vous appelle Clint ?. »
Ce dernier acquiesça, et répondit.
« Bien sûr. C’est très à la mode dans les journaux. »
Andrew sourit.
« Oui, on défraye la chronique. Voyez vous, mon cher Clint, je suis un de ces… mutants. Je n’aime pas ce terme, mais c’est le plus admis. Je possède dans mon A.D.N un certain facteur qui fait de moi une particularité, un cas rare. Ma mutation, comme vous avez pu l’observer, fait de moi un véritable caméléon. Je suis invisible, Clint. Je suis ce que je veux.
- Je ne vois toujours pas la raison de ma présence ici.
- Eh bien, mes talents m’ont offert une certaine prestance et un charisme fou sur la scène du crime. On m’a engagé pour vous éliminer, non pardon. Pour éliminer Hawkeye et le Chevalier. Figurez vous que je m’apprêtais à jeter l’éponge. Vous n’apparaissiez que très rapidement , et je n’avais pas de temps pour vous localiser. D’un autre côté, je revois ma femme, et j’apprend qu’elle a un amant. Je le suis, enfin vous suis. Et il se trouve que vous êtes la personne que je recherchais sur les deux plans. Je zigouille votre petit copain, et vous retrouve ici. Le hasard fait bien les choses, vous ne trouvez pas ?. »
Le hasard… C’était la chance qui avait conduit Breckman à lui. Ce n’était qu’un monstrueux coup de bol. Andrew se releva.
« Bien. Karla, emmenons notre invité sur le toit. »
Karla ne bougea pas. Elle tremblait encore. Elle pleurait. Clint profita de sa confusion pour lui lancer.
« Karla, cet homme t’a fait du mal. Moi, je veux t’aider. C’est lui que tu dois buter. »
Elle vacilla un instant. Ses larmes coulaient sur ses joues.
« Je ne peux pas. Il reviendra. »
Breckman lâcha un « ha » d’approbation.
« Je reviens toujours, fit-il à l’adresse de Clint. C’est un autre de mes petits secrets. Allez, sur le toit. »

Karla était sortie la première. Elle avait le regard et le canon de son pistolet fixé sur Clint, qui sortit en second. Ils entrèrent dans la cage d’escaliers sans un mot et montèrent les quelques étages qui les séparaient du toit. Clint se demandait quel était ce manège ? Pourquoi aller sur le toit ? N’était-il pas plus simple pour Breckman de l’éliminer dans l’appartement ?
Il ne faisait pas encore jour. Il ne pleuvait plus mais de violentes bourrasques de vent soufflèrent. Aussi peu vêtue, Karla frissonna.
« Alors, Breckman, vous aimez les mises à mort en plein air ? »
L’autre ne brocha pas. Il fit un signe à Karla.
« Vas-y. tue le. »
Karla sentait ses jambes qui se dérobaient sous elle.
« Je ne peux pas, Andrew. »
Breckman reprit son apparence initiale et vint poser ses mains sur les épaules de son épouse.
« Si tu le tues, chuchota t-il, je te laisserai aller. »
Karla balaya du revers de la main les larmes qui l’aveuglaient. Elle appuya sur le détente et Clint se trouva propulsé en arrière. Breckman, s’avança et vint se pencher au dessous de lui.
« Vous n’êtes pas mort, Clint. Karla ne sait pas tirer. Vous n’allez pas mourir cette nuit. Seul mourra Hawkeye. »
Clint entendait la voix de son adversaire, mais elle semblait lui venir de très loin. Il était en état de choc, touché à l’estomac. Il avait mal et respirait avec peine. Breckman était en train de lui enlever son costume et de l’habiller avec un t-shirt aux couleurs des Yankees, un jean troué. Clint, ne pouvant plus bouger, se laissa faire, tel une poupée de chiffon. Sa tâche terminée, Breckman se pencha à nouveau et se remit à chuchoter.
« Vous tuer ne servirait à rien, Clint. Ce n’est pas à vous que j’en ai, c’est à l’autre. A ce que j’ai cru comprendre, Hawkeye existe depuis plus d’une centaine d’années. Alors si je vous tue, un autre prendra votre place. Un parent, un ami dans le secret. Mais d’ici deux minutes, les flics seront là, en hélico, et Hawkeye aura terminé sa carrière de héros. N’oubliez pas que c’est au Taskmaster que vous devez ça. »
Il reprit l’apparence de l’archer et se dirigea vers Karla
« Jette ce flingue »
Elle obéit sans discuter. Clint entendit des bruits se rapprocher. Des bruits de pâles qui coupaient le vent. Un halo blanc emprisonna le toit. Un arc apparut entre les mains de Breckman, et il décocha une flèche à Karla en pleine poitrine. Elle tomba en arrière, le visage figé dans une expression de surprise et d’horreur. Breckman, qui semblait s’amuser dans le costume de l’archer, leva les bras au ciel et s’adressa aux flics.
« Vous pensez pouvoir m’arrêter ? Vous pensez pouvoir arrêter Hawkeye ?
Avec un éclat de rire, il se précipita dans la cage d’escaliers, sans un regard pour ses deux victimes. Deux policiers débarquèrent ensuite sur le toit. L’un releva le corps de Karla.
« Oh, mon Dieu. La flèche l’a transpercé de part en part »
Le deuxième était parti à la poursuite de ce cinglé déguisé, et s’était arrêté net en voyant Clint allongé quelques mètres plus loin.
« Il y a un mec, là. »
Clint l’entendit et ouvrit les yeux avec peine. Les flics s’affairaient autour de lui, le jour se levait. L’aube, enfin.