Auteur : Ben Wawe
Date de parution : Juin 2005
Il pleuvait en cette triste journée new yorkaise dans le cimetière de Manhattan. Plusieurs dizaines de personnes étaient rassemblées autour de cette tombe où dégoulinaient l’eau de pluie et la boue, le cercueil devenant de plus en plus lourd. Des reniflements et des pleurs se faisaient entendre, et pas uniquement parce qu’il faisait froid et que beaucoup étaient mal. Le mort était aimé, respecté. Il était un Homme dans le plus grand sens du terme : toujours là pour ses amis, sa famille, son quartier. Et il était mort.
Georges Stacy était mort. Et c’était de sa faute. Ces mots, Ben Reilly n’arrêtait pas de se les répéter dans sa tête. Et même si Gwen avait essayé de lui dire que non, ce n’était pas sa faute, que cela était arrivé ainsi, par le hasard, le jeune homme savait que non. On avait pas tué Georges pour la caisse du bar ou par vengeance. On l’avait tué pour atteindre Ben Reilly, Spider Man.
Alors que l’eau dégoulinait sur son imperméable noir vers son costume sombre lui aussi et que le liquide de pluie descendait doucement le long de sa colonne vertébrale pour mouiller ses hanches, Ben laissa dégouliner quelques larmes le long de ses joues. Il était encore une fois responsable de la mort de quelqu’un. Encore. Max. Ses parents. Et d’autres sûrement, mais sa mémoire lui jouait des tours. Pourquoi tout cela lui arrivait-il ?
« Ben ? »
Gwen le tira de sa rêverie. Gwen, sa douce Gwen. La femme de son cœur. Malgré la tristesse et le temps mauvais, son visage avait toujours ce petit quelque chose qui faisait fondre le jeune homme. Elle était si belle, si pure, si innocente…comment avait-il pu lui faire cela ?
« Oui ?
- C’est terminé, on rentre… »
Ben acquiesça et suivit sa petite amie et sa mère. Elles étaient seules maintenant…Anna Stacy pourrait s’occuper du bar, mais pourrait-elle assurer maintenant une éducation décente à sa fille ? Il y avait de gros risques que Gwen ne devienne perturbée et fasse des bêtises, de grosses bêtises…mais l’adolescent ne la laisserait pas faire. Ça non. Il n’avait pas été là pour sauver Georges, et celui-ci était mort par sa faute, mais Ben jura que plus jamais on ne toucherait aux Stacy, plus jamais…
Quelques heures plus tard, il ne pleuvait plus mais la tempête dans le cœur du jeune homme sur le toit du bar des Stacy n’était pas prête de s’arrêter. Il était assit sur le rebord et regardait la rue, réfléchissant aux derniers événements et à leurs conséquences. Etait-ce de sa faute ? Attirait-il le malheur et la douleur ? Il s’était déjà posé ces questions, et il pensait en être guéri. Cruelle désillusion…
La porte s’ouvrit alors et rien qu’à sa respiration, au bruit de ses pas et à son parfum il su qui c’était. Pas besoin des pouvoirs de Matt pour savoir comment est l’élue de son cœur, pensa Ben tandis que Gwen passait ses bras autour de son en se mettant derrière lui. Elle commença lentement à caresser son torse avant de parler d’une voix douce.
« Je sais ce que tu penses mais c’est faux. Ce n’est pas de ta faute.
- Si, et tu le sais…depuis que je suis avec vous vous avez des malheurs...
- Ne dis pas de bêtises. Depuis que tu es là nous étions très heureux, et surtout moi…
- Peut-être, mais ton père est mort par ma faute…
- On ne le sait même pas ! La police n’a même pas encore fini son enquête ! »
Ben soupira et se retourna en souriant tristement.
« Gwen, tu crois vraiment que Georges Stacy, simple habitant de Manhattan et gérant d’un bar, aurait pu s’attirer assez d’ennuis pour se faire tuer par un sniper ? Nan, je crois pas…on m’en veut, on nous en veut…et je peux te dire que ceux qui nous en veulent vont le regretter…
- Nous ? Mais de quoi tu parles ? »
Le jeune homme caressa sa joue.
« Je t’expliquerais plus tard… »
Il sourit et l’embrassa avec passion durant de longs instants jusqu’à ce qu’ils entendent la porte s’ouvrir lentement. Avec une grande rapidité, les deux adolescents arrêtèrent leur baiser pour que madame Stacy ne découvre pas encore leurs sentiments.
« Bonjour les enfants ça va ? »
On voyait que Anna Stacy avait les yeux rouges. Elle avait beaucoup, beaucoup pleuré mais cela semblait terminé. Elle devait se reprendre pour que sa fille et Ben se sentent en sécurité, comme avant. Et elle avait un commerce à faire tourner.
« Oui, maman, ne t’en fais pas.
- Bien, ma chérie. Et toi Ben, ça va ?
- Oui, oui…
- Bon, n’oublie pas que tu as rendez-vous chez l’avocat pour tes papiers.
- A quelle heure ?
- Dans une demi heure.
- Ok.
- Gwen va t’accompagner. Bon, sur ce je dois vous laisser, à plus tard et faites attention au bord… »
Elle referma la porte et laissa les deux amoureux ensemble. Dès qu’ils furent seuls, Gwen alla se blottir dans les bras de Ben, recherchant à le réconforter et à être réconfortée…
« Je vais venir avec toi…
- D’accord. »
Il caressa ses cheveux doucement avant qu’ils n’échangent un long et très bon baiser.
Une heure plus tard, ils étaient dans le bureau de Foggy Nelson, un petit bureau assez sympathique dans un immeuble plus de première fraîcheur mais qui était potable dans le quartier. Foggy était le principal avocat de Hell’s Kitchen. Hell’s Kitchen pensa Ben…un des pires quartiers de New York, apparemment surveillé par un démon…le jeune sourit en repensant à quoi avait ressemblé le démon avant qu’il ne devienne ce qu’il est…
« Votre père m’avait parlé de cela avant qu’il ne…euh…enfin avant ce tragique événement. Cela sera difficile, Miss Stacy et Monsieur Reilly. Falsifier des documents est très dur, surtout quand il s’agit des registres des compagnies d’aéroport et de la police.
- Donc ça ne valait pas la peine que l’on vienne ?
- Difficile n’est pas impossible, Miss. Ça sera dur, mais je vais y arriver. Il faudra un peu de temps, bien sûr…
- Combien ?
- Deux, trois semaines environ. Et après vous pourrez reprendre une activité normale, Monsieur Reilly.
- On vous doit combien ?
- Laissez. Georges était un grand ami. Sa mort me plonge dans un grand chagrin et vous faire cela, c’est un peu comme accomplir sa dernière volonté…
- Merci en tout cas.
- De rien. »
Ben et Gwen se levèrent et serrèrent la main de Nelson. Tout s’était assez rapidement passé et cela était étrange pour le jeune homme, lui qui était habitué à galérer tellement…mais il n’allait pas cracher sur un peu de calme et de facilité, quand même. En souriant, ils sortirent du cabinet et commencèrent à rentrer dans le Lower East Side.
Trois heures plus tard, le toit du bar. Les clients étaient déjà nombreux et Anna et Gwen avaient décidés de ne pas fermer le commerce pour la mort de Georges. La chose dont elles avaient le moins besoin actuellement étaient de se retrouver seules dans les endroits qu’affectionnait tant celui qui était mort…
Ben avait eu la permission de faire ce qu’il voulait. Il n’avait pas envi d’aider les Stacy car il n’avait tout simplement pas envi de voir du monde ce soir. Il devait se libérer, se relaxer, faire sortir l’énergie, la peur, la douleur en lui. Georges n’était pas de sa famille, mais il l’avait accueillit comme un fils. Et même si ils se connaissaient depuis peu, l’adolescent pleurait aussi sa mort…
Lentement, alors que le vieil Herman entrait dans le bar pour prendre une pinte bien fraîche comme chaque soir, Ben activa son costume qui masque sa peau et ses habits sous l’épaisse couche noire et blanche. Le jeune homme ne comprenait pas bien ce que c’était, mais ses ancêtres lui disaient d’avoir confiance…pourquoi ne les écouterait-il pas ?
Spider Man tira un mince fil de toile sur un immeuble voisin et s’envola dans le vide, sautant de fil en fil, de toile en toile, entre les immeubles du Lower East Side puis des autres quartiers de Manhattan, courant sur le toit de l’Empire State Building, slalomant entre les arbres de Central Park et tournant autour des bâtiments de Greenwich Village.
Après une heure environ d’amusement, le jeune homme s’arrêta sur le toit d’un immeuble de l’autre côté du Lower East Side. Cela faisait du bien, pensa-t-il, de se dépenser ainsi, de se laisser griser par la vitesse, par le vent, par le défi donné à l’apesanteur pour oublier tous les soucis…ah, si tout pouvait partir aussi facilement et si cet état pouvait durer longtemps…
Alors qu’il se relevait pour partir, Ben entendit des coups de feu. Beau calibre pensa Spider Man tandis qu’il sautait dans le vide pour se raccrocher à une de ses toiles et pour se déplacer vers l’endroit où cela tirait. Il y a peu, il s’était rendu compte qu’il ne vivait pas à fond son rôle de justicier, de protecteur. Le jeune homme s’était juré de changer. Il allait en avoir l’occasion.
C’était un braquage qui semblait bien tourné jusqu’à ce qu’un garde se réveille ou n’arrive et ne veuille arrêter les voleurs. Ils étaient au nombre de cinq : deux gamins de l’âge de Ben, un homme de 25 ans environ, un homme de 30 ans certaine et un homme assez étrange, avec une sorte de masque blanc et noir sur la tête. Ce type, qui était le patron car il donnait les ordres, portait une combinaison noire des forces spéciales apparemment, avec deux Beretta sous chaque aisselle et des harnais sur le torse. Il portait aussi un long sabre dans le dos et parlait d’une voix étouffée par le masque et très bizarre, mais étrangement familière pour l’adolescent…
« Dépêchez-vous ! On n’a pas que ça à faire ! La connerie de Witters a dû alerter le voisinage et la police va venir ! D’ailleurs, Witters vient ici. »
Un des deux jeunes qui avaient l’âge de Ben s’approcha, un peu tremblant. Ça devait être lui qui avait tué le garde, et il avait peur qu’on ne le punisse pour son erreur. Son chef le regarda de longs instants, et en un clin d’œil, il sortit son sabre et lui coupa la tête d’un coup sec et propre ! La tête roula quelques instants sur le sol avant que le sang ne commence doucement à couler tandis que les autres membres du groupe se mettaient encore plus vite au travail et que leur chef rangeait son arme.
Un fou, pensa Spider Man. C’était un fou psychopathe…il fallait qu’il l’arrête. Il tissa une toile sur le toit de l’entrepôt qu’ils étaient en train de dévaliser quand son sens d’araignée le chatouilla. Il y avait quelque chose…quelque chose de mauvais et de pas normal. Son instinct lui criait de sauter, de partir mais son cerveau refusait. Pourtant, il obéissait toujours à son instinct, mais il ne voulait pas fuir…
Soudain, le chef des voleurs se tourna vers lui et sortit ses flingues avant de faire feu dans sa direction. Tandis que Spider Man évitait avec adresse les tirs en sautant vers le toit d’en face et avec plusieurs acrobaties aériennes, il se demandait comment ce dingue avait pu le repérer. Depuis qu’il avait ce costume, il était devenu le roi de la discrétion, et dans la nuit personne ne pouvait le voir. De plus, il n’avait pas fait un bruit qui aurait pu révéler sa présence ! Ce n’était pas logique, et cet être était dangereux, très dangereux…
Ben se nicha dans un petit coin sombre et attendit la suite des événements. Si ce type avait réussit à le voir alors qu’il était dans l’obscurité et qu’il ne savait pas qu’il était là, il était encore plus en danger maintenant qu’il savait qu’il était là et qu’il connaissait approximativement là où il se trouvait. La tactique à faire maintenant était d’attendre qu’on vienne le chercher pour piéger ses agresseurs…
Après quelques instants à attendre, Spider Man se releva et voulut aller vers le rebord du toit pour voir où étaient les voleurs, quand il entendit le cliquetis du cran d’un flingue qu’on enlève pour tirer. La voix étouffée et bizarre d’avant se fit de nouveau entendre.
« Heureux de te revoir, Spider Man… »
Et soudain, Ben se rappela où il avait déjà entendu cette voix si étrange et particulière : cela faisait plus d’un an, sur l’antenne de CNN, et c’était la voix d’Adam, le robot qu’il croyait disparu…