Histoire : Ben Wawe
Date de parution : Janvier 2006

Qu’est-ce qui m’arrive ?
Pourquoi encore moi ?
Ne serais-je jamais en paix ?
Suis-je maudit ?

Quatre questions…quatre questions qui cogitent dans mon esprit depuis ces affreuses minutes chez l’Anarchiste. Quatre questions qui pourraient changer le cours de ma vie. Quatre questions qui me font frissonner, moi qui ai affronté tant d’horreurs en me relevant toujours…moi, Spider Man…

Depuis environ un an et demi maintenant, je suis Spider Man, ce courageux « héros » qui tente de protéger New York. Ouais, tenter…c’est bien le mot. Depuis ces dix huit mois environ que mon grand père s’est sacrifié pour que je revive en tant qu’Avatar de son Dieu Amérindien, je me suis plus battu pour moi que pour des innocents. J’avais pourtant juré il y a quelques semaines de tout faire pour changer cela, mais tant de choses sont arrivées depuis…
La mort de Georges…
L’attaque contre Luthor et la trahison de Fury…
Le massacre perpétré par Kraven…
Le choix imposé par ce taré d’Anarchiste…
Et…et le pire…le début de ma folie…

Je…je crois que je deviens vraiment fou, oui…mais…mais ce n’est pas entièrement ma faute, enfin…je n’en sais rien, en fait…Depuis que je suis revenu d’Australie, où j’ai fais « connaissance » avec ce qui me sert de costume aujourd’hui, j’entends les voix de mes prédécesseurs me conseiller…me dire comment me battre, etc. …
Bien sûr, au début, c’est cool…savoir comment rentrer discrètement avec ma seconde peau quelque part, savoir jouer de la batterie comme un dieu, savoir comment craquer le doigt de quelqu’un en condamnant sa main…ça aide beaucoup mais…mais la suite est moins cool, en fait…

Cela fait maintenant environ une semaine…oui, à peu près une semaine…sept jours, donc…sept jours que ces voix sont plus pressantes…plus violentes…Ce ne sont plus des conseils qu’elles me donnent…mais des ordres…ils ne me disent plus ce qui serait le mieux si je le voulais…ils me disent ce qu’il faut faire…et…et si je ne leur obéis pas…je souffre…

La douleur est tellement atroce, que ça en est intenable…Pourtant, je ne suis pas un douillet, mais là…c’est vraiment trop.
En ayant vu un de mes amis mourir, en ayant tué, en ayant vu mes parents morts, en m’étant fait éventré, en voyant une sorte de « père spirituel » se sacrifier pour moi, en me faisant attaquer par un monstre de cauchemar, en affrontant des tarés terroristes, en sauvant un ami à moi du lynchage en plein Harlem, en comprenant que le père de celle que j’aime était mort par ma faute et en ayant vu l’horreur dans sa forme la plus pure, je pensais être blasé…ne plus vraiment souffrir…mais…ce qu’ils me font…c’est encore pire que tout cela…

Ce ne sont pas seulement des maux de tête violents, en fait…ces voix puisent au fond de moi-même pour me faire du mal…elles font remonter des souvenirs durs et qui font mal…les cadavres de Max, de Georges et de mes parents me hantent, comme ceux des hommes que j’ai tués alors que j’étais déjà presque fou…
Ah…je me surprends à sourire maintenant, assit en haut de l’Empire State Building, le visage libre, enfin…malgré la douleur que me font les ordres de mes ancêtres, je ne veux pas mettre mon « masque »…j’ai trop peur…trop peur de redevenir fou…ce que j’ai failli faire à Kraven…cela me rappelle trop Fanny et Michael…

Fanny…
Michael…
La femme que j’ai aimée…Mon meilleur ami…
Peut-être ceux qui m’ont fais le plus de mal sur cette planète…et à qui j’en ai fais le plus aussi, certainement…A un moment, je n’acceptais pas inconsciemment mon rôle de Spider Man…et je suis devenu fou, un peu…et j’ai fais…des choses…inacceptables…
J’ai tué…j’ai apeuré une amie, Matilde…et j’ai certainement détruit le dos de Michael alors qu’il tenait dans ses bras Fanny…quel imbécile j’ai été ! Comment ais-je pu croire que celui que je considérais comme un frère pouvait être avec elle ? Ils ne m’auraient jamais fais cela…jamais…et pourtant…je l’ai cru…

Me dire que je n’étais pas moi-même à ce moment-là n’est pas une bonne excuse…je n’en ai aucune, en fait…Il faudrait…il faudrait que je les retrouve…que je découvre où est partie Fanny…comment Michael peut encore courir comme je l’ai vu la dernière fois…mais je ne peux pas penser à cela maintenant…non…d’autres choses sont prioritaires, là…
Et la première de ces choses est : comment rester moi-même malgré tout ? Comment rester Ben Reilly et ne pas devenir ce monstre qu’est Spider Man, vu ce qu’on désire de moi ?

Je ne suis pas un meurtrier…je ne le serais jamais…J’ai déjà du sang sur les mains…je ne veux pas en avoir d’autre…mais comment m’en sortir ? Comment réussir à faire taire ces voix horribles, comment faire disparaître ces souvenirs qu’on m’envoie à chaque instant devant les yeux, risquant de me faire basculer dans la plus pure folie ?
Je ne sais pas…et j’ai peur…

Qui peut m’aider ?
Qui peut supporter avec moi cette souffrance ?
Qui peut m’apaiser ?
En qui faire confiance ?

Encore quatre questions…quatre questions qui me font repenser à ma vie…suis-je fier de ma vie ? Est-ce celle que mes parents auraient voulus pour moi ? Je sauve parfois des gens…mais je fais souffrir ceux que j’aime…ils meurent, même…
Mon père et ma mère sont morts par ma faute, comme Georges et Peter…
Michael a été…je ne sais même pas ce qu’il a eu…
Fanny a été choquée à vie, certainement…
Gwen…ma chère Gwen…elle doit m’en vouloir à mort de l’avoir encore abandonnée…ne pourrais-je donc jamais être heureux ? Est-ce incompatible avec la fonction de Spider Man ?

Je veux être heureux…
Je veux être un ado normal…
Je veux pouvoir être dans la rue sans écouter le moindre bruit pour entendre une demande d’aide ou des gyrophares…
Je veux être libre…j’en ai le droit, non ? Après tout ce que j’ai donné à la « cause », ce n’est que justice…

La justice…le grand mot des Spider Men…il faut faire la Justice, Ben…Œil pour Œil, Dent pour Dent…et si je ne veux pas, moi ? Si je ne veux pas prendre la vie malgré les horreurs commises ? Si je préfère mes valeurs à cette mission « sacrée » ? Je n’ai jamais demandé à être Spider Man…

Aaaargh…La douleur…encore…
Mes ancêtres semblent ne pas apprécier mes pensées…ils me remontrent les images de mes victimes…des hommes que j’ai tués chez la Panthère…je revois aussi mes parents, tués devant mes yeux…et George…abattu…par ma faute…
Je sens du sang qui descend le long de mon nez sur ma lèvre. Je sens mon cerveau prêt à exploser. J’entends les ordres de ceux qui me font cela… « remets ton masque, sois Spider Man »…Ils veulent me forcer à le faire…si je refuse…la douleur sera plus violente…Que…faire ?

Niiiaaaah…
La douleur est de plus en plus forte…mais…je résiste…Je ne plierais pas…je ne deviendrais pas ce Spider Man meurtrier qu’ils veulent…Être Spider Man veut dire être un assassin, tuer les tueurs, faire du mal à des êtres humains ? C’est cela leur Justice ? C’est cela être Spider Man ?

« Et bien que je ne sois plus Spider Man alors ! »

Ces mots sortent de ma bouche naturellement…enfin, je comprends ce qu’il faut faire…je comprends ce que je dois faire pour être libre et faire ce que je désire, pour une des rares fois dans ma vie…
Je…je ne dois plus être Spider Man…Si porter ce costume veut dire tuer, aller contre mes valeurs…je ne peux pas…je ne peux plus…Je dois arrêter ce rôle…quoiqu’il m’en coûte !

Bien sûr, mes ancêtres ne sont pas d’accords…
Bien sûr, la douleur est encore plus forte qu’avant…les images plus violentes…
Bien sûr, je me sens mal et je suis prêt à tomber dans le coma…mais…
Mais je résiste. Je le dois. Je le dois à mes parents, à Michael, à Fanny, à Max, à Matilde, à mes parents, à Georges Stacy, à Gwen…et à moi aussi. Depuis un an et demi, je tente de faire de mon mieux. Il est temps maintenant d’accepter que, au fond, je ne suis peut-être pas un héros…que, au fond, je ne veux peut-être pas de cette vie-là…

La douleur explose dans mon crâne, mais je résiste encore…je…je sens que ça vient…oui…Lentement, douloureusement, le costume descend le long de mon corps…chaque parcelle de cette sorte de boue se décolle au ralenti de ma peau…pour tomber au sol…
Bien entendu, cela est douloureux, mais j’ai la foi maintenant…je sais que c’est la seule solution pour que je sois libéré…pour que je vive la vie que je désire…pour que je sois l’homme que je veux être…

Raaaah…les dernières parcelles de costume sont les plus récalcitrantes…et…et la douleur est encore plus forte qu’avant…Mes prédécesseurs ne veulent pas me lâcher…ils ne veulent pas que j’arrête d’être Spider Man…mais…mais ils ne peuvent rien contre moi…Enfin, j’ai découvert ce que je voulais…enfin, j’ai découvert que je ne pouvais être ce qu’ils veulent que je sois…

Finalement, c’est fini…
Dire que je pensais que cette fission allait se faire dans une explosion mystique, dans un flash aveuglant…même pas…Cette boue noirâtre à mes pieds…c’est tout ce qui reste de Spider Man, du moins de ce qu’on voulait que soit Spider Man…
Lentement, je recule, effrayé par la possibilité que la boue m’agresse…mais non, elle ne fait rien. Elle reste là, inerte…Je souris presque en comprenant que je suis libre, désormais…libre de vivre ma vie…libre de faire ce que je veux…mais que faire, maintenant ?

Je n’ai plus de famille…plus d’amis…Gwen me déteste certainement après tout ce que je lui ai fais…Que faire ? Où aller ? Je n’ai plus de chez moi…je n’ai plus rien…
Ben Reilly n’a plus voulu être Spider Man…j’ai réussi mais…à quoi bon avoir fais cela si ce qui fait Ben Reilly n’est plus ?

Je n’ai qu’une solution…qu’un endroit où aller…Je ne peux aller à la Réserve, trop dangereux vu ce qu’il s’est passé…je n’ai personne à New York…Matt pourrait m’aider, mais il a certainement ses propres problèmes…
Non…il n’y a qu’un endroit où je pourrais trouver quelque chose pour me reconstruire…et je dois y aller…dès maintenant…

Lentement, je tourne les talons et ouvre la porte de l’escalier. Par chance, elle était ouverte. Et, tandis que je m’enfonce dans les profondeurs obscures du bâtiment, je me sens léger…vivant…Pour la première fois depuis des mois, je ne suis plus Spider Man, mais Ben Reilly. Et cela fait du bien.