Histoire : Ben Wawe
Date de parution : Avril 2006
Aéroport John Fitzgerald Kennedy. New York.
Théâtre d’arrivées et de départs massifs chaque jour. Pour les vacances, le travail, les loisirs. Un aéroport normal, avec des voyageurs pressés et stressés à cause du retard des avions et des réservations pas toujours sûres. Un personnel entraîné depuis cinq ans maintenant à tirer à vue au moindre barbu suspect, et à lancer des regards noirs à quiconque semble avoir envie de poser une bombe ou de détourner un avion. Un aéroport normal, donc.
Trop normal, peut-être, pensa le jeune homme qui marchait tranquillement sur les dalles de l’accueil du bâtiment. En souriant, il se dit que cela ne durait jamais à New York…la ville était trop étrange pour qu’on la qualifie de normale très longtemps.
D’une taille moyenne, les cheveux teints en noir, il semblait être l’archétype de ce qu’on appelait « l’adolescent pseudo rebelle classique » : pantalon noir avec chaîne sur le côté, t-shirt avec un A rouge cerclé d’un rond de la même couleur, cheveux en l’air grâce au gel, et un regard noir pour tous ceux qui osaient croiser ses yeux. Un jeune homme normal, donc, dans un aéroport normal, comme on pouvait le croire à première vue.
Mais il ne faut jamais se fier aux apparences…jamais.
Non, ce n’était pas un aéroport normal. JFK avait fait l’objet de deux attaques brutales en moins de deux ans, et les deux avaient fais des victimes. De nombreuses victimes. Le dernier attentat du CLT, une secte scientifique, avait coûté la vie à des centaines de personnes. Et le mémorial posé devant le bâtiment rappelait à tous ceux qui y entraient que les Etats-Unis n’étaient plus un endroit sûr, si tant est que certains l’avaient oubliés.
Et ce n’était pas non plus un adolescent normal, qui entrait maintenant dans un taxi. Son passé ? Un enchevêtrement monstrueux de morts, drames, trahisons et de violence. Son avenir ? Inconnu. Son nom ? Ben Reilly. Spider Man.
Enfin, Spider Man…il l’avait été. Jusqu’à ce qu’il abandonne cette deuxième peau qui voulait le contrôler et le forcer à tuer. Jusqu’à ce qu’il soit à deux doigts de dépasser la limite entre le Bien et le Mal. Jusqu’à ce qu’il ait la plus grande peur de sa vie…mais il n’avait pas tué. Il s’était arrêté avant. Envers et contre tout, Ben était resté fidèle à sa vision et à ses valeurs. Et c’est tout ce qui avait compté, sur le moment.
Evidemment, cela ne pouvait durer. Après une rapide escapade à Paris pour retrouver la famille de sa mère, finalement entièrement décédée, et où il avait trouvé un ami et un allié en la personne d’un héros local, le jeune homme avait eu le blues de son New York et…de ses amis. Et surtout de Gwen.
Gwen…
Rien que penser à son prénom remplissait d’amour et de honte l’adolescent. Il l’aimait, oui. Plus que tout ? Ah, totalement. Mais il l’avait trahit. Encore une fois, il avait abandonné celle qu’il aimait, et n’avait pas été à la hauteur. Trop de fois, Ben avait eut ce sentiment de culpabilité : à la mort de Max, à celles de ses parents, lorsqu’il repensait à Fanny et à Michael, quand il pensait aux victimes du CLT à son retour d’Australie, et quand il revoyait le visage de Georges Stacy, mort par sa faute.
Beaucoup de personnes avaient soufferts ou péries par sa faute. Parce qu’il n’avait pas osé prendre ses responsabilités, être vraiment un Homme. Pas un héros, non. Simplement un Homme. Et ce qu’il n’avait fait avant, il allait le faire maintenant.
De retour à New York, le jeune homme avait des projets…beaucoup de projets. Tout d’abord, aller s’excuser chez Gwen. Et chez les autres, aussi. Il avait laissé tomber le groupe…alors qu’il s’était défoncé pour en faire partie. Il aimait pourtant jouer de la batterie, mais bon…Ben avait eu d’autres problèmes et priorités, à l’époque. Mais il était temps que ça s’arrête, maintenant, et qu’il vive sa vie. Même si il devait sacrifier l’autre facette de sa personnalité…
Ensuite, après ça, reprendre les cours. Il ne pouvait rester indéfiniment en barman du Trasher…enfin, si les Stacy le reprenaient encore, ce qui n’était pas certain du tout. Maintenant que l’avocat Nelson avait réglé ses papiers et que son existence était de nouveau légale, l’adolescent était prêt pour reprendre le cours de sa vie : cours, amis, groupe de musique et petite copine.
Oui, il était prêt désormais.
Et rien n’allait l’empêcher de faire cela.
Je m’appelle Michael.
J’ai oublié mon nom de famille.
J’ai oublié qui j’étais avant de devenir l’être parfait que je suis aujourd’hui.
Car oui, je suis parfait. Je suis fort, endurant, rapide et mon corps peut faire des choses qui ne viendraient même pas à l’idée du meilleur athlète de la planète. Je suis invincible, je suis l’arme parfaite. Rien ne peut m’arrêter.
Pourtant, je n’ai qu’une cible. Alors que mes Maîtres pourraient m’utiliser pour massacrer une population entière en une journée, ils préfèrent que je n’aie qu’une personne à abattre. Reilly. Ben Reilly.
Un simple adolescent aux vagues pouvoirs hérités d’un Dieu Païen. Il semble même qu’il a perdu ses pouvoirs, et qu’un autre a prit sa place. Ce n’est pas grave. Je tuerais les deux. Et quand j’aurais rayé de la surface de la Terre les deux hommes sous le masque de Spider Man…alors le Scorpion régnera enfin sur le monde. Comme ça devrait être le cas, dans le meilleur des mondes.
Lower East Side.
Le bar Trasher, situé près du fleuve.
Maison des Stacy, Gwen et Anna. Fille et mère. Orpheline et veuve d’un homme bon et honnête qui avait disparut depuis quelques semaines, déjà. Elles avaient compté sur Ben Reilly pour les aider à traverser ce cap, et se relever de cette épreuve. Mais ses deux absences furent prises comme un abandon, et depuis les deux femmes ne voulaient plus revoir l’adolescent.
Même si, au fond d’elles-mêmes, elles l’aimaient toujours et se faisaient du souci pour lui…
Mais ce qu’il n’avait pas fait avant, Ben voulait le faire maintenant. Evidemment, les retrouvailles allaient être brutales…mais il le fallait. Il ne pouvait vivre sans Gwen. Il ne pouvait vivre sans foyer, sans attache. Et après être partit en Europe…le jeune homme savait maintenant que ce dont il avait besoin était en face de lui. Le bar Trasher. Son foyer.
Après avoir longuement hésité, l’adolescent décida d’entrer. Faisant sonner la petite clochette, celui qui ne portait sur la hanche qu’un simple sac en bandoulière acheté rapidement avant de partir à Paris se demandait quelle allait être la réaction de Gwen. Joie ? Tristesse ? Colère ? Rage ? Les deux dernières allaient certainement être les bonnes…et il ne l’aurait pas volé.
Mais le jeune homme aurait préféré se faire frapper cent fois par celle qu’il aimait au lieu de voir ce qui se déroulait à l’intérieur du bar. Car la vision qui s’offrait à ses yeux était de celles qui brisaient les cœurs, et faisaient fondre les illusions comme neige au soleil.
« G…Gwen ? Harry ?! »
Sur un des canapés du bar, Gwen Stacy et Harry Osborn. Enlacés. Couchés l’un sur l’autre. Leurs lèvres collées dans un sulfureux baiser. Leurs mains visitant les hanches, poitrines et cuisses de chacun. Des préliminaires à un acte sexuel pour deux adolescents consentants et en chaleur. Un cœur brisé en mille morceaux pour Ben Reilly.
Dès qu’ils entendirent sa voix, les deux « amis » de celui qui se faisait appeler avant Spider Man se tournèrent vers lui, et faillirent tomber de leur couche précaire. Une immense expression de surprise s’afficha sur leurs deux visages, tandis que Gwen remettait machinalement son soutien gorge à sa place.
Ben, lui, n’en croyait pas ses yeux et ne voulait pas croire à la scène qui se déroulait devant lui.
« Ben…c’est toi ? Tu…tu es revenu ?
- Euh…oui…oui…Je…je dérange, apparemment…
- Ouais, Reilly…Tu déranges ! »
Si les voix de Gwen et de Ben avaient été tremblantes sous l’émotion, celle de Harry avait été violente et dure. Une expression de colère non feinte sur le visage, le jeune homme se releva et s’approcha de Reilly. Celui-ci pu alors observer que son « ami » avait rasé son crâne, et qu’il faisait monstrueusement skin head ainsi…
« Ah ? Je suis plus le bienvenue ici ?
- Nan, j’crois pas ! Alors dégage avant que je m’occupe personnellement de ton cas !
- Ah ouais ? Et tu vas faire quoi, Osborn ? Me piquer ma copine dans mon dos et jouer au roquet après en te la pétant ? Trop tard, tu le fais déjà… »
Reilly était piqué au vif.
Déçu par l’attitude de Gwen, énervé par les mots de Harry, et fatigué par le voyage et la tension des dernières semaines, l’adolescent n’en pouvait plus. Et il avait une immense envie de se lâcher contre cet imbécile…de s’énerver et de gueuler contre ce crétin, chose qu’il n’aurait jamais fait avant. Mais avant, il avait gardé en lui toutes ses rages. Et ça s’était mal terminé…
« Joue pas ton fier, Ben…Tu te casses en laissant Gwen et sa mère toutes seules, sans parler du groupe ! Si tu veux te la jouer solitaire, ok ! Mais laisse pas tomber ceux qui dépendent de toi et avaient confiance en toi…
- Si tu vis un jour le tiers de ce que j’ai vécu, Osborn, tu pourras parler. Parce que c’est facile de parler quand son père achète un appart’ pour son fils chéri et qu’il le subventionne chaque mois, hein…
- Ta gueule ! »
Osborn voulait donner un crochet du droit en plein dans la mâchoire de Ben, mais celui-ci l’esquiva facilement. Il fut content de voir que son sens d’araignée ne l’avait pas totalement abandonné : si il avait perdu la majorité de ses pouvoirs, au moins il lui restait quelques petites capacités bien utiles…Et prévoir les coups dix secondes à l’avance était vraiment quelque chose d’utile dans un combat.
Reilly sourit alors. Il se voyait déjà mettre un immense uppercut dans la mâchoire de Harry, et enchaîner après avec un coup dans le ventre. Avec ça, ce crétin serait immobilisé, et le jeune homme pourrait alors réfléchir à ce qu’il pourrait faire.
Oui…c’était un bon plan. Qui ne fut jamais appliqué, malheureusement.
En effet, alors que Ben allait donner son premier coup sous le regard terrifié d’une Gwen qui était immobilisée par la surprise, quelque chose bondit dans le bar et agrippa Harry Osborn. Ni Ben, ni Gwen ne purent voir ce que c’était, mais cette chose était sombre, allait très vite et se déplaçait avec une grâce et une légèreté impressionnantes. Le jeune homme n’eut même pas les réflexes pour l’arrêter ou le voir…et c’était une situation assez désagréable pour lui.
Reilly eut même la désagréable impression de voir une image d’une des cassettes vidéo relatant ses exploits quand il était Spider Man. Mais il chassa vite cette idée de son crâne, voulant se concentrer sur ce qu’il venait de se passer…et refusant surtout de penser à ce genre de choses.
« Ha…Harry !!! Harry !!! Où est Harry ? Qu’est-ce que t’en as fais, putain ? Qu’est-ce que t’en as fais
»
Une Gwen hystérique se jeta sur Ben, qui fut stupéfait de l’attitude de celle qu’il aimait. Qu’est-ce qu’elle avait ? Elle semblait être devenue folle…et ça ne ressemblait pas du tout à la jeune femme qu’il connaissait. Mais peut-être que les événements de ces dernières semaines avaient altérés sa santé mentale…
L’adolescent ne su quoi répondre face à la furie de la jeune Stacy, qui frappait avec force sur son torse. Des larmes coulaient le long de ses joues, et il voulut la prendre dans ses bras pour la consoler…mais il ne reçut en réponse qu’une gigantesque et violente gifle.
« Ne me touche pas ! Tu m’as abandonnée ! Tu nous as abandonné ! J’avais confiance en toi ! Je croyais en toi ! Je t’aimais ! Et toi, qu’est-ce que tu as fais ? Tu es parti ! Parti ! Comme la dernière fois ! Comment as-tu osé, Ben ? Comment as-tu osé me faire ça ? Dire que je croyais que tu m’aimais…
- Mais…mais je t’aime…
- Tais-toi ! Tais-toi ! Ne m’adresse plus jamais la parole ! Je ne veux plus jamais te revoir ! Sors d’ici ! Sors d’ici !!! »
Ben se prit une autre gifle, mais ne dis plus rien.
La mort dans l’âme, les yeux baissés, l’adolescent sortit du bar Trasher, ne sachant pas quoi faire. Gwen…Gwen ne l’aimait plus. Pire encore, elle le détestait certainement. Et encore pire, elle était avec Harry…Harry qui était normalement un de ses « amis »…et qui l’avait trahit. Comme Michael l’avait fait avec Fanny…l’autre femme de sa vie. Simple coïncidence ?
Reilly ne croyait pas aux coïncidences…
Que pouvait-il faire, maintenant ?
Plus d’amis, plus de Gwen, plus de foyer…et presque plus de pouvoirs. Les choix étaient minces…mais Ben Reilly savait au moins une chose : il aimait Gwen. Et il voulait son bonheur. Et si, pour ça, il devait retrouver Harry Osborn et le sauver…il le ferait. Même si ça lui coûterait énormément, et qu’il le regretterait à jamais, il irait chercher son ancien ami pour le ramener à celle qu’il aimait. Il le devait bien à Gwen…
En soupirant, l’adolescent se dirigea donc vers une ruelle sombre. Il connaissait ce quartier comme sa poche, et s’était changé des dizaines de fois en Spider Man dans ces quelques mètres. Mais beaucoup, beaucoup de choses avaient changées, depuis. L’adolescent n’avait plus sa deuxième peau noire. Il n’avait plus ses pouvoirs extraordinaires. Mais même avec ses maigres capacités, il irait chercher Harry. Et le trouverait.
Ben fut dans l’ombre d’un immeuble, chercha alors dans ses poches un bout de tissu rouge et noir. Quand il le toucha, il su que sa vie allait de nouveau reprendre son cours « normal »…il su que tout allait recommencer, certainement…mais il le devait à Gwen. Et le bonheur de celle qu’il aimait passait avant tout…