Couverture : Rirox
Histoire : Ben Wawe
Date de parution : Janvier 2005
Le néant. Il n’y avait que le néant, le noir, le sombre. Un véritable océan de noirceur. C’était impressionnant. Il n’y avait rien d’autre que du noir. Rien. Le néant le plus absolu, et le plus affolant. C’est dingue comme on a peur quand voit cela. La peur. Je connais cela. Certainement mieux que beaucoup de monde. J’ai eu peur dernièrement. J’ai eu peur quand on m’a tiré dessus, quand j’ai eu mes pouvoirs (seigneur, que c’est bizarre de dire cela…d’ailleurs je parle ou je pense ? Je n’en sais rien…), quand j’ai affronté ce robot, quand Max est mort, quand j’ai perdu le contrôle, quand j’ai tué, quand Fanny m’a trompé, quand mes parents sont morts et quand moi…je suis mort.
Je suis mort, non ? Cela ne peut-être que cela…je dois être au purgatoire ou un truc dans le genre. On ne survit pas à des « griffes » dans le corps. C’est dingue quand même…ma vie est pas la plus simple…je suis mort. Bon. Et ensuite ? La mort, c’est pas si dur…bon, à moins que je reste là tout le temps, cela sera long quand même…
Alors que j’essayais de me déplacer, une intense lueur blanche grandit à l’horizon, si rapidement et si intensément que j’en fus aveuglé. Je ne pouvais rien voir du tout, c’était trop intense. Puis vint la douleur.
J’avais mal. Très mal. C’était horrible. A peine mon torse se soulevait-il pour respirer que mon ventre criait le mal que je lui faisais. Je voulais crier, mais rien ne s’échappait de ma gorge, comme si elle était nouée. Je ne voyais rien et j’avais mal. Super. Pourquoi j’avais dis avant que la mort c’était pas si dur ?
Puis la vue me revint. Lentement. Comme si on m’ouvrait les yeux avec un pied de biche. Je dois vous avouer que c’est assez douloureux…mais finalement je pus voir ce qui m’entourait. Et je fus très surpris.
Une sorte d’hôpital de fortune. De vieux lits, une salle immense, des gémissements, des bandages, une odeur de médicament et de sang, et des murs décrépis. Wow. On aurait dit un de ces lieux dits « hôpital » qui existaient pendant les guerres. C’était très impressionnant. Alors que je commençais à me réveiller, une sorte d’infirmière, très jolie d’ailleurs, me parla avec un accent européen. Allemand, sûrement.
« Ca va ?
- Euh nan pas trop…j’ai mal au ventre…et où je suis ?
- Ne parlez pas trop. Votre blessure se rouvre encore parfois, mais cela va mieux. Vous avez échappé au pire.
- Pourquoi ?
- Vous avez failli mourir…heureusement qu’on vous a amené là à temps.
- Qui m’a amené ? Et où on est ?
- Du calme, vos blessures vont se rouvrir. Un homme vous a amené. Il a dit qu’il reviendrait dans quelques jours. Et nous sommes dans un dispensaire secret. Ici sont soignés les victimes des guerres des gangs ou des agressions, ceux qui ne peuvent aller à l’hôpital. Je vous laisse, je reviendrais après. »
J’avais encore d’autres questions à lui poser, mais elle était déjà partie. Où étais-je donc tombé ? Qui était celui qui m’avait amené ici et sauvé la vie ? Le gars à la coiffure étrange ? Non, il m’aurait pas soigné pour me tuer après…
Alors que ces questions me hantaient, je sombrais dans l’inconscience, submergé par la douleur et la concentration pour penser…
J’étais à nouveau dans le néant. Mais c’était étrange. Certaines formes en émergeaient parfois. Je n’étais plus seul. D’autres êtres humains semblaient aussi dériver. Mais je ne pouvais ni leur parler, ni aller vers eux. Qu’est-ce que c’était que ce truc ? Mais plus j’y pensais, plus c’était évident : j’étais dans le coma, et les autres aussi. Mais pourquoi est-ce que moi je me souvenais de ce qui m’arrivait dans cet instant alors que les autres non ? Ou bien ne disaient-ils rien ? Mais pourquoi ?
Encore des questions…c’est fou le nombre de questions qu’on se pose quand on a rien d’autre à faire. Ah, enfin. La lumière. Elle était moins intense que la dernière fois, c’était déjà ça. Je me retrouvais encore une fois dans ce lit crasseux et bancal, mais la douleur au ventre était moins forte. Je pouvais un peu bouger, et la concentration pour penser était moins forte. Du mieux, je le reconnaissais.
C’était la nuit. Tout était silencieux. Les malades et blessés dormaient ou étaient inconscients. Il y avait parfois quelques râles, mais c’était tout. Je ne voyais plus le ballet incessant des infirmières d’avant. Cet endroit, cet immense endroit était calme et mort. Très flippant, d’ailleurs.
Alors que je tentais de prendre le verre d’eau qui était sur une sorte de petite table de nuit, je vis quelque chose bouger dans la nuit. Mes yeux s’étaient habitués aux ténèbres, et peu à peu je vis une forme. Grande, forte. Elle rayonnait de puissance bien qu’elle soit toute noire. Elle semblait glisser sur le parquet que je devinais froid. Elle regardait lentement chaque malade, comme si elle cherchait une victime…puis elle me vit.
En un instant, elle fut devant moi, et ce que je vis alors, je ne l’oublierais jamais : la chose était faite de ténèbres, et elle avançait ses longs bras forts vers moi pour me happer, et je ne pouvais rien faire…