Histoire : Ben Wawe
Date de parution : Janvier 2006
La voiture du commissaire Jones zigzaguait inlassablement dans les rues de New York.
Aux côtés du jeune Kassady, le vieil homme tentait vainement de retrouver la trace de ce monstre, de ce serial killer qui traquait sans relâche ses proies dans la ville et massacrait tous ceux qui osaient se mettre au travers de son chemin. Un frisson parcourut le flic tandis qu’il se rappelait les visions des corps retrouvés quelques heures auparavant…
Le flingue était posé devant Jones, entre le volant et les indicateurs de vitesse et d’essence. Il était prêt à chaque instant à l’utiliser, à poser ses mains fatiguées et vieillies dessus pour faire cracher la mort par son long tube métallique. Ce fou était trop dangereux pour le laisser en liberté. Trop de personnes avaient subies ses horreurs, quelqu’un devait l’arrêter…
« Commissaire ? »
Jones se tourna alors vers son jeune compagnon. Il semblait aussi nerveux et anxieux que lui, mais il n’arrivait pas à le cacher autant que son supérieur. On voyait sur son visage sa peur et son angoisse, ce qui n’était jamais bon pour un flic en patrouille dans New York.
« Oui ?
- Je…qui c’est, ce type ? Avec…avec ce qu’il a fait…c’est pas humain…c’est pas possible…
- Non. C’est vrai. Ce n’est pas un humain… »
Comment un homme pouvait-il massacrer à mains nues des innocents ?
Comment un être humain pouvait-il faire si peu de foi de ses congénères ?
Comment pouvait-on devenir si inhumain ?
Ces questions dansaient dans le cerveau du commissaire tandis qu’il réfléchissait à ce qu’il avait apprit de ses supérieurs. C’était Classé Secret défense et il ne devait en parler à personne, mais…mais Kassady s’était porté volontaire pour l’accompagner dans sa « chasse ». C’était le seul à l’avoir fait, le seul à avoir osé sortir du commissariat quand le chef avait demandé des renforts. Il risquait sa vie pour son devoir, pour son idéal de justice.
Il méritait de savoir.
« Même si c’est un homme. Un de nos hommes, même. Un soldat américain, pour être exact.
- Qu…quoi ? »
Kassady était stupéfait.
Il avait imaginé des dizaines de scénarii dans son crâne, mais jamais le jeune homme n’aurait pu penser que ce monstre était un soldat américain…ce n’était pas possible ! Les soldats de son pays étaient des êtres purs et courageux, qui sauvaient toujours ceux qui le méritaient et punissaient les criminels et coupables de monstruosités…ce dingue ne pouvait être l’un d’entre eux !
« Oui. Un soldat de l’US Army. Un tueur d’élite, un de ceux envoyés partout dans le monde pour supprimer ceux qu’on apprécie peu ou qui nous dérange de trop. Les inutiles ou énervants, en somme. Je sais que, vu ton passé et ta famille, tu auras du mal à accepter cela ou tu ne le feras peut-être pas, mais c’est la vérité. Tu dois me croire.
- Euh…je…c’est…
- Laisse-moi finir, je te prie. Il était un de nos tueurs, donc. Seulement, cet homme, ce soldat, Sergei Kravenikoff…
- Hein ? Mais c’est quoi ce nom ? Ca vient d’où ?
- D’origine russe, je crois. Mais ce n’est pas ça qui est important. Il a été envoyé en Afrique pour tuer un dictateur. Au Rwanda, je crois, mais je n’en suis plus sûr. Il s’est fait prendre et a disparut des années durant, mais il est revenu il y a quelques jours. Dans la cale d’un paquebot, à se nourrir de rats et de ce qu’il pouvait trouver sur le bateau. Il est revenu ivre de rage et de violence. On ne sait pas ce qui lui est arrivé là-bas, mais depuis il tue impitoyablement tous ceux qui connaissaient son existence ou qui ont participé à sa mission.
- Hein ? »
Kassady était perdu.
Jamais, jamais son pays ne pourrait laisser de telles choses se produire…et surtout jamais il n’aurait de tels tueurs ! Jones devait se tromper, ou devait être mal informé…oui, cela devait être cela…on avait falsifié les données qu’il avait reçues pour le tromper…
Et puis, ce Kravenikoff…ce n’était pas vraiment un vrai américain…c’était normal qu’il devienne fou…jamais un pur américain ne pourrait faire ces choses…jamais, non…
« Il n’y avait que peu de personnes qui connaissaient sa mission. Plusieurs sont déjà mortes. Les plus importantes. Il reste les soldats de l’ombre, les petits scribouillards quoi…ceux-là seront les plus durs à retrouver, vu qu’on ne connaît pas vraiment leur identité. Pourtant, quelque chose me dit que ce dingue sait qui il doit tuer, et il est déjà en train de faire sa terrible vendetta… »
La discussion se termina sur ces mots, aucune des deux personnes présentes n’osant prononcer encore quelques mots dans cette atmosphère lourde et pesante. Tous deux étaient plongés dans leurs pensées tandis que l’automobile avalait les kilomètres et les rues de la ville.
Kassady n’avait rien à dire. Malgré la confiance et l’admiration qu’il éprouvait pour le flic à ses côtés, jamais il ne croirait que son pays, que ses chers Etats-Unis d’Amérique ne puissent faire de telles choses, ou ordonner de telles choses…
Kravenikoff était devenu fou et on avait falsifié les données pour faire accuser encore une fois le Gouvernement. Oui, cela devait être cela. On en voulait encore à son pays. Certainement Al Quaida, encore une fois…mais cela allait s’arrêter. Oui. Quand ce taré serait arrêté, lui Cletus Kassady ferait la lumière sur cela, et tout cela allait s’arrêter…il le jurait…
Le commissaire Jones s’en voulait un peu d’avoir tout dit à Kassady, mais il avait le droit de savoir même si le vieil homme savait que son jeune collègue n’accepterait pas ce qu’il avait dit. Son héritage familial et son vécu faisaient qu’il voyait le pays comme parfait…petit con, pensa le vieux flic en tournant dans le centre de Manhattan.
Ils étaient loin de leur juridiction, mais ce soir les limites n’étaient plus de mises…ce soir, un monstre était lâché en ville, et tout devait être fait pour l’arrêter…tout…même l’inacceptable pour des flics…
« Tout doit être fait pour l’arrêter, Ben. Tout. »
L’Anarchiste et Spider Man étaient devant le corps inanimé de Kravenikoff, qui était bourré de drogues et enchaîné par le maître des lieux. En temps normal, le jeune homme se serait révolté devant ce corps couvert de bleus et d’écorchures, mais il l’avait vu en pleine action…il avait vu ses victimes, ce qu’il en avait fait…cet être n’avait plus le droit de vivre après cela, après toutes ces horreurs.
« Oui…tout… »
L’adolescent s’approcha lentement du monstre humain.
Il le prit par les cheveux et releva sa tête sale et malodorante. Un sentiment de dégoût et de rage l’emporta alors tandis que son poing droit se serrait le long de son corps musclé et recouvert de sa deuxième peau amérindienne.
Ben sentit alors l’Anarchiste qui s’approchait lentement de lui par derrière. Il pouvait presque sentir son regard froid se poser sur son dos.
« Vas-y, Ben. Il a tué, il a estropié, il a torturé des innocents. Sens la rage en toi. Sens la colère en toi. Mais ne les rejette pas. Accueille-les. Accueille leur pouvoir, leur force. Et faites ensemble ce qui doit être fait : la Pure Justice. Donne-lui la seule punition possible pour ses crimes. »
Spider Man respira lentement, son poing remontant lentement le long de son corps pour se placer au-dessus du visage de Kravenikoff. Il plongea alors son regard sur le crâne de cet être infâme, de ce monstre puant et horrible…il avait tué…il avait massacré…il avait torturé…
Avec une sauvagerie animale, cet être avait déshumanisé des hommes et des femmes sans raisons apparentes…Avec une rage monstrueuse, il avait tué…tué !
Il avait prit des vies…et Ben savait qu’il recommencerait si il était relâché…
« Vas-y, Ben. Il doit mourir, tu le sais…écoute les voix de tes ancêtres, accepte-les… »
Le jeune homme entendait les voix de ses prédécesseurs en tant que Spider Man. Elles lui disaient de frapper, de tuer ce monstre, de le punir comme il devait l’être…elles lui disaient que c’était la seule solution, qu’il fallait frapper le mal par le mal…qu’il fallait régler définitivement son compte à cette horreur…et l’adolescent entendait.
Pour une fois, il entendait et acceptait ces voix. Il les comprenait, même…Comment ne pas accepter de tuer un meurtrier ? Comment ne pas accepter que les monstres soient supprimés de la surface de la Terre ? Comment ne pas accepter de faire la vraie Justice, pour une fois dans sa vie ? Comment ne pas être convaincu par le bien fondé de cette action ? De cette bonne action ?
« Je…oui…il doit mourir…
- Oui. Accepte ton destin, Ben. Accepte ton héritage… »
Oui…
Ben devait accepter son destin…son héritage…sa mission…
Il était né pour servir la Justice et le Dieu Araignée…oui…il devait servir et se battre pour la Justice…comme il l’avait toujours voulu…oui, il devait le détruire…
Lentement, le jeune homme visa le visage de son ennemi, de ce monstre. Un rictus de rage et de colère s’afficha alors sur sa bouche malgré sa deuxième peau, et il sentit l’excitation et l’envie de sang monter en lui.
Oui…Ben était enfin en phase avec sa mission, sa vie…il allait devenir véritablement un Spider Man, et le monde en serait changé…la véritable Justice allait être donnée, et il ferait tout pour que la ville soit nettoyée de ses rats, les criminels…
Son immense et monstrueux coup partit alors, tandis que l’Anarchiste souriait à pleines dents sous son masque. Enfin, il allait pouvoir s’occuper véritablement de ses projets avec l’aide de Ben. Enfin, il allait pouvoir changer le monde comme il l’avait toujours voulu. Enfin, il allait réussir. Enfin, la victoire serait sienne…sauf que rien ne se passa comme prévu.
En effet, alors que l’étrange propriétaire des lieux s’attendait à ce que la tête de Kravenikoff n’explose sous la violence du coup de Ben, ce fut le mur derrière lui qui fut détruit ! Reilly n’avait pas accepté son destin et sa mission, il avait faillit…ce jeune crétin avait faillit !
La rage s’emparait lentement du corps de l’Anarchiste tandis que l’adolescent se tournait vers lui, semblant apaisé et sûr de lui.
« Mais…mais pourquoi, Ben ? Tu avais une mission, une vie, un but…pourquoi ? Pourquoi as-tu tout gâché ? Pourquoi ?
- Parce que je sers la Justice. La Vraie Justice. Et jamais je ne me plierais à la vengeance et au meurtre, Anarchiste. Jamais je ne deviendrais ce que je combats. Peut-être que je passe à côté de ma vie, de mon but, de ma mission…mais au moins je ne me trahirais pas. Au moins, je ne trahirais pas ce en quoi je crois. Si être Spider Man veut dire être un assassin, et bien je ne serais plus Spider Man, mais Ben Reilly ! »
D’un coup monstrueux et puissant, Ben agrandit le mur encore plus qu’il ne l’était, et se jeta rapidement dans les airs et l’obscurité de la nuit de New York, laissant un Anarchiste déçu et fatigué par l’adolescent, qui avait malheureusement scellé son destin par sa décision.
Des pas claquèrent alors sur le carrelage et l’hôte se tourna lentement vers celui qui arrivait et avait assisté à toute la scène dans l’obscurité des ombres de la pièce.
Doucement, son corps se détacha du noir et l’on pu reconnaître l’étrange être qui avait parlé par énigmes à Ben lorsqu’il avait poursuivit Michael quelques semaines plus tôt, à son retour d’Australie. Cet être s’appelait La Question et tentait d’informer les Internautes et ceux méritaient sa confiance des dangers du monde, tout en tentant de le transformer.
« Alors, as-tu réussis ?
- Ne pose pas de question, veux-tu. Je n’ai pas envie de jouer aux devinettes…
- Pourquoi ? Tes arguments n’ont pas touchés Ben Reilly ?
- Apparemment, non. Et tu le sais déjà. Tu l’avais prévu.
- Ne t’avais-je pas prévenu ?
- J’ai tenté ma chance…je pensais que je pouvais faire beaucoup de choses avec lui…
- Ne savais-tu pas que cet adolescent est trop attaché à ses valeurs ? Qu’il aime trop ce qu’on lui a inculqué pour trahir cela ?
- Arrête avec tes questions…ou au moins donne-moi la réponse aux miennes ! Cela changera de nos précédentes conversations…
- Ne t’ais-je pas dis que tu pouvais me poser une question ?
- Si. Alors réponds à celle-ci, mon ami : que va-t-il se passer ? Que va devenir Ben ?
- Ne sont-ce point deux questions au lieu d’une ? Mais passons, bien que je préfère plutôt cette question : tu sais, comme moi, qu’un seul être peut vaincre Spider Man, mais qui ? Qui peut faire cela ? Qui peut vaincre l’envoyé du Dieu Araignée ? Qui peut le détruire, comme tu le crains tant ? Il n’y a qu’une seule réponse possible, mon ami : Ben Reilly…Ben Reilly est le seul à pouvoir faire cela… »