Urban Comics
  Episode 41 : Histoires de Monstres (1) : Les regrets d'une vie
 
Histoire : Ben Wawe
Date de parution : Mai 2006

Samedi soir.
Vingt trois heures.
Le toit d’une usine désaffectée de Roosevelt Island.
La pluie tombant violemment sur la ville de New York, alors que les vieilles cheminées noires du bâtiment étaient depuis longtemps éteintes et presque détruites.
Mais ce n’était pas le tourisme et l’observation d’un ancien maître lieu de l’industrialisation américaine qui avait amené l’être devant la porte du grand bâtiment, les poings serrés. Ses souvenirs douloureux et durs l’avaient poussé à revenir ici, et il n’avait pu se résoudre à les faire taire…il fallait qu’il sache.
Qu’il sache comment la Société du Scorpion avait pu survivre à tout ça. Qu’il sache comment il pouvait encore vivre avec ça. Qu’il sache ce qu’il devait faire, maintenant.

« Ben ? »

Une voix venait de s’élever à ses côtés. Un adolescent aux cheveux blonds apparut à ses côtés, avant de regarder avec surprise l’étrange bâtiment devant lui. Il venait de sortir du taxi qui les avait amené ici, et toussa quelques instants, avant que Reilly ne lui réponde avec une voix lasse et fatiguée.

« Oui, Eddie. Qu’est-ce qu’il y a ?
- Euh…Qu’est-ce qu’on fait là ?
- On cherche des réponses.
- A quoi ?
- Au fait qu’un de mes anciens amis est devenu mon pire ennemi, que mes parents sont morts, que mon premier amour est revenu apparemment, et que ma vie fout le camp. Encore une fois.
- Encore une fois ?
- Ouais. Mais t’en fais pas, on prend vite l’habitude. Ça te viendra aussi.
- Mais…pourquoi ici, alors ? Ca ne ressemble pas à…
- C’est ici que mon enfer personnel a vraiment commencé, Eddie. Viens… »

Ben Reilly bougea rapidement, et s’approcha de la grande porte en métal. Avec ce qui lui restait de sa force provenant du Dieu Araignée, le jeune homme ouvrit la porte, et se mit vite à l’abri avec son collègue. Les deux adolescents n’étaient pas en costume, et ils s’étaient retrouvés sur le grand pont de la ville quelques minutes auparavant avant d’embarquer dans un taxi. Le premier Spider Man n’avait pas eu envie d’user de ses pouvoirs. Pas ce soir-là.
Cela faisait environ une semaine que Ben était revenu de Paris, et il avait tenu à ce que Eddie vienne avec lui ici…Ici où leur prédécesseur, Peter Parker, était mort, et où Reilly avait apprit toute l’horreur que cachait la Société du Scorpion…Ici où il pensait en avoir fini avec ceux qui avaient ordonnés l’assassinat de sa famille…

« Mmh…C’est lugubre…
- Ouais. Ca n’a pas changé. »

L’obscurité régnait dans le vieux bâtiment désaffecté.
Cela faisait des mois que plus personne n’était venu ici…depuis que la Société avait fuit les lieux après la mort de leur Grand Prêtre…
Et revoir ces murs nus, ce grand vide devant lui, cela donnait une grande impression de nostalgie et de tristesse à Ben, qui s’avançait, les mains dans les poches son blouson en jean, dans le grand bâtiment, un air de mélancolie sur le visage.

« Ici c’est passé le vrai changement de Spider Man. Ici, je suis vraiment devenu celui que tues désormais. Tu le savais ?
- Ah bon ? Ton prédécesseur est mort ici ?
- Ouais. C’était y a quelques mois, à peine…Je croirais presque que c’était hier, en étant ici…
- Mais comment peux-tu le savoir ? On m’a toujours dit que tu n’avais jamais suivis de formation, et que tu n’avais jamais eu de lien avec la Tribu…Et normalement, tu n’aurais jamais dû…
- C’est vrai. »

Reilly s’approcha d’un mur, et le toucha doucement. Les souvenirs de son arrivée ici, mené par la nièce de Parker, revinrent alors…Qu’était-elle devenue, d’ailleurs ? Et pourquoi avait-il eut un mauvais pressentiment lorsqu’il l’avait rencontré ? Il aurait dû comprendre que quelque chose de grave allait arriver, mais le jeune homme était passé outre, trop aveuglé par son envie de vengeance et de sang contre la Société…et maintenant, il regrettait évidemment. Ah, si il avait écouté Parker et était resté à se reposer…
Il soupira lourdement, avant de se tourner vers Eddie, un air nonchalant et presque désespéré sur le visage.

« Mais certaines choses sont plus complexes que tu ne le crois, Eddie. Le monde n’est pas en noir et blanc, tu sais, et beaucoup de choses sont grises, malheureusement…Tout ce qu’on te dit n’est pas toujours vrai…
- Je ne pense pas que ça soit ainsi, Ben. Il y a le Bien, et il y a le Mal. Et les envoyés de notre…de mon Dieu doivent à tout prix faire en sorte que le Bien l’emporte sur le Mal. Il n’y a pas besoin d’aller plus loin, c’est simple… »

Brock avait bien accentué le fait qu’il ne considérait plus Ben comme membre de la Tribu de l’Araignée. L’adolescent considérait son prédécesseur comme une sorte de lâche, comme quelqu’un qui avait abandonné volontairement le costume parce qu’il ne se sentait pas de taille…et Eddie n’appréciait pas cela. Pire encore, il commençait à éprouver un peu de colère à l’encontre de Reilly, malgré qu’il lui avait sauvé la vie quelques jours auparavant, et ce alors qu’il l’avait agressé violemment…
Ben soupira lourdement après les paroles de son acolyte, avant de reprendre doucement, faisant s’avancer ses baskets sur le sol jonché d’ordures du bâtiment.

« Eddie…La vie n’est pas si manichéenne. On ne peut pas voir le monde en noir et blanc, je te l’ai dis. Ça ne serait que pure folie de faire ça. Et crois-moi, j’en ai payé les conséquences, vu que j’étais comme toi, avant.
- Mais…
- Pas de mais, Eddie. Même si la différence d’âge n’est pas grande entre nous, la maturité qui nous sépare est immense. Tu es encore un gamin, au fond, alors que moi… »

Eddie Brock bouillait intérieurement.
Il n’avait jamais aimé être rabaissé, surtout par quelqu’un qui avait abandonné son rôle, qui avait tout lâché pour d’obscures raisons…Pour qui Ben se prenait-il donc ? Pourquoi osait-il dire qu’il était meilleur à lui, alors que lui osait affronter son Destin et les envies de son Dieu ?
Les poings de Brock commencèrent à blanchir sous la pression de sa colère, mais il tentait quand même de se calmer…Après tout, Reilly semblait avoir envie de parler, et peut-être qu’il pourrait en apprendre plus sur son prédécesseur, et sur ses motivations…

« Moi, j’ai malheureusement grandis, mûris…Eddie, tu sais pourquoi je ne suis plus Spider Man ? »

En posant cette question, Ben s’était tourné vers son jeune collègue. Un regard emplit de lassitude et de fatigue se posa alors sur Brock, qui sentit tout le poids de la douleur et de la tristesse de Reilly. Il avait dû extrêmement souffrir…sûrement plus que ce que lui avait dit son Maître Michael…

« Euh…non…On m’a juste dit que tu avais abandonné…
- Oui…On a sûrement dû te dire aussi que j’étais un lâche et que je ne méritais pas de vivre ? D’où ton attaque, c’est ça ?
- Euh…
- Ne mens pas, j’ai tout compris. La Tribu ne vaut guère mieux que les autres, niveau manipulation de masse.
- Mais…
- Laisse-moi finir, je te prie. »

Ben s’approcha lentement d’Eddie, avant de s’arrêter à quelques pas de lui. Un silence pesant s’installa alors entre eux, avant que Reilly ne le rompe, d’une voix lasse et encore plus mélancolique qu’auparavant.

« J’ai arrêté parce que je n’en pouvais plus, Eddie.
Ma vie en tant que Spider Man n’a pas été des plus simples, tu sais. Un ami est mort parce que je n’ai pu le protéger. Mes parents ont été tués par la Société du Scorpion, les envoyés de la Tribu ennemie de la nôtre, que tu connais sûrement. J’ai été agressé dans un hôpital après avoir reçut des griffes dans le ventre. J’ai perdu Parker avant que je ne le connaisse vraiment…il s’est sacrifié pour me sauver. La femme que j’aimais a disparue, et je la pensais loin de moi, avant que Michael ne nous en parle l’autre fois.
Mais ce n’est pas tout… »

Le jeune homme soupira lourdement.
Apparemment, se rappeler de tout ça le faisait souffrir, mais il semblait en avoir besoin…comme si c’était pour lui une sorte de thérapie. Eddie l’écoutait en silence, la colère quittant peu à peu son cœur alors que le récit du new yorkais continuait.

« Après, je suis partis en Australie. Me ressourcer quelques mois. J’y ai rencontré des aborigènes, qui m’ont aidé, par leurs méthodes de relaxation, à accepter mon passif d’Elu …et le costume que tu peux faire apparaître quand tu le désires. Je croyais que ça irait mieux, après, et je suis revenu voir Gwen, celle que j’aime. Mais je m’étais trompé…lourdement… »

Ben promena ses yeux sur le visage d’Eddie. Son émotion était amplement perceptible, et il semblait avoir du mal à calmer les larmes qui voulaient couler le long de ses joues. Il reprit néanmoins, après quelques instants lourds de tension.

« Tout devint pire encore. Harry draguait Gwen alors que je ne voyais rien. J’ai affronté de vieux ennemis alors que les voix que tu entends me poussaient toujours au meurtre. J’ai failli ôter la vie, une fois, après une rencontre avec un être que j’espère tu ne verras jamais…l’Anarchiste.
Mais heureusement, j’ai pu m’en sortir, et j’ai oublié cette mission…Du moins, je le pensais… »

Eddie ne comprenait plus grand-chose. Pourquoi Ben disait-il que les voix l’avaient poussé au meurtre ? N’était-il pas normal que ceux qui tuent soient châtiés à la hauteur de leurs crimes ? N’était-il pas juste que ceux qui faisaient trop de mal ne puissent plus jamais en faire ? Les conseils de ses prédécesseurs aidaient Brock, qui ne voyait pas ce que voulait dire Reilly…
Celui-ci comprit que son successeur était réticent à accepter ses paroles, et il sourit un peu mélancoliquement. Après tout, il n’était pas simple de croire que tout ce en quoi on croyait était faux et néfaste…

« Tu n’es pas d’accord, hein ?
- Non…Mais pourquoi…
- Je m’en doutais, en fait. J’espère juste que je pourrais t’aider à ne pas faire les mêmes erreurs que moi. Parce qu’on paye ses conneries dans ce métier, Eddie. On les paye même très chères… »

Le regard de Ben devint plus dur et plus difficile. Il avait voulu avertir Brock, le pousser à stopper sa carrière de Spider Man…mais il savait bien que ça n’allait servir à rien. L’adolescent était trop endoctriné, trop croyant…et trop violent, surtout. Reilly s’était renseigné, depuis qu’il avait laissé Eddie chez Gwen avec Harry, et qu’il s’était prit une chambre dans un hôtel minable. Son prédécesseur était encore plus violent que lui, et n’hésitait pas à tuer.
Le nouveau Spider Man faisait ce qu’on lui disait de faire, il avait suivit une parfaite formation, était l’exact Avatar du Dieu Araignée…Que pouvait donc Ben face à ça ? Ses pouvoirs étaient diminués, et il ne savait même pas pourquoi il en avait encore…alors que pouvait-il face à quelqu’un qui pouvait le vaincre facilement ?

Parce qu’il ne voulait pas laisser un gamin subir ce qu’il avait vécu.
Parce que Ben Reilly avait décidé de sauver Eddie Brock, même si il devait le sauver de lui-même.
Parce qu’il avait un devoir. Celui de protéger son successeur, surtout qu’il semblait être perdu…Il fallait qu’il le ramène à la lumière, si il y en avait une. Et le jeune homme allait le faire, même si il lui faudrait se battre et peut-être même mourir.

Mais alors que Ben allait parler encore une fois à son collègue pour tenter de le convaincre d’arrêter ses activités, quelque chose le stoppa. Un bruit. Un son suspect qui provenait du fond du bâtiment. Pourtant, l’usine semblait entièrement vide et abandonnée, et pas un SDF ne traînait sur Roosevelt Island…alors qu’est-ce que c’était ?
Un ennemi, peut-être…qui les avait pisté ici, et voulait maintenant sa ration de viande en se payant les deux Spider Men de la ville…mais Ben n’allait pas le laisser faire. Et il savait aussi que Brock était du même avis.

Reilly tourna rapidement la tête vers Eddie, qui se tenait le crâne, comme si il avait mal. Sens d’araignée, pensa le jeune homme tandis qu’il tirait, instinctivement, son masque de sa poche. Il ne voulait plus être Spider Man, mais il ne se sentait à l’aise en combat que lorsqu’il avait cette protection…et Ben avait besoin de réconfort, à ce moment-là.

Brock, quand à lui, avait mal. Ses pensées explosaient dans son crâne, et il savait maintenant que cela voulait dire qu’ils couraient un danger…un danger très grave. Mais quoi ? A part un bruit, il n’y avait rien qui pouvait faire penser que quelqu’un d’autre était présent dans le bâtiment…alors qu’est-ce qui allait les attaquer ?
En voyant Reilly mettre son masque, Eddie fit apparaître sa deuxième peau. Ainsi préparé, l’adolescent fit disparaître la douleur, avant de serrer les poings, prêt au combat. Mais alors qu’il pensait qu’il allait sauter sur la chose qui était présente dès qu’il la verrait, Brock eut une toute réaction lorsqu’il aperçut l’être qui avait fait un bruit…

« Oh merde… »

Reilly n’avait pu éviter ce juron lorsque la créature s’approcha d’eux. Dégoulinante d’eau, les yeux jaunes et hagards, elle ne semblait pas humaine…Impression qui se renforçait par la couleur de sa peau, bleue, et par quatre paires de bras au lieu d’une, en temps normal…La chose n’était habillée que d’un pagne en peau d’un animal inconnu, et avançait inexorablement vers les Spider Men, qui n’osaient bouger sous la stupeur, et aussi l’envie d’exploser de rire face à ce truc digne d’un mauvais film d’horreur.
Encore une fois, ce fut Reilly qui brisa le silence, agacé d’avoir été interrompu alors qu’il voulait aider Eddie. Il fit craquer ses phalanges, tandis que des mots teintés de colère et d’énervement sortaient de sa bouche masquée.

« Putain…
Après les robots, les blacks costumés, les mecs à griffes, les créatures de cauchemar, les anarchistes, les tarés cannibales et la Société, il me faut ça…Un truc à huit bras…On se croirait dans un vieux James Bond, Octopussi !
Et je fais des vannes de merde, en plus…Sale journée… »

Ben soupira lourdement, fatigué de tout ça, avant de se lancer dans la bataille face à cette créature assez grotesque qui allait certainement passer un mauvais moment…
 
 
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